L'accusation de viol à New York contre l'ex-chef du FMI
s'effondre
Par Patrick Martin
4 juillet 2011
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Dominique Strauss-Kahn, ex-chef du Fonds monétaire
international (FMI), a été libéré sans caution vendredi après une audience
au cours de laquelle l'accusation de viol contre lui, s'est apparemment
effondrée. Les procureurs ont admis que la crédibilité de la plaignante est
maintenant remise en question.
Les procureurs n'ont donné aucun détail à l'audience, mais
un long article du New York Times, publié vendredi matin, comprenait
des citations de deux « fonctionnaires de la justice » qui indiquaient que
la personne présentée comme victime avait été liée au trafic de drogue et au
blanchiment d'argent, et qu'elle avait été entendue en train de discuter des
bénéfices financiers qu'elle pourrait tirer des accusations contre
Strauss-Kahn.
Les trois quotidiens de la ville de New York – dont le
tabloïde Daily News et le New York Post qui appartient à
Murdoch – ont publié des articles vendredi s'appuyant sur des révélations du
bureau du procureur et de la police. Les mêmes faits ont été rapportés par
ces trois journaux.
D'après ces reportages, la femme de 32 ans, immigrée de
Guinée qui affirmait avoir été violé par Strauss-Kahn le 14 mai, a passé un
appel téléphonique, moins d'un jour après les faits, à un homme qui est en
prison pour des affaires de drogue, avec lequel elle a discuté de la manière
dont elle pourrait « faire de l'argent » sur cette affaire, selon les termes
du Daily News.
L'article du Times mentionne que : « La femme a eu,
dans la journée qui a suivi sa rencontre avec M. Strauss-Kahn, une
conversation téléphonique avec un homme incarcéré durant laquelle elle a
discuté des bénéfices possibles à tirer en maintenant ses accusations contre
lui. La conversation a été enregistrée. »
Le Times a rapporté que l'homme en prison était l'une
des personnes qui avaient fait des dépôts d'argent liquide pour un total de
plus de 100 000 dollars sur le compte en banque de la femme au cours des
deux dernières années, en Arizona, Géorgie, à New York et en Pennsylvanie.
Elle est femme de ménage à petit salaire dans un hôtel, avec deux enfants à
charge. Elle n'aurait pas été en position d'obtenir de telles sommes
simplement par son emploi au Sofitel de Manhattan, où la rencontre avec
Strauss-Kahn avait eu lieu.
Un autre fait notable est que la victime prétendue versait
des centaines de dollars par mois en factures de téléphone à cinq compagnies
différentes, alors qu'elle avait dit aux enquêteurs qu'elle n'avait qu'un
téléphone. Elle a également affirmé qu'elle ne savait rien au sujet des
énormes sommes d'argent déposées sur ses comptes sauf qu'ils étaient faits
par son « fiancé » et ses « amis ».
Les articles de presse détaillent également les précédents
mensonges de cette femme, y compris dans sa demande d'asile déposée après
son entrée aux États-Unis, lorsqu'elle avait affirmé être victime de viols
collectifs en Guinée, une ex-colonie française d'Afrique de l'Ouest où elle
est née.
NBC News a relaté que les enquêteurs avaient établi
qu'elle « avait beaucoup menti, [dans sa demande] y compris dans des
informations relatives au fait qu'elle aurait été violée. » Les procureurs
ont déclaré à la chaîne de télévision qu'elle avait décrit cette histoire de
viol « d'une manière crédible, » mais qu'elle avait ensuite admis qu' « elle
leur avait menti […] ainsi que sur la demande, au sujet de toute l'affaire
du viol. »
Un « fonctionnaire de justice » anonyme a déclaré à l'Associated
Press que la femme avait également menti sur certaines de ses activités
avant et immédiatement après l'agression prétendue contre elle, qui aurait
eu lieu vers midi dans une suite de luxe à Manhattan où se trouvait
Strauss-Kahn.
L'article du Times a souligné l'effondrement de la
crédibilité de la plaignante. « Bien que les examens des médecins légistes
aient établi des preuves indubitables d'une relation sexuelle [avec
Strauss-Kahn], les procureurs ne croient plus maintenant ce que l'accusation
leur dit quant aux circonstances ou sur elle-même. Depuis ses déclarations
initiales du 14 mai, elle a menti à plusieurs reprises, a déclaré l'un des
fonctionnaires de justice. »
Les procureurs ont rencontré les avocats de Strauss-Kahn
jeudi et leur ont communiqué la plupart des preuves dont ils disposent. Ils
ont entamé des négociations sur un possible abandon de l'affaire, à
commencer par la libération de Strauss-Kahn de l'assignation à résidence où
il était confiné. »
Le lendemain, le juge Michael Obus a déclaré lors de
l'audience, « J'estime que les circonstances de l'affaire ont changé
substantiellement et je reconnais que le risque de fuite a nettement
diminué. Je libère M. Strauss-Kahn sans lui imposer de caution. »
Après l'audience, une lettre officielle de remise en liberté
du bureau du procureur du comté aux avocats de Strauss-Kahn a été rendue
publique. La lettre donne des détails supplémentaires sur le peu de
fiabilité du témoignage de la victime prétendue.
Elle reconnait que la prétendue victime a menti à plusieurs
reprises quant aux circonstances de l'agression qu'elle invoquait et sur sa
conduite après les faits. En particulier, elle admet maintenant qu'après une
relation sexuelle avec Strauss-Kahn dans la chambre de ce dernier, la suite
2806 du Sofitel de Manhattan, elle est allée nettoyer une suite voisine,
puis est retournée dans celle de Strauss-Kahn et a commencé à nettoyer
celle-ci également avant d'aller voir son chef de service pour lui déclarer
qu'elle avait été agressée sexuellement. Avant cela, la femme avait dit
qu'elle s'était enfuie de la suite 2806 et avait attendu dans un hall
jusqu'à ce que Strauss-Kahn quitte l'hôtel, puis était allée déclarer
l'agression.
L'apparent effondrement des accusations contre Strauss-Kahn
constitue une mise en évidence dévastatrice de la frénésie médiatique,
motivée politiquement, qui a suivi son arrestation. À l'avant-garde, se
tenait le New York Times, qui a publié des éditoriaux de Maureen Dowd,
Stephen Clarke et Jim Dwyder qui ruisselaient de mépris pour des notions
démodées comme le « innocent jusqu'à preuve du contraire, » puis un long
article de Bill Keller, éditeur en chef du journal, qualifiant de « théories
du complot » toute suggestion que Strauss-kahn aurait pu être la cible d'un
coup monté pour des raisons politiques.
Il n'est pas encore possible de déterminer si la relation
avec la femme de chambre était un coup monté délibéré, comme de nombreux
partisans de Strauss-Kahn en France l'ont suggéré. Mais le déroulement des
faits après son arrestation montre clairement que, au minimum, l'affaire a
été manipulée pour atteindre un but politique.
Strauss-Kahn a été arrêté le 14 mai, mais en l'espace d'une
journée, le 15 mai, la police et les procureurs savaient que la plaignante
avait été en contact avec un trafiquant de drogue emprisonné au sujet des
bénéfices qu'elle pourrait retirer de cette affaire de viol surmédiatisée.
Et pourtant ils ont continué sur leur voie initiale comme si tout cela
tenait parfaitement la route.
L'assistant du procureur du comté, Artie McConnell,
s'exprimant lors de la première comparution de Strauss-Kahn le 16 mai, avait
déclaré, « La victime a donné des détails très précis qui correspondent à
une agression sexuelle commise par le défenseur, ce qui établit tous les
éléments nécessaires du crime dont on l'accuse. »
Le 19 mai, McConnell déclarait à l'audience sur la caution,
« La plaignante dans cette affaire a présenté une histoire touchante et sans
failles sur ce qui s'est passé dans la chambre de l'accusé. »
Sous la pression des poursuites pénales et de la frénésie
médiatique, Strauss-Kahn a démissionné de son poste de directeur du FMI le
19 mai. Il a dû abandonner sa trajectoire politique prévue – rentrer en
France en été et lancer une campagne pour la présidentielle, où il était le
favori pour obtenir la candidature officielle du Parti socialiste et à ce
moment-là en tête des sondages qui l'opposaient à Nicolas Sarkozy.
Il semble que le bureau du procureur du comté de New York a
mené une procédure agressive, en dépit d'avertissements clairs sur la
fiabilité de son seul témoin, afin de forcer Strauss-Kahn à abandonner sa
poste au FMI et de torpiller ses plans politiques en France. Au cours des
mois précédents, le gouvernement d'Obama avait exprimé sa déception quant à
la direction du FMI par Strauss-Kahn, entre autres pour sa réticence à
soutenir les tentatives de Washington d'isoler la Chine et de la dépeindre
comme un « manipulateur de monnaie » parce qu'elle résistait aux demandes
américaines de réévaluer fortement la sienne.
En quelques jours après l'arrestation de Strauss-Kahn, le
ministre de budget américain avait publiquement demandé sa démission,
ouvrant la voie au transfert temporaire des commandes de l'organisation à
son adjoint américain, John Lipsky.
(Article original paru le 2 juillet 2011)