Depuis
près de trois ans, la Chine avec ses taux de croissance rapide
semble éviter la pire crise économique mondiale depuis les années
1930.Mais les moyens mêmes utilisés par Beijing pour conjurer la
récession, à savoir le crédit à bon marché et de gigantesques
plans de relance, ont généré des créances à risques qui menacent
de créer une nouvelle instabilité financière et économique en
Chine et internationalement..
Cette
dette se concentre dans les collectivités locales qui ont lourdement
emprunté pour investir dans l'immobilier et l'infrastructure. Les
toutes premières statistiques sur la dette des collectivités
locales publiées par le Bureau national de l'audit (NAO) à la fin
du mois de juin à révélé des dettes stupéfiantes de 10,7 mille
milliards de yuan (1,65 mille milliards de dollars américains), soit
l'équivalent de près de 27 pour cent du PIB du pays en 2010.
L'agence
de notation internationale Moody's a évalué la totalité de la
dette à quelque 540 milliards de dollars de plus que le chiffre
fourni par le NAO, avec des créances à risques estimées entre 8 à
12 pour cent du total. Moody's a averti qu'en l'absence d'un plan
pour maîtriser la dette des collectivités locales, la notation des
banques chinoises par l'agence pourrait devenir négative.
Victor
Shih, expert sur la dette des collectivités locales chinoises, basé
aux Etats-Unis, affirme que la somme totale pourrait même être plus
élevée, entre 15,4 à 20,1 mille milliards de yuan, soit 40 à 50
pour cent du PIB chinois de 2010. De plus, comme il l'a dit au New
York Times:
« La plupart des entités gouvernementales qui empruntent ne
sont même pas en mesure de rembourser les intérêts sur les
emprunts. »
Les
dépenses massives des collectivités locales ont contribué à
attiser la spéculation sur la propriété ce qui a provoqué
l'escalade des prix immobiliers et un immense surplus de logements
invendus. Durant la décennie précédente, le prix de l'immobilier
dans le centre de croissancequ'est
Shangaï, a quasiment été multiplié par quatre. A Canton, il a été
multiplié par trois. Dans un rapport publié cette année, la banque
d'investissement Crédit Suisse a identifié Wuhan comme l'une des
« 10 principales villes à éviter »expliquant qu'il
faudrait huit ans pour vendre le stock de logements invendus.
La
crise de la dette des collectivités locales est la conséquence
directe de la réponse de Beijing à la tourmente financière
mondiale qui a éclaté en 2008. Le ralentissement brutal des
principaux marchés d'exportation de la Chine ( Etats-Unis, Europe et
Japon) a conduit à la suppression rapide de 23 millions d'emplois.
Craignant des soulèvements sociaux, le régime chinois a présenté
les grandes lignes d'un programme de relance de 4 mille milliards de
yuan pour maintenir la croissance économique, mais n'a fourni que
1,2 mille milliards de yuan, laissant le reste du financement aux
collectivités locales et aux entreprises publiques.
Il
en a résulté une orgie d'emprunts. N'ayant pas le droit d'émettre
directement des obligations, les collectivités locales ont crée des
entreprises d'investissements pour emprunter aux banques publiques.
L'argent n'a pas été investi dans des hôpitaux et des écoles,
malgré l'urgence criante, mais dans des projets immobiliers et
d'infrastructure. Beijing a encouragé ces excès en promouvant des
bureaucratessur
la base de statistiques de croissance économique locale.
Les
chiffres de la dette des collectivités locales altèrent
considérablement l'image des finances publiques chinoises. La dette
du gouvernement central s'élève à moins de 20 pour cent du PIB,
soit bien moins que le niveau de la dette publique des Etats-Unis et
de l'Europe. Mais comme l'a fait remarquer un chercheur américain
Minxin Pei dans un récent article intitulé «la bombe à
retardement de la dette chinoise », une fois que l'on prend en
compte la dette des collectivités locales et autres dettes, la
totalité de la dette chinoise s'élève à 70 à 80 pour cent du
PIB.
Beijing
a pris des mesures pour resserrer le crédit, ce qui rendra plus
difficile pour les collectivités locales de simplement refinancerles
emprunts, dont la moitié devront être remboursés dans les deux
prochaines années. Un récent rapport de la banque d'investissement
USB a prédit que les entreprises d'investissement des collectivités
locales pourraient générer jusque 460 milliards de dollars de prêts
non remboursés dans les années à venir. Si le gouvernement central
est forcé de renflouer les collectivités locales et les banques, la
croissance économique qui ralentit déjà, chutera davantage encore.
Par
le passé, les finances des collectivités locales chinoises auraient
à peine été mentionnées dans la presse financière
internationale. Le fait que le niveau de la dette chinoise provoque
des inquiétudes de ramifications pour l'économie mondiale est signe
que le capitalisme mondial dépend de la croissance économique de la
Chine.
Durant
les deux précédentes décennies, de hauts niveaux de croissance ont
catapulté la Chine du dixième au second rang de plus grande
économie mondiale. Selon un rapport du mois d'avril de l'Académie
chinoise de science sociale, la Chine a contribué l'année dernière
de plus de 30 pour cent à la croissance économique mondiale. Avec
la stagnation des Etats-Unis, du Japon et de l'Europe, tout
ralentissement de l'économie chinoise ne fera qu'aggraver la crise
économique mondiale en cours. Les principaux producteurs de
marchandises tels l'Australie et le Brésil seront parmi les premiers
touchés.
A
l'intérieur de la Chine, le coût de tout renflouement des
collectivités locales et des banques sera inévitablement imposé,
d'une manière ou d'une autre, sur les travailleurs ce qui attisera
encore davantage les tensions sociales. Après la crise financière
asiatique de 1997-98, Beijing avait été obligée de consolider le
système bancaire en prenant le contrôle de 335 milliards de dollars
de dettes à risques des mains des principales banques publiques.
Pour financer le renflouement, le régime avait dû privatiser des
entreprises publiques, détruisant plus de 20 millions d'emplois,
avait supprimé des logements financés par l'Etat et institué le
système de «l'usager paie » en matière de santé et
d'éducation, ce qui avait considérablement alourdi le fardeau de la
classe ouvrière.
La
crise actuelle de la dette en Chine est à une bien plus grande
échelle. Tout ralentissement économique provoquera rapidement une
hausse du chômage. Il existe déjà un mécontentement social
considérable au sujet de la hausse des prix, avec l'augmentation de
6,4 pour cent de l'indice des prix à la consommation d'année en
année, soit le taux le plus élevé en trois ans. Le prix des
denrées alimentaires a augmenté de 14 pour cent et le prix du porc
de 57 pour cent. Un fardeau économique supplémentaire a le
potentiel de déclencher ce que le régime a toujours craint:
l'éruption de la résistance et de l'opposition de la classe
ouvrière qui compte à présent 400 millions de personnes.
Une
croissance forte et continue en Chine durant les trois dernières
années a conduit certains commentateurs à se demander si la Chine
ne serait pas en train de proposer un modèle de développement
économique entièrement nouveau. En réalité, la Chine est empêtrée
dans les contradictions mondiales du capitalisme qui sont celles-là
mêmes qui ont provoqué la crise économique internationale. Loin de
fournir une nouvelle source de force au capitalisme mondial, la Chine
se révèle être un colosse économique aux pieds d'argile.