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CanadaCanada : La criminalisation de la grève des postes
et le rôle des syndicats et du NPD
Par Keith Jones
8 juillet 2011
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Le gouvernement conservateur du Canada a utilisé sa majorité
parlementaire récemment acquise pour criminaliser la lutte contre les
concessions (anti-concessions) menée par les 48 000 facteurs urbains,
trieurs et commis de Postes Canada. Mais le gouvernement n’a pas eu besoin
de mobiliser les tribunaux et la police pour imposer sa brutale loi
anti-grève. Cette tâche a été assurée par les syndicats et leurs alliés
politiques au sein du Nouveau Parti démocratique (NPD).
Affirmant que si les travailleurs des postes défiaient la législation
autoritaire des conservateurs, le gouvernement aurait le prétexte qu’il
souhaite pour détruire le Syndicat des travailleurs et travailleuses des
postes (STTP), le Conseil exécutif national du syndicat a voté à l’unanimité
pour ordonner aux postiers de mettre un terme à tout mouvement de
revendication et de retourner au travail. Plus tôt, la direction du STTP
avait convenu que le NPD devrait laisser tomber ses efforts pour retarder
l’adoption du projet de loi contre les postiers par une obstruction
parlementaire.
Le STTP n’a jamais soulevé la possibilité que les postiers défient la loi
radicale des conservateurs et lancent un appel à la classe ouvrière pour les
appuyer. Au contraire, le syndicat, le Congrès du travail du Canada (CTC) et
le NPD ont tout fait pour isoler les postiers et les convaincre que toute
résistance était inutile.
En faisant respecter l’ordre de retour au travail, le syndicat et le NPD
ont donné au gouvernement conservateur de Stephen Harper une victoire
majeure seulement quelques semaines après qu’il s’est assuré une majorité
parlementaire, même si moins d’un Canadien sur quatre a voté pour les
conservateurs. La grande entreprise a fortement appuyé les efforts des
conservateurs pour obtenir une majorité, comme elle l’a fait pour leur
« coup constitutionnel » en décembre 2008, parce qu’elle souhaite un
gouvernement « fort » prêt à éliminer toute restriction sur les profits des
entreprises et supprimer les droits et les protections sociales que les
travailleurs ont gagnés suite à des décennies de lutte.
Les dirigeants du CTC et du NPD reconnaissent eux-mêmes que l’attaque des
conservateurs sur les postiers, qui est venue quelques jours seulement après
que le gouvernement ait intimidé les agents de réservation et du service à
la clientèle d’Air Canada, les forçant à accepter des coupes dans les
retraites en les menaçant avec une loi de retour au travail, ciblent
l’ensemble des travailleurs, tant du secteur public que privé. Cela ne fait
que rendre leur capitulation encore plus significative et politiquement
accablante : les syndicats et les sociaux-démocrates préfèrent voir la
classe ouvrière subir une défaite majeure que de mobiliser les travailleurs
en lutte de classe contre le gouvernement conservateur de l’élite
capitaliste canadienne.
Quelques instants après que le NPD a accepté de faciliter l’adoption
rapide du projet de loi antigrève, le chef adjoint du parti, Thomas Mulcair,
a dit de la loi qu’elle était « une indication de ce qui est à venir pour
les autres travailleurs des services publics qui sont syndiqués… C’est aussi
un signal des conservateurs aux employeurs, dans un cadre syndical ou non,
que c’est bar ouvert. Ils peuvent commencer à éliminer les droits acquis de
leurs travailleurs ».
Le gouvernement conservateur et les médias de la grande entreprise
jubilent devant la défaite des postiers. La ministre du travail Lisa Raitt a
juré que le gouvernement n’hésitera pas à intervenir de la sorte lors des
prochains conflits de travail. Elle a dit : « Cela veut dire : [syndicats et
employeurs], entendez-vous, autrement, c’est la solution que vous allez
obtenir ».
La loi C-6 des conservateurs ne fait pas que rendre illégale la
résistance des travailleurs aux concessions en les menaçant d’une amende de
1000 dollars chacun (soit le salaire de plus d’une semaine de travail) pour
chaque jour où ils ne réalisent pas leurs tâches quotidiennes normales. Elle
impose un règlement salarial qui est inférieur à celui offert par la
direction de Postes Canada et contient une série de clauses conçues pour
s’assurer que l’employeur parvienne à imposer une structure salariale et
d’avantages sociaux à deux vitesses, détruisant le plan d'assurance
indemnité à court terme des travailleurs et implantant un régime de travail
dangereux qui va supprimer des emplois.
Le gouvernement conservateur s’est arrogé le droit de sélectionner un
arbitre qui écrira la convention collective des postiers et, en rupture avec
de précédents cas, il a limité le rôle de l’arbitre à choisir entre
l'imposition de « l’offre finale » du syndicat ou de l’employeur dans sa
totalité. De plus, la loi C-6 comprend une série de « directives », liées à
la rentabilité, à la « compétitivité » et à la « flexibilité » de gestion
qui force légalement l’arbitre à imposer les demandes de concessions de
Postes Canada.
Le gouvernement conservateur, avec le plein appui de la grande entreprise
canadienne, a délibérément provoqué une confrontation avec les postiers –
une section de la classe ouvrière qui est dénigrée depuis longtemps par la
grande entreprise en raison des luttes militantes qu’elle a orchestrées dans
les années 1960 et 1970.
Tout comme les gouvernements libéraux qui l’ont précédé, le gouvernement
conservateur de Stephen Harper a incité Postes Canada, qui a fait des
profits dans chacune des 14 dernières années, à transformer ses opérations
pour qu'elles correspondent davantage au marché. Aussitôt que Postes Canada
a imposé un lockout national, prétextant faussement que la stratégie du
syndicat de faire des grèves localisées compromettait l’avenir financier de
la compagnie, le gouvernement conservateur a annoncé son intention
d’ordonner légalement un retour au travail des postiers et d’avoir un
arbitre choisi par le gouvernement afin de dicter leurs salaires et leurs
conditions de travail.
Depuis la crise financière mondiale de 2008, l’élite économique du Canada
exige avec de plus en plus d'insistance qu’une section des travailleurs du
secteur public soit saignée de façon exemplaire. D’où le tollé contre les
travailleurs municipaux de Toronto lorsqu’ils ont fait la grève pendant
l’été 2009 en opposition à la demande de la ville pour des concessions.
C’est de là également que provenait l’appui pour le plan du nouveau maire,
très à droite, de la ville de Toronto pour le déploiement de briseurs de
grève si jamais les travailleurs résistaient à la privatisation de la
collecte des déchets et d’autres services.
La campagne de la grande entreprise pour couper les salaires, les
retraites et d'autres avantages sociaux des travailleurs du secteur public
est destinée à abaisser la norme pour les salaires et les avantages sociaux
de tous les travailleurs. Mais elle a aussi un deuxième but, tout aussi
important. Briser la résistance des travailleurs du secteur public est vue
par la classe dirigeante comme étant la clé pour aller de l’avant avec leurs
plans pour démanteler les services publics et sociaux.
L’assaut sur les postiers est venu quelques semaines après que le
gouvernement conservateur a dévoilé un budget d’ « austérité » qui expose
les grandes lignes d’un plan pour réduire les dépenses discrétionnaires per
capita du gouvernement fédéral de plus de 10 pour cent lors des quatre
prochaines années, tout en réduisant à nouveau les impôts sur les
entreprises.
Le premier ministre Harper et le ministre des Finances, Jim Flaherty,
demandent que les provinces agissent également rapidement pour équilibrer
leur budget par des coupes dans les dépenses sociales. En fait, ils tentent
d'enfoncer une porte ouverte. Les gouvernements provinciaux de toutes
affiliations politiques, incluant les gouvernements du NPD en
Nouvelle-Écosse et au Manitoba, ont déclaré que l’austérité et la
responsabilité fiscale sont leurs mots d’ordre. Au même moment, la grande
entreprise demande encore plus franchement une politique de
contre-révolution sociale, affirmant que le système de soins de santé public
universel et d’autres services publics et sociaux sont « non viables ».
Au Canada, pas moins qu’en Grèce, en Espagne, en Grande-Bretagne et aux
États-Unis, la grande entreprise est déterminée à s’extirper de la crise du
système de profit en ramenant la classe ouvrière aux mêmes conditions qui
existaient dans les premières décennies du dernier siècle, à l'époque où il
n’y avait presque pas de régulations sur le capital et qu’il n’existait pas,
ou très peu, de programme sociaux.
L’offensive de la classe dirigeante est farouchement opposée à travers le
monde, mais partout la classe ouvrière fait face au même problème central.
Les organisations officielles de la classe ouvrière et les partis de
« gauche » défendent tous le système capitaliste et acceptent que les droits
des travailleurs et leur position sociale soient sacrifiés afin d’assurer la
compétitivité de leur classe dirigeante respective dans la lutte mondiale
pour les marchés et les profits.
Dans le cas de la lutte des postiers, le principe directeur du STTP
n'était pas de défendre les droits des postiers, mais bien d'éviter une
confrontation avec le gouvernement conservateur de Harper.
À cette fin, il a limité le mouvement de revendication des postiers à une
série inefficaces de grèves tournantes régionales et s'est vanté par la
suite de l'impact limité des débrayages sur les opérations de Postes Canada.
Le syndicat a réagi aux multiples provocations de l'employeur en proposant
de suspendre tout mouvement de revendication.
Surtout, la direction du STTP a isolé la lutte des postiers en la
confinant dans le cadre étroit de négociations pour une convention
collective. Ces négociations ont été rapidement, et de manière prévisible,
court-circuitées par le gouvernement.
Le CTC et le NPD étaient quant à eux encore plus déterminés à isoler les
postiers. Avant que le gouvernement annonce son intention de criminaliser la
lutte des postiers, ils n'avaient absolument rien dit sur la grève et sur
l'affrontement avec les conservateurs qui était imminent.
En réaction à l'annonce du gouvernement Harper qu'il a allait recourir à
une loi antigrève, le World Socialist Web Site a expliqué : « Les
larges désirs réactionnaires qui motivent les attaques du gouvernement
Harper sur les postiers indiquent qu'il y a des enjeux de taille pour toute
la classe ouvrière dans cette lutte. Ils laissent aussi entrevoir la
stratégie que les travailleurs doivent adopter.
« Les postiers doivent faire de leur lutte le fer de lance d'une
offensive politique et industrielle de la classe ouvrière contre le
gouvernement conservateur et en défense des emplois, des retraites, des
droits ouvriers et des services publics. »
Mais pour le STTP et tout le mouvement « officiel », il ne pourrait y
avoir d'avenue plus dangereuse : le statut légal des syndicats et les
privilèges des bureaucrates grassement payés qui composent leur direction
proviennent de leur rôle de policier dans la classe ouvrière.
La campagne organisée par les syndicats et le NPD contre le projet de loi
C-6 était une fausse lutte. Celle-ci, constituée de quelques manifestations
à faible participation et d'une courte obstruction parlementaire, a servi a
dissiper la colère des travailleurs et à renforcer l'autorité du STTP, pour
s'assurer que le syndicat allait pouvoir faire respecter la loi antigrève
lors de son adoption.
Le NPD, dont l'appui électoral, au contraire des conservateurs, a grimpé
en flèche lors de l'élection fédérale du 2 mai, a, avec le plein soutien du
CTC, réagi au développement de son influence en s'orientant encore plus vers
la droite. Depuis qu'il est l'opposition officielle, le NPD a exprimé à
maintes reprises qu'il était prêt à travailler avec le gouvernement Harper,
a appuyé la prolongation de l'assaut impérialiste contre la Libye et le rôle
de premier plan du Canada dans cette intervention, et a facilité l'assaut de
l'État contre les postiers. Le but évident du chef du NPD, Jack Layton, et
de ses collègues sociaux-démocrates, est de convaincre l'élite canadienne
qu'elle peut faire confiance au NPD pour gouverner en son nom. Ce parti
viendrait ainsi détrôner le Parti libéral comme parti de « gauche » du
gouvernement.
Les travailleurs doivent tirer les leçons du rôle que jouent les
syndicats et le NPD en étant complices du gouvernement Harper dans
l'importante défaite qu'il a infligée aux postiers et, ainsi, en accélérant
le programme de la grande entreprise qui vise à faire payer les travailleurs
pour la crise capitaliste mondiale.
Pour défendre sa position sociale et ses droits fondamentaux, la classe
ouvrière doit développer son propre programme pour résoudre la crise
économique aux dépens de la grande entreprise, en portant au pouvoir un
gouvernement ouvrier qui aurait pour tâche de nationaliser les banques et
les principales industries sous le contrôle démocratique de la classe
ouvrière.
Toutes les luttes ouvrières contre les fermetures d'usine, le coupes dans
les services publics, les concessions et les lois antiouvrières doivent être
unies dans un mouvement politique indépendant de la classe ouvrière contre
le gouvernement Harper et le régime capitaliste dans son ensemble.
Une telle lutte exige une rupture politique et organisationnelle avec les
syndicats et le NPD, qui existent pour réprimer et étouffer les luttes de la
classe ouvrière. En opposition aux bureaucrates syndicaux, les travailleurs
doivent bâtir de nouvelles organisations de lutte, des comités d'usine, de
bureau et de quartier, et surtout un parti socialiste de masse de la classe
ouvrière, dans le but de lutter pour un gouvernement ouvrier. C'est pour ce
programme que se bat le Parti de l'égalité socialiste.
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