Le bilan, publié vendredi, des profits de JPMorgan Chase
pour 2010 est devenu l'occasion, pour la ploutocratie américaine, de célébrer
le retour du bon vieux temps d'avant le krach de Wall Street de 2008. Jamie
Dimon, le PDG de JPMorgan, a résumé les sentiments de l'élite financière
lorsqu'il a déclaré que les profits record de la banque étaient la preuve d'une
« reprise économique à grande échelle », et ajoutant, « je crois
que l'avenir est extrêmement prometteur ».
Que Dimon puisse s'exprimer ainsi au beau milieu de la
pire crise sociale depuis la Grande Dépression, sans répercussion au
gouvernement ou dans les médias, est une indication de l'immensité du gouffre
qui sépare les aristocrates modernes du peuple.
De telles remarques - dans un contexte où le taux de
chômage officiel avoisine les 10 pour cent, la pauvreté et la sous-nutrition
augmentent rapidement, un nombre record de maisons sont saisies par les
banques, la richesse des ménages est ravagée par l'effondrement du prix des
maisons, les salaires sont en baisse, les fermetures d'écoles et les coupes
dans les services sociaux se répandent à la grandeur du pays - ne peuvent venir
que de quelqu'un qui est sait hors de tout doute qu'il a l'administration
Obama, les deux partis politiques, le Congrès et toutes les autres institutions
officielles dans sa poche.
L'annonce de JPMorgan marquait le début du dévoilement
d'une série de rapports financiers qui devraient montrer que 2010 a été une
année record pour les banques et les sociétés des États-Unis.
Le géant bancaire a rapporté que ses profits ont augmenté
de 48 pour cent par rapport à 2009 et de 47 pour cent lors du quatrième
trimestre de 2010 par rapport à la même période l'année précédente. Pour
l'année, JPMorgan a fait des bénéfices totalisant 17,4 milliards de dollars,
soit l'équivalent du produit intérieur brut de la Bolivie. Sa performance du
quatrième trimestre a fait grimper la valeur des actions des autres grandes
banques, y compris Bank of America, Citigroup et Wells Fargo, qui devraient
publier leurs résultats financiers pour 2010 cette semaine.
Le New York Times a écrit que, « Dans toute la
compagnie, les banquiers s'attendent à engranger les bénéfices » de
« l'année la plus profitable de l'histoire de JPMorgan ». Des 102
milliards de dollars et plus en revenus, quelque 28,1 milliards de dollars ont
été réservés pour les employés et « la plupart seront distribués en
bonus ». Les employés de la division des services bancaires
d'investissement de JPMorgan ont obtenu un revenu moyen de 370.000 $ en
2010, tandis que les hauts dirigeants « peuvent s'attendre aussi à
recevoir des chèques de plusieurs millions de dollars en bonus ».
Les profits records du secteur financier surviennent dans
le contexte plus large de la hausse marquée des bénéfices des sociétés, qui
auraient selon les analystes augmenté de 27,1 pour cent au quatrième trimestre,
soit presque le triple de la croissance médiane des bénéfices depuis 1988. Cela
vient s'ajouter à la croissance record des bénéfices rapportée pour les trois
premiers trimestres de 2010 (une augmentation de 37, 51 et 92 pour cent
respectivement par rapport aux trimestres de l'année précédente).
Pourlatrès grande majoritéde lapopulation, les
records à considérer sont bien différents. Letaux de chômage officielaétésupérieur à9pour centpendant 20mois consécutifs, soit la plus longueduréede ce type depuisla Grande Dépression. Le prix des maisonsachutéde26pour centdepuis
juin2006, battant
le record de la baisse de 25,9pour
cent qui a eulieudurant ladépressionentre 1928 et1933. La richesse des ménagesachuté précipitamment, etletauxde pauvreté
officiel estaussi élevé qu'il l'était aumilieu des années 1960.
Dès le premier jour, lapolitiquede l'administrationObamaaétéd'utiliser
la criseéconomique pourprocéder àune vaste restructurationdes rapports de classeen faveurde l'élitefinancière. En
excluant toutemesure sérieusepour
donner du travail aux chômeurs, Obamaa supervisé le transfert demilliers de
milliards dedollarsaux banques,
est intervenu pourbloquer la
législation limitant les bonus aux banques renflouées à même l'argent
des contribuables, et a donné le
coup d'envoid'une campagnede réductions
des salaires à travers lepaysen imposantune réduction de 50pour centdes salairesdestravailleurs de l'automobilenouvellement
embauchésdans le cadreduplan de sauvetage gouvernementalde
General MotorsetChrysler.
L'administrationa refusédefournirune aidesignificativeaux États et auxlocalités ayantde lourds déficits budgétaires dus à larécession, appuyant tacitement
les suppressions d'emplois, de salaireset depensionspour
lesenseignantsetautresemployés du secteur publicet les coupes sauvagesdans les servicessociaux.
La Réserve fédérale amaintenu les taux d'intérêt àprès de zéro,et a imprimépar voie électroniquedes centainesde milliardsde dollarsafin defournirdu crédit pratiquement gratuit aux
entreprises puis d'augmenter les bénéficesdes sociétéset favoriser lesmarchés boursiers. Depuis mars 2009, les indices boursiersaméricainsontgrimpé
deprès de80pour cent. Les sociétés américainesontamasséun magotde plusieurs milliards dedollarsgrâce aux subventions gouvernementalesetà leur propre réduction des coûts, tout
enrefusant, sans se heurter à une opposition dugouvernement,d'utiliser
leur montagned'argent pourembaucherdes travailleurset accroître la productionde base.
Les politiques du gouvernement ont permis
aux grandes banques de resserrer leur emprise sur l'économie. Selon les données
de la Réserve fédérale, seulement cinq banques, soit Bank of America, JPMorgan
Chase, Citigroup, Wells Fargo et Goldman Sachs, contrôlent désormais 8,6
trillions de dollars d'actifs, soit 13,3 pour cent de la totalité des holdings
des sociétés financières. Les trois plus grandes banques commerciales
contrôlent 33 pour cent de tous les dépôts des États-Unis et plus de la moitié
de toutes les commissions sur les prêts hypothécaires.
Dans sonlivreOverhaul, StevenRattner, l'initié
de Wall StreetchoisiparObamapour diriger
sonAutoTask Force,
reconnaîtcarrémentlamanipulationde la
crisefinancièrede2008et2009.
« Plus d'une fois, j'aipensé à Rahm Emanuel (le chefd'état-major de la Maison-Blanche) qui disait:
"Il faut savoir profiter d'une bonne crise",en nous servant delacatastropheéconomique croissantepour faire des changementsetdes sacrificesqui auraient étéimpossiblesdansun
autreenvironnement »,écrit-il.
Les attaques sur la classe ouvrière sont sur le point
d'être intensifiées. Les politiques de droite d'Obama ont mené à un fiasco
électoral pour le Parti démocrate lors des élections de novembre. Des dizaines
de millions d'électeurs jeunes ou de la classe ouvrière, qui avaient voté pour
Obama lors des élections de 2008, ne se sont pas rendus aux urnes. La réponse
de l'administration a été d'aller encore plus à droite et, au nom d'une
politique bipartite, a mené ses politiques propatronales de manière encore plus
effrontée.
Les votes étaient à peine comptés que la Commission
nationale pour la réforme et la responsabilité fiscale mise en place par Obama
proposait des coupures dans l'aide sociale, dans Medicare et Medicaid, des
licenciements et des baisses de salaire pour les fonctionnaires du gouvernement
et de nouvelles taxes sur les biens de consommation et l'assurance-maladie des
salariés - tout cela combiné avec des baisses drastiques dans les impôts payés
par les entreprises et sur le revenu des riches.
Obama a ensuite, grâce au 111e Congrès contrôlé
par les démocrates, put mettre en ouvre un programme fiscal qui élargissait
davantage les baisses d'impôts de la période Bush sur les revenus des
Américains les plus riches et qui réduisait radicalement le taux d'imposition
sur la propriété immobilière des multimillionnaires. La Maison-Blanche a aussi
indiqué qu'elle était prête à mettre de l'avant le programme de la grande
entreprise en installant l'ancien secrétaire au commerce de l'administration
Clinton et cadre de JPMorgan Chase, William Daley, comme nouveau secrétaire
général de la Maison-Blanche.
L'écroulement du système capitaliste fait émerger à la
surface de plus en plus en plus clairement les divisions fondamentales de
classe dans la société. C'est aux États-Unis que le gouffre entre l'élite
dirigeante et les masses de travailleurs est le plus marqué. L'administration
Obama, le Congrès, l'establishment de la grande entreprise ou les médias font à
peine semblant de s'inquiéter de la souffrance des chômeurs et de la
destruction de l'avenir de toute une génération de jeunes de la classe ouvrière
et plusieurs de la classe moyenne.
L'administration Obama démontre la banqueroute de toutes
les affirmations selon lesquelles des réformes peuvent être obtenues en faisant
pression sur le Parti démocrate. Quant aux syndicats, ils ont fonctionné à
travers la crise plus que jamais comme des agents des entreprises et du
gouvernement, redoublant d'efforts pour supprimer la résistance des
travailleurs aux attaques sur leur niveau de vie. L'insolence ouverte et
l'indifférence de l'aristocratie financière sont, en elles-mêmes, un indicateur
des immenses luttes sociales à venir. La question cruciale est le développement
de la direction révolutionnaire et de la perspective nécessaire pour unifier la
classe ouvrière et la mobiliser afin de renverser le système de profit et
construire le socialisme.
Le Parti de l'égalité socialiste tient une série de conférences publiques en avril
pour discuter de la lutte pour le socialisme aujourd'hui. Nous encourageons
tous ceux et celles qui voient la nécessité d'une telle lutte à s'inscrire aux
conférences et à venir y assister.