La chute de Hosni Moubarak
Par le comité de rédaction du World Socialist
Web Site
12 février 2011
Le World Socialist Web Site salue la chute
de dictateur égyptien Hosni Moubarak. Il y a de la joie dans les rues du
Caire, d'Alexandrie et d'autres villes, car des millions d'ouvriers et de
jeunes égyptiens célèbrent leur victoire historique.
Ces événements extraordinaires sont un tournant
non seulement pour l'Egypte, mais pour le monde entier. Ils ont montré
l'immense puissance sociale de la classe ouvrière, réfutant irrévocablement
les affirmations que l'effondrement de l'Union Soviétique a signifié la
« fin de l'histoire », c'est-à-dire, la fin de la lutte des classes en tant
que facteur dans les affaires humaines. L’héroisme victorieux des masses
égyptiennes face à la torture, aux arrestations et à la répression est une
source d’inspiration pour la classe ouvrière et la jeunesse autour du globe.
La démission de Moubarak a représenté une
humiliante volte-face par rapport à son discours, prononcé moins de 24
heures plus tôt, au cours duquel il avait refusé sur un ton provocateur de
quitter le pouvoir. Elle a aussi porté un coup sérieux aux gros bonnets de
l’armée, qui ont émis un communiqué vendredi matin soutenant le transfert de
l'autorité présidentielle au vice-président Omar Souleimane, qui a été
longtemps le chef des services de renseignements égyptiens.
C'est un recul dévastateur pour la bougeoisie
arabe, qui craint que la révolution ne s’étende au delà de l'Egypte ; pour
l'Etat israélien, dont la politique de répression et de terreur militaire
dépend de la suppression des luttes ouvrières tant dans les pays arabes
qu’au sein même d’Israël ; et surtout pour l'impérialisme américain,
principal financier et soutien de la dictature Moubarak depuis 31 ans.
Washington est complice de tous les crimes du régime, y compris
l'utilisation répandue de la torture contre les adversaires politiques.
Les soulèvements révolutionnaires qui secouent
l’Afrique du Nord sont la première grande réponse de la classe ouvrière
mondiale aux conditions créées par la crise économique globale du
capitalisme. En renversant Moubarak, les travailleurs d’Egypte ont lancé la
première salve d’une lutte mondiale contre l'exploitation économique, la
suppression des droits démocratiques, et l'inégalité sociale défendues par
les gouvernements non seulement en Egypte, mais autour du monde.
Aussi importante que soit la démission de
Moubarak, toutefois, c'est seulement le début de cette lutte. Moubarak est
peut-être parti, mais le régime demeure, et le pouvoir reste aux mains du
corps officier qui est le pilier de la dictature capitaliste en Egypte
depuis des décennies. Les masses savent qu'elles ont seulement commencé à
régler leurs comptes avec les exploiteurs – la police secrète, les généraux
égyptiens vénaux, et Moubarak lui-même.
Dans sa lutte pour s’accrocher au pouvoir, le
régime égyptien trouvera ses alliés les plus impitoyables au sein de
l'aristocratie financière des puissances impérialistes. Pendant des
semaines, l'administration Obama a travaillé dans les coulisses pour
renforcer Moubarak, insistant que c’était à ce dernier de superviser une
« transition ordonnée ». Le discours sommaire d'Obama vendredi après-midi
prenant acte de la démission de Moubarak a suivi de près un communiqué émis
par son gouvernement vendredi matin qui ne réclamait pas le départ de
Moubarak.
Washington est assurément engagé dans d’intenses
discussions avec l’armée égyptienne pour s'assurer que peu importe le régime
qui remplace Moubarak, il soit tout aussi lié aux intérêts impérialistes
américains.
Aucune confiance ne peut être accordée à l’armée
ou à l’ « opposition » officielle égyptienne – qui a indiqué un soutien
complet au governement militaire – pour la mise en place d’une « transition
démocratique ». Un chef de l’« opposition », Mohamed ElBaradei, a suggéré
qu’une telle transition pourrait se faire d’ici un an, laissant l’armée
libre d’en faire à sa tête pendant une année entière.
Les stratèges impérialistes américains espèrent
qu’entre-temps Washington pourra déverser assez d’argent comptant sur ses
laquais favoris en Egypte pour arranger une « transition » qui ramène la
classe ouvrière au niveau où elle était avant le renversement de Moubarak.
Parlant sur CNN, l’ancien directeur de la CIA James Woolsey a dit que les
Etats-Unis devaient « travailler avec les forces de stabilité et du
changement dans une direction démocratique et respectueuse des lois » et
« les aider économiquement, les aider politiquement. »
De tels commentaires sont un sérieux avertissement
à la classe ouvrière. La joie de ce soir au départ de Moubarak est ce
qu'elle doit être, mais les gains initiaux de la révolution ne doivent pas
être perdus. La question de la stratégie de classe et la formation d'une
nouvelle direction révolutionnaire dans la classe ouvrière vont déterminer
le sort de la prochaine étape de la révolution.
Le Comité International de la Quatrième
Internationale attire l'attention des travailleurs égyptiens sur les écrits
de Léon Trotsky – le co-dirigeant avec Vladimir Lénine de la Révolution
d'octobre, le fondateur de la Quatrième Internationale, et le plus grand
practicien et théoricien de la révolution socialiste internationale. Tel que
l’explique Trotsky dans sa théorie de la révolution permanente, la lutte
pour la démocratie est inséparable de la lutte pour le pouvoir ouvrier et la
transformation socialiste de l'Egypte et du monde entier.
Ce n’est pas un hasard si Washington et ElBaradei
ont accordé leur soutien au gouvernement militaire : c’est le reflet des
intérêts de la classe capitaliste. Toute tentative d'améliorer les
conditions des masses – la hausse des salaires, la réduction des prix, ou la
défense des libertés politiques – amène inévitablement les travailleurs en
conflit avec les représentants de cette élite, qui s'oppose à tout
changement qui empiète sur ses intérêts économiques ou stratégiques.
La tâche centrale faisant face aux travailleurs
est la formation d’organes populaires de pouvoir, basés sur la classe
ouvrière, afin de combattre pour renverser et remplacer les sections
restantes du régime Moubarak par un gouvernement ouvrier. La victoire de
cette révolution dépend de sa capacité à s’étendre au delà de l'Egypte,
unissant les travailleurs égyptiens à leurs frères et soeurs de classe
partout au Moyen-Orient et dans les pays capitalistes avancés.
C'est la lutte pour bâtir des partis basés sur la
perspective du trotskysme qui armera les travailleurs en Egypte et
internationalement pour les intenses conflits de classe dont la chute de
Moubarak est le présage.