Près de 2000 personnes ont manifesté samedi à Londres, en solidarité avec
la révolution égyptienne. La manifestation s'est rassemblée à l'ambassade
des États-Unis à Grosvenor Square et a marché environ une heure pour se
rendre jusqu'à l'ambassade de l'Égypte. La manifestation s'inscrivait dans
le cadre d'une journée d'actions de solidarité internationale en soutien des
masses égyptiennes.
Vendredi, des manifestations avaient eu lieu dans de nombreuses villes
européennes, dont Berlin, Paris et Madrid. Dans la capitale française,
l'organisation Reporters sans frontières s'était réunie à l'ambassade de
l'Égypte dans le but d'exiger la fin des attaques sur les journalistes par
des policiers en civil et des hommes de main.
Samedi, des manifestations ont été organisées à Paris et Vienne en
Europe, New York, Washington, Los Angeles, la Nouvelle-Orléans, Seattle,
Atlanta et Calgary en Amérique du Nord, et Tokyo au Japon. Jusqu'à 4000
personnes ont marché à Paris de la place de la République jusqu'à la
Madeleine ou soutien aux masses égyptiennes. « À bas Moubarak » et « Le
peuple veut la chute du régime » faisaient partie des slogans scandés par
les manifestants.
À Vienne, environ 300 personnes ont manifesté sur la place centrale de la
ville, la Stephanplatz. Selon le site web Demotix, elles auraient été
rejointes par des manifestants qui avaient aussi exigé la chute du
gouvernement tunisien de Ben Ali en janvier.
À New York, une manifestation s'est tenue à l'extérieur de l'édifice des
Nations Unies. À Los Angeles, des manifestants se sont rassemblés près du
Federal Building, et certains brandissaient des banderoles exigeant l'arrêt
de l'envoi d'aide américaine pour le régime Moubarak. Plusieurs centaines de
personnes ont aussi manifesté à Tokyo.
En Australie, près de 200 personnes, pour la plupart d'origine égyptienne
et arabe, se sont rassemblées à l'extérieur de l'ambassade des États-Unis à
Sydney dimanche pour marquer leur appui aux manifestants en Égypte. Des
manifestations ont aussi pris place à Canberra et dans d'autres villes
australiennes au cours des deux dernières semaines.
Dans la ville de Ramallah en Cisjordanie, un rassemblement a été forcé de
se disperser par les forces de l'Autorité palestinienne, qui ont interdit
les manifestations anti-Moubarak sous le prétexte d'empêcher « les
rassemblements illégaux et non autorisés qui pourraient amener une situation
chaotique ». Au même moment, l'Autorité palestinienne organisait des
manifestations pro-Moubarak.
La manifestation de Londres a été appelée par Stop the War Coalition
(STWC) et Palestine Solidarity Campaign. Les manifestants ont été rejoints à
l'ambassade égyptienne par un autre groupe de manifestants, pour la plupart
d'origine égyptienne, qui exigeait le départ du régime de Moubarak. Une
série de manifestations ont été tenues durant la dernière semaine à
l'extérieur de l'ambassade.
Dans ce qui ne peut être caractérisé que de provocation délibérée, la
police a dirigé une manifestation organisée par Hizb ut-Tahrir, une
organisation de droite islamiste, qui se trouvait à proximité vers l'avant
de la manifestation principale, alors que celle-ci arrivait devant
l'ambassade. Il y a eu clairement tentative d’associer faussement la
manifestation anti-Moubarak à l'appel de l'organisation théocratique pour un
empire islamique à travers le Moyen-Orient. Cette manœuvre a suscité des
protestations de ceux manifestant pour la STWC.
Bien que les travailleurs et les jeunes soient venus à la manifestation
pour exprimer leur solidarité avec la lutte égyptienne, ils n'ont pas reçu
de direction des groupes politiques ayant organisé la manifestation. Tariq
Ali, l'opportuniste politique de longue date et conseiller auprès de l'élite
dirigeante pakistanaise s’est adressé au ralliement du STWC organisé sous le
slogan, « Solidarité avec le peuple égyptien – Pour la liberté au
Moyen-Orient ». John Rees, membre du comité de direction de la STCW et
ancien dirigeant du Socialist Workers Party (SWP) jusqu'à sa démission l'an
dernier a aussi pris la parole, ainsi que Judith Orr, la rédactrice en chef
du journal du SWP. Ces derniers ont récemment séjourné au Caire.
Bien qu’il déclare de manière formelle son soutien pour les millions de
protestataires en Égypte, la STWC met de l’avant un programme purement
procapitaliste centré sur les appels aux gouvernements britannique et
d'autres pays occidentaux pour aider à renverser Moubarak. La démonstration,
a déclaré la STWC, enverrait « le message à notre propre gouvernement qu’il
a besoin de demander à Hosni Moubarak de quitter ses fonctions
immédiatement ».
Créée au lendemain des attentats terroristes du 11-Septembre aux
États-Unis, la STWC, qui est constituée en grande partie du SWP, de
l'Association musulmane de Grande-Bretagne et du Parti communiste stalinien
de la Grande-Bretagne, s'est opposé à toute mobilisation indépendante de la
classe ouvrière contre la guerre en Afghanistan et en Irak. Aucune de ces
organisations n’est indépendante de l'establishment politique.
Lors d’une entrevue filmée avant la manifestation, Rees a cité avec
approbation les commentaires du premier ministre David Cameron, en disant:
« Je ne pense pas avoir jamais entendu un premier ministre britannique
attaquer si directement et ouvertement un autre chef d'État comme David
Cameron l’a fait. Je pense donc que la communauté internationale est en
train de dire regardez, nous avons des intérêts vitaux dans cette région du
monde. Nous ne pouvons laisser un processus révolutionnaire total prendre
place. Nous voulons le retour de l'ordre dès que possible et nous pensons
que cela signifie que vous devez partir. Donc, la pression sur Moubarak
s'accentue définitivement, tant au niveau national qu’international. »
Rees n'a fait aucune critique du chef procapitaliste de l'opposition,
Mohamed ElBaradei, ni des Frères musulmans, soutenant plutôt que ceux-ci,
qui n'ont joué aucun rôle dans la mobilisation de l'opposition de masse,
bénéficiaient « d'une base établie surtout dans la population pauvre ».
Rejetant explicitement toute idée que la classe ouvrière devrait prendre
l'initiative et mettre de l'avant sa propre solution socialiste à la crise,
Rees a déclaré, « il est trop tôt pour établir à ce point-ci qui va profiter
le plus de la chute de Moubarak. Lorsque Moubarak quittera, je crois qu'il y
aura un processus politique de tri, de débat et de dispute typique des
révolutions où les gens vont tenter de déterminer quelles tendances méritent
leur soutien, à qui ils peuvent faire confiance et qui devraient les
représenter. »
Les orateurs de la STWC n'ont rien proposé d'autre qu'une glorification
du nationalisme arabe, qui n'a absolument pas pu libérer le peuple arabe de
l'oppression impérialiste. Tariq Ali était exubérant dans ses éloges faits à
une « renaissance arabe » et a louangé « la nation arabe qui revit ». Il a
tenté de semer des illusions dans le mouvement d'opposition bourgeois en
Égypte, soutenant que celui-ci pourrait appliquer des mesures progressistes
s'il venait au pouvoir. Ali a dit, « la première chose qu'un gouvernement
post-Moubarak devra faire est de mettre fin au siège de Gaza ».
Un autre intervenant, Bernard Regan, de Palestine Solidarity Campaign, a
dit qu'il transmettait les salutations des sections du Trades Union Congress
du sud-est, qui représentent quelque 3 millions de travailleurs. Regan a
affirmé que la révolution en Égypte montrait la « capacité des gens de
s'organiser eux-mêmes et de prendre le contrôle de leur propre pays. Et les
syndicats jouent un rôle clé dans ce processus », a-t-il soutenu.
C'est un mensonge éhonté. Les syndicats égyptiens officiels ont été et
demeurent de loyaux partisans du régime Moubarak, qui est détesté. Au moment
où se déclenchait le mouvement de masse, le président de la Fédération des
syndicats égyptiens, Hussein Mogawer, avait appelé tous les présidents de
syndicat « à empêcher les travailleurs de participer à toute manifestation à
ce point-ci ». Selon le site web Al Masry Al Youm, Mogawer aurait donné
l'ordre aux représentants de l'informer à tout moment de quelconques
tentatives des travailleurs de joindre les manifestations.