Les
représentants syndicaux se sont précipités durant le week-end pour négocier une
trahison et isoler la grève longue d'une semaine lancée le 16 décembre par les
agents de sécurité des aéroports dans toute la France. Dans une tentative de
briser la grève, des policiers et des gendarmes ont été déployés dans les
aéroports français à partir de mercredi 21.
Samedi,
à l'aéroport Charles de Gaulle de Paris, une large majorité de quelque 200
grévistes a voté à l'unanimité en assemblée générale la reconduction de la
grève à samedi et dimanche, après l'échec d'un accord entre les syndicats et
l'entreprise chargée de la sécurité aéroportuaire.
Vendredi,
les syndicats avaient négocié avec la compagnie de sécurité aéroportuaire SESA
qui regroupe plusieurs entreprises de sécurité tels ICTS France, Securitas et
Brink's, employant en tout 10 000 travailleurs. La direction a catégoriquement
refusé d'accorder l'augmentation de salaire de 200 euros demandée par les
agents de sécurité dont le salaire mensuel se situe entre 1 100 et 1 400 euros.
Depuis
le déploiement de la police dans les aéroports, le trafic aérien serait
redevenu normal vendredi, y compris aux terminaux 2E et 2F à Charles de Gaulle
et à Paris-Orly, Lille, Toulouse-Blagnac, Bordeaux-Mérignac et Bâle-Mulhouse. A
Lyon-St Exupéry où la grève avait paralysé le trafic aérien, le mouvement se
serait terminé.
Mais
lundi 26, les agents de sécurité de l'aéroport Charles de Gaulle ont voté à
nouveau pour la reconduction de la la grève.
A
ce stade, les syndicats et la direction ont annoncé avoir négocié un accord de
« sortie de crise » pour mettre fin à la grève. Les travailleurs
n'obtiendraient pas l'augmentation de salaire qu'ils demandaient, mais au lieu
de cela les syndicats ont annoncé qu'ils avaient négocié une prime annuelle
allant jusqu'à 1000 euros, dont 250 euros sont soumis à performance.
Les
syndicats ont joué un rôle clé pour isoler les travailleurs qui après une
semaine de grève voient leur salaire grevé et doivent reprendre le travail sans
avoir rien obtenu. De leur côté les syndicats ont capitulé devant l'Etat et
l'entreprise, qui ont tous deux fait preuve d'agressivité à l'encontre des
grévistes. Les syndicats n'ont pas cherché à mobiliser une opposition plus
large dans la classe ouvrière face à l'utilisation par l'Etat de la police pour
briser la grève dans les aéroports.
Les
syndicats et l'Etat s'inquiètent de ce que si les grèves se poursuivaient,
elles pourraient échapper à leur contrôle et se propager à de plus larges
sections de la classe ouvrière.
Tout
comme les agents de sécurité, presque la moitié de tous les travailleurs en
France gagnent moins de 1600 euros par mois et plus de 30 pour cent gagnent
moins de 1 300 euros. En pleine crise économique, avec des prévisions de
chômage de 10 pour cent pour l'année prochaine, et des coupes importantes dans
les dépenses sociales, le mécontentement social est en hausse dans la classe
ouvrière quant à la détérioration de son niveau de vie.
Les
syndicats cherchent actuellement à justifier leur trahison en prétendant de
façon absurde que, maintenant que la grève tire à sa fin, les autorités
aéroportuaires accèderont plus volontiers aux revendications des travailleurs.
La représentante de la CGT (Confédération générale du Travail) Danielle Hanryon
a dit, «Je ne peux pas garantir
qu'on va obtenir une hausse de salaires, mais depuis le début, ils (le
patronat, ndlr) ont craqué au fur et à mesure. »
Quant
à la direction, elle a clairement fait comprendre qu'elle attendait des
syndicats qu'ils mettent fin à la grève sans autres concessions. Après avoir
négocié un accord avec les syndicats, le président du SESA Patrick Thouverez a
déclaré: « C'est maintenant aux
organisations syndicales de prendre leurs responsabilités. »
Entre
temps, les tribunaux et le gouvernement s'empressent de prendre des mesures
visant à restreindre le droit de grève inscrit dans la constitution. Vendredi,
le tribunal administratif a rejeté une requête de la CFDT (Confédération
française démocratique du travail) appelant à mettre fin au déploiement de la
police à l'aéroport Charles de Gaulle.
La
décision du tribunal laisse clairement entendre qu'elle considère l'utilisation
de la police pour briser la grève comme entièrement légale: il «fonde sa décision sur le fait
que le remplacement d'agents grévistes par des fonctionnaires de l'Etat, dont
les missions sont d'assurerla
sécurité des biens et des personnes, ne constitue pas une atteinte au droit de
grève dans la mesure où aucune réquisition [de personnels grévistes]n'est demandée. »
Ces
développements sont particulièrement significatifs, du fait qu'ils se
produisent un an après un mouvement social plus large contre les coupes
impopulaires de Sarkozy dans les retraites, dont la lutte déterminée des
travailleurs des raffineries de pétrole dans toute la France. Ce mouvement
social avait finalement été trahi par les syndicats et leurs défenseurs des
organisations de pseudo-gauche tel le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA.)
La
grève avait finalement pris fin quand la police avait réquisitionné les
travailleurs des raffineries et les avaient forcés à reprendre le travail. La
décision du tribunal administratif reconnaît implicitement que cette action,
exécutée sans réelle opposition des syndicats qui avaient appelé à des
protestations « symboliques », était une violation flagrante des droits
constitutionnels des grévistes.
Comme
le montrent clairement les précédentes luttes des travailleurs, les syndicats
ne sont en aucune manière un organe pour mobiliser la classe ouvrière en lutte.
Ils sont profondément intégrés dans la structure de l'Etat capitaliste et du
patronat, et oeuvrent contre les intérêts de la classe ouvrière en bloquant et
en désarmant les luttes des travailleurs, permettant ainsi à l'Etat de faire
passer ses coupes sociales droitières.
Les
travailleurs ne peuvent pas mener de vraies luttes sans rompre l'emprise de la
bureaucratie syndicale et des partis de pseudo-gauche qui la soutiennent. La
seule voie viable pour les travailleurs consiste à organiser leurs luttes
indépendamment des syndicats et de leurs satellites des organisations petites-bourgeoises.
Ceci nécessite la construction de comités indépendants de travailleurs dans
les usines et les lieux de travail, et un nouveau parti révolutionnaire pour
mobiliser l'ensemble de la classe ouvrière dans une lutte politique contre le régime
capitaliste.
Ayant
oeuvré à trahir la lutte des agents de sécurité des aéroports, les syndicats
cherchent à présent à empêcher toute critique de leur acte en appelant à une
autre grève du 6 au 9 février, soi-disant contre un projet de loi visant à limiter
le droit de grève dans le transport aérien. En fait, les syndicats appellent à
cette grève après le vote de la loi à l'Assemblée nationale le 24 janvier
prochain.
Le
projet de loi de « service minimum » étendra au secteur aérien des
mesures introduites par le gouvernement Sarkozy en 2007. Cette loi sur le
service minimum a jusqu'à présent été utilisée notamment contre les
travailleurs des transports ferroviaires, des bus et des transports urbains.
Selon cette loi, les travailleurs des transports doivent faire part, deux jours
avant, de leur intention de faire grève; après une semaine de grève, la
direction a le droit d'organiser un vote à bulletins secrets auprès des
travailleurs sur la poursuite ou non de la grève. Si cette loi était appliquée,
elle remettrait le contrôle de tout nouveau mouvement de grève entre les mains
des patrons d'entreprise.