Un nouveau
rapport réalisé par l'Organisation pour la coopération et le développement
économique (OCDE) montre en détail l'énorme accroissement des inégalités
sociales pendant les trois dernières décennies dans les 34 pays membres de
l'OCDE, dont les États-Unis, la majeure partie de l'Europe de l'Ouest et le
Japon.
L'étude,
intitulée
Toujours plus
d'inégalités : Pourquoi les écarts entre les revenus se creusent, examine les
données de 1980 jusqu'au début de la crise économique mondiale de 2008. Le
rapport reconnaît que l'inégalité n'a fait qu'empirer sous l'impact de la
crise, qui a laissé 200 millions de travailleurs sans emploi globalement et des
demandes universelles de la part des gouvernements partout dans le monde pour
l'austérité.
Selon l'OCDE, le
revenu moyen des 10 pour cent les plus riches de la population est maintenant
neuf fois plus important que celui des 10 pour cent les plus pauvres. Les
États-Unis demeurent le pays le plus inégal des pays industrialisés, avec un
ratio de 14 pour 1, le même qu'Israël et la Turquie. En Italie, au Japon, en
Corée et au Royaume-Uni, le ratio est de 10 pour 1.
Selon le
rapport, les inégalités ont augmenté dans les pays que l'OCDE décrit comme
étant « traditionnellement égalitaires » comme l'Allemagne, le
Danemark, la Suède, qui sont passés de 5 pour 1 en 1980 à 6 pour 1 aujourd'hui.
Le plus grand gouffre dans les pays de l'OCDE se trouve dans les pays appauvris
comme le Chili et le Mexique, où les revenus des plus riches sont 25 fois plus
importants que ceux des plus pauvres.
Le rapport
examine les changements dans le coefficient de Gini, une mesure standard de
l'inégalité des revenus qui se trouve entre 0 (qui représente des revenus
identiques pour tous) et 1 (lorsque tous les revenus vont à une seule
personne). Dans le milieu des années 1980, le coefficient se trouvait à une
moyenne de 0,29. Vers la fin des années 2000, il avait augmenté de près de 10
pour cent, pour se trouver à 0,316.
Le coefficient a
augmenté dans 17 des 22 pays de l'OCDE pour lesquelles les données à long terme
sont disponibles. Le coefficient a augmenté de plus de 4 pour cent en Finlande,
en Allemagne, en Israël, au Luxembourg, en Nouvelle-Zélande, en Suède et aux
États-Unis. Seulement la Turquie, la Grèce, la France, la Hongrie et la
Belgique n'ont pas enregistré d'augmentation ou un léger déclin dans leur
coefficient de Gini.
En plus des
États-Unis, où le 1 pour cent le plus riche possède 20 pour cent de tous les
revenus, et une part bien plus grande de tous les actifs, la concentration de
la richesse est la plus marquée en Australie, au Canada, en Irlande et au
Royaume-Uni. Aux États-Unis, la part des 0,1 pour cent les plus riches en
revenus totaux avant impôt a quadruplé durant les 30 années précédant 2008.
Tout juste avant la récession mondiale, le 0,1 pour cent le plus riche recevait
quelque 8 pour cent des revenus totaux avant impôt aux États-Unis, de 4 à 5
pour cent au Canada, au Royaume-Uni et en Suisse, et près de 3 pour cent en
Australie, en Nouvelle-Zélande et en France.
L'OCDE, un
organe officiel issu du plan Marshal dans la période qui suivit la Deuxième
Guerre mondiale, ne peut admettre que ces tendances sont le résultat de
politiques de classe délibérées. En effet, vers la fin des années 1970 et au
début des années 1980, la classe dirigeante a laissé tomber la politique de
relatif compromis de classe et a adopté des politiques des plus agressives de
contrerévolution sociale.
Les
gouvernements Thatcher et Reagan déclenchèrent une vague de violentes attaques
anti-ouvrières dont le but était de briser la résistance de la classe ouvrière
et procéder à une redistribution massive de la richesse, du bas vers le haut.
La désindustrialisation et le transfert de la production vers des pays à bas salaires
allaient de pair avec la réduction des impôts pour les riches, la
déréglementation au profit du patronat et le développement des formes les plus
parasitaires de spéculation financière.
Le rapport
mentionne que les inégalités de revenu « ont d'abord augmenté à la fin des
années 70 et au début des années 80 dans certains pays anglophones, dont
notamment les États-Unis et le Royaume-Uni, mais aussi en Israël. À compter de
la fin des années 80, cet accroissement s'est répandu. Les dernières tendances,
enregistrées pendant les années 2000, montrent un creusement de l'écart entre
les riches et les pauvres non seulement dans certains des pays déjà fortement
inégalitaires tels que les États-Unis et Israël, mais aussi, pour la première
fois, dans des pays traditionnellement peu inégalitaires, à l'instar de
l'Allemagne, du Danemark et de la Suède (et des autres pays nordiques), où les
inégalités ont progressé plus que partout ailleurs dans les années 2000. »
Entre 1980 et
2008, poursuit le rapport, « la plupart des pays
de l'OCDE ont mené des réformes réglementaires visant à renforcer la
concurrence sur les marchés des biens et des services et la capacité
d'adaptation des marchés du travail ». Cette phrase est un euphémisme pour
essentiellement exprimer la destruction de toute protection d'emploi et des
droits en milieu de travail et la transformation de larges sections de la
classe ouvrière, avec l'aide des syndicats, en travailleurs occasionnels ou à
temps partiel.
« Tous les
pays », note le rapport, « ont notablement assoupli leur
réglementation des marchés de produits faisant obstacle à la concurrence, et
nombre d'entre eux ont aussi relâché leur législation de protection de l'emploi
(LPE) applicable aux titulaires de contrats temporaires. Les salaires minimums
ont de leur côté reculé relativement aux salaires médians, dans différents
pays, entre les années 80 et 2008. Les mécanismes de fixation des salaires ont
eux aussi évolué : le taux de syndicalisation a reculé dans la plupart des
pays, même si le taux de conventions collectives est, lui, resté plutôt stable
au fil du temps. Plusieurs pays ont abaissé les taux de remplacement des
prestations de chômage et, soucieux de promouvoir l'emploi parmi les
travailleurs peu qualifiés, certains ont aussi diminué les taxes salariales
pesant sur cette catégorie de travailleurs ».
En moyenne dans
tous les pays de l'OCDE, la part d'emploi à temps partiel sur l'emploi total
est passée de 11 pour cent au milieu des 1990 à environ 16 pour cent à la fin
des années 2000, et les plus fortes hausses prenant place dans certains pays
européens tels l'Allemagne, l'Irlande, les Pays-Bas et l'Espagne.
Au cours des
trois dernières décennies, « les taux supérieurs de l'imposition du revenu
des personnes physiques, qui avoisinaient 60 à 70 pour cent dans les grands
pays de l'OCDE, ont reflué aux alentours de 40 pour cent en moyenne à la fin
des années 2000 », note le rapport. Au même moment, « les niveaux de
prestations ont chuté dans presque tous les pays de l'OCDE, les règles
d'éligibilité ont été resserrées afin de limiter les dépenses sur la protection
sociale, et les transferts aux moins nantis n'ont pas suivi le rythme de
croissance des revenus. Comme résultat, le système de prestation dans la
plupart des pays est devenu moins efficace dans la réduction des inégalités au
cours des 15 dernières années. »
L'OCDEconclut
par un avertissement préoccupant quel'inégalité etle manque demobilité sociale alimentent le mécontentementsocial,
en particulierparmi la jeune générationde travailleursprise avec des emploispeu rémunérés et précaires. « Les inégalités », note le rapport,« nourrissent
un certain ressentiment social et engendrent une instabilité politique... Les
peuples ne supporteront plus le libre-échangisme et l'ouverture des marchés
s'ils estiment y perdre quand un petit groupe de gagnants ne cesse de
s'enrichir. »
Néanmoins, l'OCDEne pouvait proposer aucune autre prescriptionque celle de faire appelaux gouvernements afin qu'ils « revoient leur système fiscalpour assurer que les
individus les plus riches payentleur
juste partdu fardeau fiscal ». Les
gouvernements, a déclaré le Secrétaire généralde l'OCDE,Angel Gurría,lors du lancement du rapportà Paris,ont dû développerune « stratégie
globalepour une croissance inclusive ».
Développer les programmes d'éducationet
de formation, a affirméGurría, était« de loinl'instrument
le pluspuissant pour contrerles
inégalités de revenuqui augmentent ».
De tels appels ne trouveront pas d'écho.Chaquegouvernement capitaliste, de
l'administration Obamaaux États-Unisaux nouveaux gouvernements« technocratiques »en Grèceet en Italie, mis en
place parla Banque centrale européenneet le FMI,mènela
politique d'austérité la plus brutaleau nom de l'oligarchie financière. Cela vient
souligner le fait quel'instrument le pluspuissant pour contrer l'inégalité croissante
des revenusest l'expropriation des richesses de cette oligarchie parla classe
ouvrière.