Tôt le mercredi
matin, le gouvernement « technocratique » non-élu grec de l'ex-banquier central
Lucas Papademos a fait voter un budget d'austérité brutal. Approuvé par 258 députés
contre 41, il était soutenu par les trois partis actuellement au gouvernement :
le Mouvement socialiste panhellénique (PASOK), Nouvelle démocratie, et les
néo-fascistes du parti LAOS.
Pour le PASOK,
parti majoritaire dans cette coalition, le vote était la suite logique de ses
actions passées qui ont consisté à appliquer toutes les attaques exigées par
l'élite financière au cours des deux dernières années. Quant au parti
conservateur Nouvelle démocratie (ND), l'accord qu'il y a donné démontre que sa
longue opposition aux mesures d'austérité précédentes n'était qu'une feinte.
Même maintenant,
ND continue à affirmer qu'il est contre certains aspects des coupes sociales et
a demandé de nouvelles élections l'an prochain. Cependant, rien que le mois
dernier, le dirigeant du ND Antonis Samaras a signé une lettre que les autres
partis de gouvernement avaient approuvée et qui leur demandait d'appliquer les
mesures d'austérité exigées par la "troïka" - l'Union européenne
(UE), la Banque centrale européenne (BCE) et le Fonds monétaire international
(FMI). Maintenant il a voté pour le nouveau budget tout en déclarant « Nos
désaccords persistent [.] nous approuvons le budget parce que c'est une
priorité absolue pour sauvegarder la viabilité de la dette grecque. »
Le vote du budget
était nécessaire pour le versement de 8 milliards d'euros de prêts accordés par
la troïka. Sans cela, l'Etat grec aurait été en faillite ce mois-ci.
Ces mesures
comprennent 5 milliards supplémentaires de réductions des dépenses et encore
3,6 milliards de taxes supplémentaires. Les retraites seront réduites de 15
pour cent à partir du 1er janvier, et les salaires devront encore
baisser.
Le déficit
budgétaire devrait être réduit à 5,4 pour cent du PIB en 2012 contre 9 pour
cent cette année. Pour comparaison, le plafond autorisé dans l'UE est de 3 pour
cent et les précédentes prévisions du gouvernement grec pour l'an prochain
étaient de 6,8 pour cent. De plus, une « taxe de solidarité sur le revenu »
imposée de manière « exceptionnelle » au début de l'année devrait rester en
place pour au moins trois ans.
Avant le vote, le
vice-président américain Joseph Biden a rencontré Papademos, Samaras et
l'ex-Premier ministre PASOK George Papandréou. Il leur a demandé de faire
passer le nouveau budget, déclarant, « Nous sommes à vos côtés et solidaires au
moment où vous êtes confrontés à des exigences très difficiles de la part du
FMI et de l'UE. »
Au cours du débat
sur le budget, Papademos a insisté sur le fait que la Grèce allait faire face à
des années d'austérité. Il a déclaré, « La crise financière de notre pays n'est
pas une tempête passagère. Étant donné la taille des problèmes, notre effort
national ne sera pas terminé en 2012. Cela prendra de nombreuses années, et
demandera des efforts et de la détermination de la part de plusieurs
gouvernements. »
Le PASOK se
positionne pour être le principal acteur de l'imposition de cet assaut
draconien contre la population en faisant partie d'un gouvernement non élu sans
aucun mandat démocratique pour diriger le pays. Elias Mossialos, député très
connu du PASOK et ex-porte-parole du gouvernement a déclaré cette semaine que
le régime de Papademos devrait rester au pouvoir encore deux ans.
Le ministre PASOK
des finances, Evangelos Venizelos, a affirmé que ce budget était « un outil
pour sortir de la crise. » En réalité, ce budget et les autres attaques qui y
sont liés ne sont que les dernières étapes des efforts de l'oligarchie
financière internationale pour faire peser de force le fardeau de la crise
économique sur la classe ouvrière européenne en détruisant leurs emplois, leurs
salaires et leurs conditions de vie.
La semaine
prochaine, des représentants de l'UE et du FMI doivent se rendre à Athènes pour
discuter des termes d'un plan supplémentaire de 7 milliards d'euros de
réductions des dépenses et d'augmentation des taxes pour 2013-2014. Ce sera la
base de discussion pour de nouveaux prêts à la Grèce d'environs 130 milliards
d'euros. En octobre, la troïka avait renégocié la dette souveraine grecque dans
un accord qui comprenait une annulation de 50 pour cent de la valeur de la
dette grecque due aux banques privées.
Christine
Lagarde, directrice exécutive du FMI, a déclaré cette semaine que les mesures
d'austérité n'avaient pas été appliquées assez rapidement et que la Grèce était
« dans une phase difficile avec des réformes structurelles avançant lentement,
une économie faible et un environnement extérieur qui se dégrade. » Elle a
appelé à une « prompte application des réformes fiscales sous-jacentes qui sont
nécessaires pour réduire la taille du secteur public et renforcer les rentrées
d'impôts. »
Une indication de
ce qui se prépare a été donnée cette semaine par le quotidien Kathemerini.
Il a rapporté qu'à partir de janvier, 19 000 travailleurs supplémentaires du
secteur public seront mis à la retraite anticipée d'office ou placés dans
un
« contingent de réserve » dans lequel leurs salaires seront réduits de 40 pour
cent pour un an. 7000 d'entre eux travaillent dans des institutions publiques
qui devront fermer entièrement ou fusionner avec d'autres organisations.
La semaine
dernière, le gouvernement a commencé à transférer 14 000 autres fonctionnaires
civils dans ce contingent de réserve. Le PASOK avait accepté cela en octobre
dans le cadre d'un plan plus général visant 30 000 travailleurs.
Durant ces deux
dernières années, les plans d'austérité mis en place par le PASOK ont fait que
chaque homme, femme et enfant en Grèce est endetté de plus de 30 000 euros.
Des millions de
grecs vivent actuellement dans une extrême pauvreté, avec près d'un million
d'entre eux officiellement au chômage. Des statistiques publiées le mois
dernier par le Banque de Grèce ont établi que dans une population de seulement
11 millions, 500 000 personnes vivent dans des foyers qui n'ont absolument
aucun revenu, tous leurs membres étant au chômage. La banque a dit que cela
représente 12,9 pour cent de la main d'ouvre totale disponible, contre 9,8 pour
cent auparavant. Les revenus bruts ont chuté de 6,3 pour cent cette année, et
avaient déjà baissé de 9,1 pour cent en 2010.
Le chômage a
atteint un record de 18,4 pour cent en août, les jeunes étant les plus durement
touchés. Le taux de chômage dans la catégorie des 15-24 ans a augmenté jusqu'à
46,4 pour cent contre 43,5 en août.
Dans le même
temps, des dizaines de milliards d'euros viennent remplir les banques grecques
suite à l'accord d'octobre avec la troïka. Cet accord a réservé 30 milliards
d'euros à la « recapitalisation » des banques. Maintenant, il y en aura encore
plus pour elles. Récemment, le ministre des financiers Venizelos a annoncé que
les banques avaient besoin d'au moins 40 milliards d'euros pour éviter la
faillite.
Comme pour les
mesures appliquées par le PASOK, les coupes imposées par Papademos ne feront
rien pour empêcher l'effondrement économique de la Grèce, dont la récession est
alimentée par la crise de la dette souveraine de toute la zone euro. L'économie
grecque a continué à se contracter drastiquement (de plus de 5,5 pour cent déjà
cette année). L'an prochain, l'économie entrera dans sa cinquième année
consécutive de récession.
D'après les
données publiées par le service des statistiques ELSTAT, le rythme annuel de la
contraction de la production industrielle s'est accéléré après une baisse de
1,7 pour cent en septembre à 12,3 en octobre. La production industrielle a
décliné de 11,9 pour cent. Cela après une baisse de la production de 5,8 pour
cent en 2010.
Dans son bilan
économique de la Grèce de 2011, publié plus tôt dans l'année, l'Organisation
pour la coopération et le développement économiques (OCDE) a décrit les mesures
d'austérité du PASOK comme « impressionnantes. » Il y est écrit, « Les coupes
dans le déficit public sont sans précédent. »
L'OCDE poursuit,
« Les autorités devraient continuer ce processus de réformes vigoureux et leurs
efforts pour convaincre les marchés de leurs capacités à appliquer les
ajustements économiques fondamentaux. »
Dans son rapport
récemment publié sur les Prévisions économiques mondiales, l'OCDE a prévu un
effondrement encore plus important de l'économie, de 6,1 pour cent cette année
et d'encore 3 pour cent en 2012. Dans un contexte où les conditions sociales de
la population sont renvoyées à ce qu'elle n'avait connu qu'en temps de guerre
jusqu'à présent, l'OCDE, s'exprimant au nom de la bourgeoisie internationale,
exige que la classe ouvrière soit forcée à accepter encore plus de privations.
« Tout affaiblissement de la détermination des autorités à appliquer
entièrement le programme d'ajustement de la troïka augmenterait de risque d'un
défaut de remboursement de la dette, » dit-elle.
Le gouvernement
s'en remet pleinement à la bureaucratie syndicale pour mener à bien son projet.
Le 1er décembre, les syndicats ont appelé à une nouvelle grève
générale de pure forme, la septième de l'année.
En réaction à
l'hostilité de la classe ouvrière devant ce programme d'austérité, laquelle se
voit dans les manifestations massives qui ont eu lieu durant la grève générale
de 48 heures en octobre, les syndicats ouvrent à empêcher tout mouvement qui
menace la domination capitaliste. Entre les grèves, ils ont saboté toutes les
luttes de la classe ouvrière. Rien que cette semaine, le syndicat des
travailleurs du métro à annulé une grève de 48 heures prévue à Athènes après
avoir obtenu un accord avec la direction.
Les désillusions
de la classe ouvrière sur le rôle démobilisateur des syndicats étaient
évidentes dans les manifestations plus petites à Athènes et dans d'autres villes
durant cette dernière grève générale. En commentant la participation plus
faible, Mary Bossis, professeur de sécurité internationale à l'Université du
Pirée, a expliqué que cela ne dénotait pas un manque d'opposition au nouveau
gouvernement. « Il y a une colère silencieuse, quelque chose comme une tension
sous-jacente, et c'est dangereux, » a-t-elle dit.
Cela a été
confirmé par un sondage publié jeudi qui donne 80 pour cent des sondés non
satisfaits par le nouveau gouvernement.
Alors que le
dernier budget en date était débattu et voté, des manifestations de milliers de
jeunes et d'étudiants avaient lieu devant le bâtiment du Parlement pour
commémorer la mort d'un lycéen de 15 ans abattu par la police en 2008. La
police a utilisé des gaz lacrymogènes et des grenades incapacitantes pour
disperser les jeunes violemment. Quarante-six personnes ont été appréhendées.
Des manifestations ont également eu lieu à Thessalonique, où la police a fait
sept arrestations.