Une lutte d'une importance énorme pour la
classe ouvrière est menée à Finlay, dans l'Ohio, ville industrielle de 41 000
habitants du midwest américain. Plus d'une millier de travailleurs du
secteur pneumatique à Cooper Tire, sont en train de défier les exigences
de réduction des salaires d'une multinationale qui leur a interdit de
travailler (procédure de lock out légale aux États-Unis, ndt) le 28
novembre.
Tout travailleur peut s'identifier aux
conditions auxquelles ces travailleurs des pneumatiques sont confrontés. Il y a
trois ans, se plaignant de profits en baisse, Cooper a menacé de fermer
l'usine de l'Ohio à moins que les travailleurs n'acceptent des concessions dans
tous les domaines, dont une réduction de 50 pour cent des salaires des nouveaux
embauchés. Après que le syndicat United Steelworkers a accepté ces
exigences, et que les représentants de l'Etat et de la mairie ont inondé la
compagnie avec des millions de dollars en réductions d'impôts et autres
incitations à rester, Cooper Tire, a décidé de fermer son usine de
Georgie à la place de celle de Finlay, supprimant 1300 emplois.
La compagnie dégage maintenant de larges
profits et son PDG, Roy V. Armes, a touché 4,7 millions de dollars (plus de 3,3
millions d'euros) l'an dernier, contre 2,6 millions en 2008. Néanmoins, la
compagnie insiste toujours pour obtenir encore plus de concessions pour rester
« compétitive » et ne pas fermer l'usine. Parmi les nouvelles
exigences il y a un système de salaire aux pièces qui réduirait le salaire d'un
ouvrier au salaire d'un nouvel embauché, soit 13 dollars (10 euros) de l'heure,
s'il ne parvient pas à atteindre les quotas de production.
Ce qui se passe à Finlay est un parfait
exemple de ce qui se passe dans toutes les villes industrielles d'Amérique, et,
en fait, dans le monde entier. La campagne de réductions de salaires qui a
suivi le crash financier de 2008 s'est révélée être plus qu'une situation
temporaire. L'élite financière et patronale se sert de la catastrophe
économique qu'elle a créée pour abaisser de manière permanente et spectaculaire
le niveau de vie des travailleurs. Comme le remarquait l'un des travailleurs de
Cooper Tire privés de travail, « C'est comme si on reculait d'un siècle.
»
Les trois dernières décennies ont vu la
désindustrialisation systématique de l'Amérique et la montée d'une aristocratie
financière dont les vastes fortunes ont bien peu à voir avec le processus de
production. Pour autant qu'une quelconque production industrielle puisse se
maintenir aux États-Unis, elle se fera sur le modèle d'une exploitation des
plus brutales de la classe ouvrière et l'écart de salaires entre les
travailleurs américains et leurs homologues en Chine et dans les autres pays à
bas salaire se refermera.
La perspective réactionnaire de la classe
dirigeante a été résumée par le PDG d'American Chrystal Sugar, qui met
actuellement en lock out 1300 ouvriers du Dakota du Nord, du Minnesota
et de l'Iowa : il a comparé les acquis obtenus par les travailleurs durant des
générations de luttes à une « maladie » qui doit être éradiquée.
Quand Cooper Tire a publié son
ultimatum, les travailleurs se sont révoltés, disant que c'en était assez ! La
direction a réagi en utilisant le lock out et en embauchant des briseurs
de grève. Au cours d'une action initiée par les travailleurs eux-mêmes et non
par les syndicats, des centaines d'entre eux, ainsi que des membres de leur
famille et d'autres habitants solidaires de la ville ont encerclé l'usine en
formant une chaîne humaine le 2 décembre. Après avoir supporté plus de deux
semaines sans salaire, les travailleurs défient toujours l'entreprise et sont
toujours déterminés.
Mais les travailleurs de Cooper Tire ne
peuvent pas se battre seuls. La compagnie augmente la production dans ses
autres sites aux États-Unis et a acheté une nouvelle usine en Serbie pour
répondre aux commandes en cas de lock out prolongé. Pendant ce temps, Cooper
Tire et l'Etat de l'Ohio empêchent les travailleurs de percevoir leurs
allocations chômage pour tenter de les contraindre à abandonner. Encore plus
inquiétant, les médias à la solde des grandes entreprises ont commencé une
campagne de dénigrement contre ces travailleurs, les décrivant comme «
violents, » ouvrant ainsi la voie à des injonctions du tribunal, des
coups-montés et des arrestations.
Le principal risque vient de l'isolement de la
lutte par l'United Steelworkers (USW) et d'autres syndicats. La grève de
12 semaines à Goodyear en 2006-2007 avait été sabotée par l'USW, qui est contre
toute lutte qui mettrait en danger ses relations intimes et ses liens
financiers avec les entreprises et le gouvernement. Une fois de plus à Cooper
Tire, l'USW a refusé de mener une lutte sérieuse et a dit aux travailleurs
de compter sur l'Inspection du travail, les médiateurs fédéraux, les
politiciens démocrates locaux et le gouvernement Obama.
C'est un échec assuré. L'offensive patronale
contre la classe ouvrière bénéficie du soutien des deux grands partis
capitalistes et de toutes les institutions officielles de l'Etat. La campagne
de réductions salariales contre les travailleurs de l'industrie a commencé avec
la demande par le gouvernement d'Obama que les travailleurs de GM et Chrysler
acceptent des concessions sans précédent sur les salaires et les aides
sociales, y compris l'extension du détestable système salarial « two-tier
» à deux vitesses ayant des niveaux de rémunération différents pour le même
emploi.
Alors qu'il confie des milliers de milliards à
Wall Street, Obama ne fait rien pour créer des emplois ou accorder un répit aux
dizaines de millions de travailleurs qui perdent leur emploi, leur mode de vie
et leur domicile. Ce n'est pas une erreur, mais une politique délibérée pour
forcer les travailleurs à accepter des salaires toujours plus bas.
On ne peut rien obtenir sans une lutte
acharnée. En 1936, les travailleurs du pneu à Akron, dans l'Ohio, avaient défié
les exigences de réduction des salaires et la violence policière en occupant
les usines et en faisant cesser les opérations des géants de l'industrie. Il
faut raviver ces traditions de lutte des classes.
La conduite des négociations et la lutte
doivent être retirées des mains des représentants officiels de l'USW. Les
travailleurs doivent élire un comité d'action de base constitué des plus
militants et plus estimés pour formuler leurs demandes, parmi lesquelles le
retour sur toutes les concessions salariales et sur les retraites, l'abolition
du système two-tier, et la garantie d'un emploi stable et de conditions
de travail sûres.
Un appel doit être lancé à tous les
travailleurs - syndiqués ou non, employés ou chômeurs, jeunes et plus âgés -
pour venir renforcer le piquet de grève et stopper les briseurs de grève à
Finlay.
En même temps, le comité de base doit prendre
contact avec les travailleurs de Cooper Tire dans l'Arkansas et le
Mississipi, ainsi qu'avec d'autres travailleurs du pneu, de l'automobile ou des
pièces détachées automobiles, pour organiser des manifestations communes, des
grèves et des occupations d'usines pour défendre les emplois et le niveau de
vie.
La production de pneus est l'une des
industries les plus intégrées mondialement, impliquant plus d'un demi-million
de travailleurs sur la planète. Dans une situation où les travailleurs de
l'industrie en Chine, en Inde, en Europe et en Amérique latine entrent en
lutte, la politique de l'USW et des autres syndicats ne sert qu'à diviser et
affaiblir la classe ouvrière. La course au moins disant ne peut s'arrêter que
si les travailleurs s'unissent internationalement dans une lutte commune contre
les multinationales.
La lutte à Cooper Tire pose la question
de la propriété et du contrôle de l'industrie et du système financier de la
manière la plus nette. Les travailleurs ne sont pas seulement confrontés à la
"cupidité des patrons", mais aussi à faillite du système capitaliste,
système économique et politique qui s'appuie sur la propriété privée des
banques et des corporations et l'extraction du profit par l'exploitation de la
classe ouvrière.
La propriété privée doit être remplacée par la
propriété sociale. Ce n'est que de cette manière que les immenses forces
productives de la société - et la richesse créée par la classe ouvrière -
seront utilisées pour abolir la pauvreté et mettre fin à l'inégalité sociale.
La décision des travailleurs de Cooper Tire
est le signe d'une résistance montante aux États-Unis et internationalement. Le
Parti de l'Egalité socialiste lance la lutte pour la mobilisation sur le lieu
de travail et politique de la classe ouvrière derrière les travailleurs de Cooper
Tire dans le cadre de la lutte pour un programme socialiste de
transformation de la vie économique afin de répondre aux besoins de la grande
majorité et non de quelques riches.