La proposition budgétaire des républicains divulguée mardi par le
congressiste du Wisconsin Paul Ryan, président de la commission budgétaire
de la Chambre des représentants, n’est rien de moins qu’une déclaration de
guerre à la classe ouvrière américaine.
La proposition va beaucoup plus loin que les mesures d’austérité déjà
radicales contenues dans le budget 2012 du président Obama présenté en
février. Ce budget a pris comme point de départ la restructuration du
système de santé par la réduction des coûts adoptée en 2010 et a ajouté un
gel des dépenses discrétionnaires sur les services sociaux.
Ryan propose de couper 6 billions de dollars en dépenses fédérales pour
les 10 prochaines années en supprimant progressivement Medicare, le
programme fédéral de santé qui couvre présentement 47 millions d’aînés et de
personnes invalides, en mettant fin à Medicaid, le programme fédéral de
santé qui vient en aide aux personnes à faibles revenus, et en sabrant
radicalement les coupons alimentaires, l’éducation, le transport, la
protection de l’environnement, la sécurité alimentaire, les subventions aux
agriculteurs et d’autres services, ainsi que les emplois et les pensions des
travailleurs fédéraux.
Le plan de Ryan visant à remplacer Medicare, avec ses prestations
garanties et bien définies, pour tous ceux qui sont nés en 1957 ou après par
des bons fédéraux servant à contracter une assurance privée pousserait des
dizaines de millions d’aînés à la pauvreté. Depuis que Medicare a été
promulgué en 1965, le taux de pauvreté officiel des Américains de plus 65
ans a diminué de près de deux tiers.
Le Congressional Budget Office a dit que les gens de 65 ans devraient
assumer, sous le plan Ryan, une moyenne du double de ce qu’ils paient au
total pour les soins de santé. Les gens ayant plus de 55 ans demeureraient
dans ce même système, mais une fois qu’ils auraient atteint l’âge
d’inscription à Medicare, ils seraient forcés de payer des coûts de
franchises et de coassurances plus élevés. Ryan a aussi proposé d’augmenter
l’âge d’éligibilité à Medicare, le faisant passer de 65 à 67.
Medicaid serait en réalité démantelé par l’abolition des lois fédérales
sur les prestations et l’éligibilité, donnant ainsi aux États une autonomie
complète, et en finançant leurs programmes avec des subventions fédérales
qui ne seraient pas ajustées pour satisfaire les besoins croissants. Les
dépenses totales reliées à Medicaid seraient réduites de 22 pour cent (771
milliards de dollars) sur 10 ans.
Un objectif conscient du démantèlement de ces programmes
d’assurance-maladie cruciaux est de réduire l’espérance de vie des
travailleurs et des pauvres en leur empêchant un accès à des soins de santé
décents. Les multimillionnaires et les milliardaires qui composent la classe
dirigeante estiment que les dépenses pour les gens qui ne peuvent être
exploités pour générer des profits sont un prélèvement intolérable sur leur
richesse personnelle.
Le pourcentage des dépenses fédérales comparé au produit intérieur brut
américain serait abaissé, sous le plan républicain, à son plus bas niveau
depuis 1949. La réduction du déficit pendant la décennie à venir serait
cependant minimale, parce que le plan appelle également à des baisses
d’impôts massives pour les entreprises et les riches, d’un montant total de
4,2 billions de dollars. Le plan ferait en sorte que la prolongation de deux
ans, allouée par Obama, des baisses d’impôts aux riches de l’ère Bush serait
permanente. Il procurerait aux entreprises et aux riches une énorme aubaine
en réduisant l’impôt fédéral le plus élevé sur le revenu et réduirait
également l’impôt sur les entreprises de 35 à 25 pour cent.
Le plan budgétaire vise à faire marche arrière sur un siècle de progrès
social aux États-Unis et revenir à l'époque où les travailleurs vivaient
dans la pauvreté la plus abjecte. Il n'y a pas si longtemps, il aurait été
rejeté comme les délires fascistes d'un fanatique d'extrême droite.
Aujourd'hui, il est généralement accepté par les critiques démocrates ainsi
que ses partisans comme étant légitime et même une « sérieuse » contribution
au débat sur le budget.
Obama a refusé de parler de la proposition de Ryan, tandis que les
médias, y compris ceux qui tendent vers le Parti démocrate, l'ont
généralement abordé de la manière la plus abstraite et superficielle, en
refusant de préciser ses implications désastreuses pour des millions
d'Américains.
Le chroniqueur du New York Times, David Brooks, a salué le plan
budgétaire, écrivant mardi :
« Aujourd'hui, Paul Ryan, le président républicain de la commission
budgétaire de la Chambre, doit présenter la plus complète et la plus
courageuse proposition de réforme du budget que chacun d'entre nous ait vu
de sa vie. On s'attend à ce que Ryan occupe le vide créé par la passivité du
président. Le budget Ryan ne sera pas adopté cette année, mais il va
immédiatement reformuler le débat sur la politique intérieure.
« Le budget Ryan amène le débat sur le bon terrain : L'État providence
actuel est tout simplement non viable et toute personne sérieuse, de gauche
ou de droite, doit adopter une nouvelle vision du contrat social. »
Le Washington Post a publié un éditorial mercredi : « La première
chose qui doit être louangée dans le plan du président de la commission
budgétaire de la Chambre, Paul Ryan, qui a été dévoilé mardi, est son
existence. Le républicain du Wisconsin a élaboré un plan pour faire face à
la dette, et ses collègues démocrates ou le président Obama ne peuvent pas
en dire autant ... »
L'éditorial du Wall Street Journal de mercredi a précisé que le
plan budgétaire de Ryan, qui ne comprend pas les réductions propres au
système de sécurité sociale pour les retraites des personnes âgées, est
aussi le prélude à la destruction de cette même réforme sociale
fondamentale.
« La sortie du budget de M. Ryan, écrit le Journal, est un moment
politique important parce qu'il représente la tentative la plus sérieuse
pour réformer le gouvernement depuis au moins une génération... M. Ryan a
décidé de ne pas défricher le terrain sur la question de la sécurité
sociale, même si tout le monde sait que le droit à la retraite est également
non viable dans un contexte où le passif non capitalisé s'élève à 17
billions de dollars. Au niveau des mesures politiques à adopter, la sécurité
sociale est aussi le problème le plus simple à résoudre : changer la formule
des prestations et de l'examen des ressources, hausser l'âge de la retraite,
et plus encore. »
Sur sa page éditoriale, le New York Times
a critiqué le plan républicain comme étant trop sévère et trop généreux pour
les riches, mais a conclu en exprimant son accord avec Ryan sur la nécessité
de mesures d'austérité. « Le déficit est un problème sérieux, est-il écrit,
mais le plan Ryan n'est pas une réponse sérieuse. »
Comme Ryan et les républicains le savent, il
n'y a pratiquement aucune chance que ce plan soit adopté avant les élections
de 2012, les démocrates ayant le contrôle de la Maison-Blanche et du Sénat.
Il joue néanmoins un rôle essentiel dans l'intensification de l'attaque des
deux partis sur les conditions sociales et le niveau de vie des travailleurs
et de la jeunesse.
Le plan des républicains crée les conditions politiques pour qu’Obama et
les démocrates montent la barre de leurs propres attaques sur Medicare,
Medicaid et d’autres programmes sociaux, puis de leurs propres réductions
d’impôts pour l’élite des affaires, et ce, même s’ils se présentent comme
les défenseurs de la « classe moyenne » et la seule alternative à la droite
républicaine.
Dans l’ensemble de la politique officielle et des médias, l’essentiel du
cadre du plan Ryan est accepté : la classe ouvrière doit payer pour les
dettes massives résultant du renflouement des banques, des réductions
d’impôts pour l’élite financière, et de la crise globale du capitalisme
américain, par des coupes encore plus douloureuses dans son niveau de vie.
Les démocrates, pas moins que les républicains, représentent la classe
dirigeante américaine et défendent ses intérêts. Ils accueillent l’appel des
républicains pour ce qui peut être considéré une contre-révolution sociale
comme moyen de tourner le débat officiel et les politiques gouvernementales
encore plus à droite.
Ainsi, l'attaché de presse de la Maison-Blanche, Jay Carney, a publié une
déclaration disant que les responsables de l’administration sont en accord
avec les buts de Ryan, mais sont en désaccord avec son approche. Au Sénat,
le président de la commission budgétaire démocrate, Kent Conrad, travaille à
une stratégie bipartite qui réduirait la dette nationale par une hausse de
taxes, principalement pour les travailleurs, et des coupes dans des
programmes de prestations comme Medicare et Medicaid.
Le Parti de l’égalité socialiste et le World Socialist Web Site
rejettent l’ensemble du cadre officiel du débat sur le budget. Nous rejetons
que les travailleurs doivent se sacrifier pour soutenir le système
capitaliste historiquement failli et en crise. Les propositions barbares
émanant de la classe dirigeante et de ses serviteurs politiques fournissent
les arguments les plus incontestables pour le renversement de ce système et
son remplacement par le socialisme.
Il y a deux positions opposées et irréconciliables : celle de la classe
dirigeante et ses deux partis, qui insistent sur le « droit » de
l’aristocratie financière à la richesse et au profit, et celui du parti
révolutionnaire socialiste, qui articule les intérêts de la classe ouvrière.
Nous soutenons que la classe ouvrière a des droits sociaux – le droit à un
emploi stable et bien payé, aux soins de santé, au logement, à l’éducation,
à une retraite confortable, à un monde sans guerre ni répression, à un
avenir pour la jeunesse – et que ses droits doivent être assurés par un
assaut de front sur la richesse et les privilèges de la classe dirigeante.
Cela requiert que la classe ouvrière s’unisse au sein d’un mouvement
socialiste de masse, indépendant de tous les partis politiques et les
représentants de la classe dirigeante. Le PES, L’Internationale étudiante
pour l’égalité sociale et le World Socialist Web Site tiennent des
conférences ce mois-ci, à partir de ce ce weekend à Ann Arbor au Michigan,
sur The Fight for Socialism Today (La lutte pour le socialisme aujourd’hui)
afin de discuter du programme sur lequel le mouvement doit être bâti.
Nous encourageons tous nos lecteurs qui cherchent un moyen pour lutter
contre l’attaque sur les conditions sociales et les droits démocratiques, et
contre les guerres en Afghanistan, en Irak et en Libye à participer.