Le nombre de morts résultant des frappes aériennes
américaines, françaises et anglaises continue d'augmenter et promet de
s'accroître notablement tandis que les puissances impérialistes intensifient
leurs attaques sur des cibles militaires comme civiles.
Le lendemain du jour où les Etats-Unis ont déployé des
drones Predator armés de missiles Hellfire et où l'OTAN a averti les civils de
"s'éloigner des troupes et des installations de l'armée de Kadhafi",
la télévision d'état libyenne rapportait que neuf personnes avaient été tuées
pendant la nuit lors d'une attaque aérienne de l'OTAN sur Sirte, la ville
natale du dirigeant libyen Muammar Kadhafi. Le communiqué de al-Jamahiriya
disait qu'une partie des personnes tuées travaillaient au service des eaux de
l'Etat.
Ce communiqué succédait à un autre qui jeudi faisait état de
sept civils tués et 18 blessés dans un raid aérien sur le faubourg de Khellat
al-Ferjan au sud-ouest de Tripoli mercredi soir tard dans la nuit, et à un
autre encore qui annonçait la mort de quatre civils dans le bombardement des
avions de l'OTAN sur la ville de Bir al-Ghanam, à une quarantaine de kilomètres
au sud-ouest de la capitale libyenne.
Le déploiement des drones américains armés de missiles fait
suite à l'annonce de la France, de l'Angleterre et de l'Italie que ces trois
anciennes puissances coloniales d'Afrique du Nord allaient envoyer des
"conseillers" militaires pour aider les soi-disant forces rebelles
basées à Benghazi et dirigées par le Conseil national de transition. Il fait
suite aussi à la lettre ouverte du président américain Obama, du premier
ministre Cameron et du président français Sarkozy déclarant que la guerre en
Libye continuerait jusqu'à ce que Kadhafi soit écarté du pouvoir.
Le Secrétaire américain à la Défense, Robert Gates, a annoncé
qu'Obama avait autorisé l'utilisation des drones meurtriers jeudi, et affirmé
que leur capacité à frapper des cibles avec "précision" permettrait
aux forces des Etats-Unis et de l'OTAN de détruire l'armée et l'artillerie de
Kadhafi situées dans des secteurs urbains très peuplés, comme la ville
orientale de Misrata, terrain d'une lutte sans merci, sans que les civils ne
souffrent trop.
Sans le moindre débat public ni même un débat formel au
Congrès, l'escalade a été déclenchée le jour même. Les Predator ont été envoyés
mais le mauvais temps a empêché les drones de tirer leurs missiles. Le Wall
street Journal a annoncé vendredi qu'il y aurait en permanence deux drones
équipés de missiles Hellfire dans le ciel libyen.
Washington ne fait même pas semblant de s'intéresser à ce
que les citoyens pensent de tout cela. Le New York Times a publié
vendredi les résultats d'un sondage réalisé par le New York Times et CBS
News qui montre que 45% des gens désapprouvent la manière dont Obama gère
l'intervention militaire et 39% l'approuvent. Un autre sondage de CBS réalisé
en mars indiquait 50% de soutien et 29% d'opposition.
Le carnage dont sont responsables les drones américains en
Afghanistan, Pakistan, Irak et Yémen a été souligné vendredi par une nouvelle
attaque dans le Waziristan, région du nord du Pakistan en bordure de
l'Afghanistan, qui a fait 25 morts dont au moins sept femmes et enfants. Le
gouvernement pakistanais a recensé des centaines de morts - en majorité des
civils- causées par les attaques de drones sur les régions limitrophes au cours
des dernières années.
L'escalade de mort et de destruction que les Etats-Unis et
ses alliés infligent à la Libye fait voler en éclat les mensonges utilisés pour
justifier le lancement de la guerre il y a cinq semaines. Une intervention qui
fut présentée -et autorisée- par le Conseil de Sécurité de l'ONU comme une
action humanitaire de courte durée pour établir une zone d'exclusion aérienne
et protéger les civils, se révèle être en fait une guerre coloniale cynique dont
le but est de renverser le gouvernement en place pour le remplacer par des
agents et des collaborateurs au service des Américains et des Européens.
En dépit des dénégations de Washington, Londres et Paris,
les préparatifs pour l'envoi de troupes au sol sont bien avancés. Une des
raisons qui explique que cela ne soit pas encore fait est l'existence de
sérieuses dissensions entre les puissances en guerre qui résultent de la lutte
intestine qui se mène sur le partage du butin dans la Libye d'après Kadhafi. Le
pays est un exportateur majeur de pétrole et possède les plus larges réserves
de pétrole de toute l'Afrique.
La France, qui a été le pouvoir le plus agressivement en
faveur de la guerre et qui est le seul des principaux acteurs à avoir à ce jour
reconnu le Conseil national de transition, a essayé depuis le début de prendre
la tête de la campagne militaire. Mais les Etats-Unis et la Grande Bretagne y
sont farouchement opposés et utilisent l'OTAN pour l'en empêcher.
Vendredi, le ministère français des Affaires étrangères a
déclaré que l'Union européenne avait toujours l'intention d'envoyer des forces
au sol pour -officiellement- apporter de l'aide humanitaire à Misrata. Elle
attend l'aval de l'ONU selon un porte parole français.
Cependant selon le Financial Times de vendredi
"un officiel du ministère anglais de la Défense affirmait au contraire
qu'il était impossible que l'Union européenne envoie des forces au sol en Libye
pour mettre en place un corridor humanitaire vers Misrata."
La logique des événements ainsi que les tensions internes
poussent les pouvoirs en guerre à intensifier la violence militaire et à
finalement envoyer des troupes au sol. Cinq semaines de bombardements intensifs
ont affaibli les troupes de Kadhafi mais n'ont pas réussi à renverser le régime
en grande partie à cause du manque de soutien populaire aux soi-disant rebelles
et du fait de l'incompétence militaire de ces derniers.
Dans une allocution aux troupes stationnées à Bagdad,
l'amiral Mike Mullen, président des états-majors conjoints, a dit que les
frappes américaines et européennes avaient privé Kadhafi "de 30 à 40% de
ses forces au sol" ce qui impliquerait l'élimination de milliers de
soldats. Cependant il a reconnu que "la coalition" avait fait peu de
progrès et a ajouté qu' "elle se dirigeait sans doute vers une
impasse."
Des officiels américains des réseaux de politique intérieure
et étrangère de plus en plus mécontents de la politique de l'administration
d'Obama veulent une accélération plus décisive des opérations militaires. John
McCain, Républicain le plus influent du Comité du service des armes du sénat,
s'est rendu à Benghazi vendredi pour faire pression en faveur d'une action
militaire plus agressive.
McCain a appelé l'assortiment d'anciens officiels de
Kadhafi, qui furent longtemps les cartes maîtresses de la CIA et des services
secrets européens et qui sont aujourd'hui à la tête du Conseil national de
transition, ses "héros", il a appelé à l'intensification des
bombardements des forces pro-Kadhafi et il a pressé Washington de reconnaître
le Conseil national de transition comme le seul gouvernement légitime de Libye.
A une conférence de presse à Benghazi, McCain a dit que les
nations devraient fournir au Conseil "toute l'assistance nécessaire"
y compris "de l'aide pour le contrôle et le commandement, des
renseignements sur le champ de bataille, de l'entraînement et des armes."
Il a aussi pressé l'administration Obama de remettre aux soi-disant rebelles
une partie des milliards de dollars des avoirs libyens saisis.
Vendredi le Wall Street Journal, sous le titre
"La coalition de l'ambivalence" se faisait l'écho de la position de
McCain en dénonçant ce qu'il appelait "la tiédeur de la campagne de
bombardements destinée à arrêter les forces de Muammar Kadhafi au nom de la
protection des civils." Le journal recommandait à Washington et à l'OTAN
de renoncer à faire semblant de mener une guerre limitée et
"humanitaire" et d'intensifier la violence pour éliminer rapidement
le régime de Kadhafi.
Anthony Cordesman du groupe de réflexion très influent de
Washington, le Centre d'études stratégiques et internationales, a révélé, avec
la brutalité d'une personne assoiffée de sang, les motivations véritables qui
se cachent derrière les belles paroles humanitaires. Voici ce qu'il écrit le 20
avril:
"Le vrai problème est que la farce est encore utilisée
à la place de la force... Il n'y a aucun besoin de nouvelles résolutions de
l'ONU, la France, l'Angleterre, les Etats-Unis et les autres membres de la
coalition qui veulent vraiment aider le peuple libyen n'ont qu'à utiliser le
caractère vague de la résolution actuelle pour atteindre des résultats
décisifs.
"La France, l'Angleterre, les Etats-Unis et les autres
membres de la coalition doivent modifier leur tactique pour que les bombardements
atteignent et détruisent l'armée et les forces de sécurité de Kadhafi dans
leurs bases et dans leurs mouvements sur le terrain - avant qu'elles
n'atteignent les forces rebelles. Il faut prendre pour cibles Kadhafi, les
nombreux membres de sa famille et ses principaux alliés qui se sont tous rendus
coupables d'attaques contre des civils libyens même s'ils se trouvent au milieu
des civils. Il faut les obliger à choisir entre l'exil et la mort et les
bombardements doivent être assez violents pour qu'ils comprennent qu'ils
doivent se décider rapidement.
"Ce genre d'opération ne peut pas être
"chirurgicale" -si "chirurgical" signifie à présent qu'il
faut éviter de faire couler le sang que le patient meure ou pas. Il faut faire
des choix difficiles et parfois cruels...."
De par la nature même de telles entreprises impérialistes,
il faudra inévitablement faire encore plus de "choix cruels" pour
noyer dans le sang la résistance populaire à la domination néocoloniale.