L'éruption primaire de la colère sociale qui
a balayé ces derniers jours Londres et d'autres villes britanniques a révélé au
grand jour la pauvreté profondément enracinée, la discrimination et la violence
policière auxquelles sont confrontés au quotidien les jeunes de la classe
ouvrière.
La réaction de l'ensemble de l'establishment
politique et des médias est de rejeter toute discussion sur ces conditions. Ils
soulignent à l'unisson que les émeutes et les cas de pillage qui ont eu lieu
sont exclusivement dus au fait qu'une vaste « sous-classe
criminelle » de jeunes « infestait » les centres-villes et qu'il
fallait en venir à bout impitoyablement.
C'est une calomnie contre les jeunes. Ces
gardiens autoproclamés de la morale qui répandent cette calomnie - des hypocrites
de premier ordre ! - oublient de prendre en considération les implications
de leurs propres mensonges. Quel jugement faut-il porter à un système social
qui produit une génération entière de criminels ?
En réalité, durant 35 ans l'élite dirigeante
et ses représentants politiques ont mené une guerre contre la société. Chaque
aspect de la vie a été subordonné aux intérêts d'une élite financière
parasitaire qui a pillé sans retenue les biens publics en ne laissant sur son
chemin que des niveaux record d'inégalité et de privation.
L'immense détresse sociale qui prévaut
actuellement ne fera que s'aggraver considérablement. Ce n'est pas un hasard si
le contexte des révoltes des jeunes est un nouvel effondrement des marchés
boursiers du monde. Une orgie de spéculation et de cupidité de la part d'une
infime élite ultra-riche a produit une catastrophe économique.
En Grande-Bretagne, comme ailleurs, la
réaction de l'élite dirigeante à l'effondrement du capitalisme a été
l'imposition de mesures d'austérité qui plongera des dizaines de millions de
gens davantage encore dans la pauvreté. Cette politique de guerre des classes
est ce qui sous-tend cette réaction brutale de la part de l'establishment
politique et des médias. Leur but est d'inciter à la révolte les éléments les
plus réactionnaires afin de pouvoir justifier une répression d'Etat de masse et
même des attaques encore plus draconiennes contre les conditions sociales.
C'est pourquoi le premier ministre David
Cameron ne jure que par l'«autorité de la loi » (« rule of
law ») pour sanctionner le recours aux canons à eau et aux balles en
plastique. C'est aussi la raison donnée par le dirigeant du Parti travailliste,
Ed Miliband, dont le parti, alors qu'il était au gouvernement a contribué à
créer les conditions sociales déplorables contre lesquelles les jeunes sont en
train de se rebeller, pour exiger que « les policiers répondent de la
manière la plus forte possible. »
Leurs dénonciations de la
« criminalité » et de « l'immoralité » des jeunes sont d'un
cynisme et d'une hypocrisie époustouflants.
Elles émanent de représentants d'une
bourgeoisie qui est en train de mener des guerres d'agression criminelles en
Irak, en Afghanistan et maintenant en Libye et dans lesquelles des civils
innocents sont tués tous les jours. Ces mêmes politiciens - à commencer par
Cameron - qui parlent avec éloquence de morale, ont été démasqués comme étant
les laquais politiques du multimilliardaire ultra-réactionnaire, Rupert
Murdoch, dont le journal News of the World a été impliqué dans la criminalité
à une échelle industrielle, avec corruption systématique de la Police
métropolitaine, cette même force de police qui est actuellement lâchée dans les
rues de Londres pour attaquer en toute impunité les jeunes de la classe
ouvrière.
Aucune mesure n'a été prise contre Murdoch,
ni aucun de ses cadres, ni contre les policiers corrompus - et d'ailleurs
aucune sanction n'est réclamée. Murdoch et son fils James sont traités avec une
déférence écoeurante par les politiciens de tous les partis traditionnels et
par les médias.
Dans cette condamnation générale du
« non respect de la loi » il n'y a quasiment aucune référence faite à
Mark Duggan, 29 ans et père de quatre enfants, dont la fusillade mortelle jeudi
dernier par la police a déclenché les émeutes. On n'entend pas d'appels à
traduire en justice le policier qui l'a assassiné.
Pas une critique n'a été émise sur les
arrestations de masse qui ont lieu partout dans le pays. Près de 2.000
personnes ont été jusque-là interpellées au cours de rafles policières de masse
lors lesquelles de jeunes manifestants ont été attaqués et saisis au hasard.
Les tribunaux fonctionnent actuellement jour et nuit pour traduire en
comparution immédiate les personnes accusées de délits mineurs et dont beaucoup
se sont vus refuser une libération sous caution.
Il y a plus que des relents de fascisme dans
les appels répétés lancés aux « propriétaires » et aux
« citoyens respectables » à « reprendre la rue » à ceux qui
ont été qualifiés de « rats errants ». Ecrivant dans le journal Daily
Mail, Max Hastings a décrit les jeunes impliqués dans les troubles comme
des « animaux sauvages » qui « ne réagissent qu'à des impulsions
animales instinctives. » Au début du 19ème siècle, poursuit
Hastings avec une approbation non dissimulée, « les flambées de violence
sporadiques » de la « sous classe » étaient refoulées « par
la force et des sanctions pénales draconiennes, en premier lieu la peine de
mort et le bannissement dans les colonies. »
Au contraire, se plaint-il amèrement,
« Aujourd'hui, ceux qui sont au bas de la société ne se comportent pas
mieux que leurs ancêtres, mais l'Etat providence les a soulagés de la faim et
du vrai besoin. »
De telles diatribes racistes et fascistes
sont légitimées et diffusées par la presse bourgeoise « respectable »
tandis que des forces droitières tel le « libertaire » Paul Staines
fait circuler des pétitions sur internet pour demander la restauration de la
peine de mort.
La session extraordinaire du parlement doit
débattre d'une mesure visant à priver tous les chômeurs impliqués dans les
émeutes, des prestations sociales auxquelles ils ont droit. Les émeutes quant à
elles sont utilisées pour tester des mesures contre-insurrectionnelles sur le
plan national, avant l'apparition de luttes plus importantes de la classe
ouvrière dont ces événements sont le signe avant-coureur.
Les révoltes des jeunes ont avant tout
révélé au grand jour le caractère méprisable et réactionnaire de ceux qui se
qualifient eux-mêmes de « libéraux » et même de gens de
« gauche. » Des années durant, ces couches privilégiées de la classe
moyenne se sont adaptées à l'inégalité sociale croissante. Totalement
indifférentes à l'appauvrissement de vastes couches de la population, leurs
références « progressistes » sont entièrement fondées sur leur soutien
à la politique d'un certain style de vie et de diverses formes de politique
identitaire petite bourgeoise.
Leur réaction aux émeutes urbaines est
empreinte de peur intense et de dégoût. Ken Livingtone, du Parti travailliste -
autrefois surnommé « Red Ken » [Ken le rouge] - a été parmi les tout
premiers à réclamer le recours aux canons à eau, tandis que les députés
travaillistes noirs et asiatiques et divers « dirigeants locaux » qui
se sont servis de la politique d'égalité raciale pour promouvoir leur carrière
et leur compte en banque sont les plus véhéments pour dire que la pauvreté
« n'excuse pas » les émeutes et que la police doit riposter avec
force.
Ian Dunt, rédacteur de politics.co.uk,
a exprimé le plus clairement la perspective de ces couches. Par le passé, il
avait écrit que « nous autres qui nous considérons comme des défenseurs
des libertés civiles » nous nous méfions des appels au tout sécuritaire
lancés par des « partisans de l'autorité. » Mais ce n'est plus le
cas. « Soyons clairs, nous avons eu un aperçu de ce qui se passe lorsque
la société s'effondre, » a-t-il poursuivi. Nous « devons montrer que
nous comprenons la nécessité de sanctions plus sévères lorsqu'elles sont
réellement nécessaires pour protéger le public, sinon nous ne serions que des
fanatiques sans aucune connaissance de la réalité. »
De telles déclarations témoignent de la
tragédie politique de la jeunesse. Leur indignation entièrement justifiée a été
incapable de trouver une quelconque expression organisée et progressiste en
raison de la pourriture et de la faillite du Parti travailliste et des diverses
tendances de « gauche ». Il n'y a rien qui distingue fondamentalement
ces derniers des organisations du Parti conservateur et de la droite plus
généralement. La seule distinction c'est qu'ils s'adressent à des sections
différentes de la même élite privilégiée.
En ce qui concerne les syndicats, leurs
efforts systématiques pour saborder et étouffer toute opposition au
gouvernement et à ses mesures d'austérité ont joué un rôle central dans
l'isolement des jeunes, les laissant frustrés et désarmés.
Le Parti de l'Egalité socialiste (Socialist
Equality Party) condamne sans équivoque l'attaque policière qui a été perpétrée
contre les jeunes gens et exige le retrait immédiat de la police anti-émeute de
toutes les régions qu'elle occupe actuellement. Les personnes détenues pour des
délits mineurs doivent être libérées immédiatement sans qu'il y ait de conséquences
ultérieures.
Aux jeunes nous disons: Toutes les
ressources dont vous avez besoin pour mener la vie profondément satisfaisante
et productive à laquelle vous avez droit - des emplois bien payés, une
éducation gratuite, un accès à la culture, aux sports et aux loisirs ainsi que
d'autres dispositions essentielles - peuvent être obtenues mais seulement en
luttant contre le monopole exercé sur la société par les ultra-riches et leurs
trois principaux partis politiques - les conservateurs, les travaillistes et
les libéraux démocrates.
Vos alliés dans cette lutte sont les
travailleurs de Grande-Bretagne et internationalement. La classe ouvrière -
votre classe - est la seule force capable de renverser le système capitaliste
en réorganisant la vie économique sur la base des besoins sociaux et non sur la
base du profit privé.
Aux travailleurs et à ceux qui se
préoccupent sincèrement des droits démocratiques et de la lutte pour l'égalité
sociale nous disons : Prenez la défense des jeunes. Montrez leur comment
sortir de l'avenir cauchemardesque de la pauvreté, du chômage et de la guerre
que le capitalisme offre.
Aux travailleurs tout comme aux jeunes nous
disons : Lisez et étudiez le socialisme et l'histoire du mouvement
marxiste et engagez-vous dans la lutte pour construire le Parti de l'Egalité
socialiste en tant que nouvelle direction révolutionnaire de la classe
ouvrière.