La manifestation de masse qui eut lieu samedi 6 août dans les
rues de Tel Aviv est une puissante illustration d'un aspect fondamental de la
situation internationale se développant actuellement : le réémergence de
la classe ouvrière en tant que la principale force de la politique mondiale. Le
défilé qui a rassemblé plus d'un quart de million de personnes contre les bas
salaires et l'augmentation du coût de la vie, a été la plus vaste protestation
sociale de l'histoire d'Israël.
Cette manifestation s'est produite en plein milieu d'un
nouveau krach boursier qui menace de faire revenir l'économie mondiale aux mêmes
conditions que celles qui ont suivi la récession survenue après l'effondrement
financier de septembre 2008.
Depuis des semaines, des tentes sont plantées sur le boulevard
Rothschild à Tel Aviv, inspirées en partie par les protestations de masse de la
place Tahrir au Caire qui avaient entraîné la démission du président égyptien,
Hosni Moubarak. Des médecins et des travailleurs du secteur public ont organisé
des grèves pour protester contre le manque de financement et les mauvaises
conditions de travail. Les manifestants israéliens brandissent des panneaux
écrits à la fois en hébreu et en arabe, certains incitant leurs co-manifestants
à suivre l'exemple des Egyptiens (« walk like an Egyptian »).
L'éclatement de luttes révolutionnaires de masse contre les
dictatures soutenues par les Etats-Unis en Tunisie et en Egypte a encouragé à
l'échelle internationale la résistance politique au sein de la classe ouvrière.
Cela s'est à présent étendu à Israël, qui pendant longtemps a été présenté
comme la patrie du peuple juif. Comme le montrent toutefois les mouvements de
protestations, Israël n'a pas fourni une voie vers l'avant pour le peuple juif
mais plutôt un Etat militaire servant les intérêts d'une élite bourgeoise et
opprimant à la fois les travailleurs juifs et arabes.
La classe dirigeante raconte aux travailleurs juifs qu'il est
de leur devoir politique de préparer des guerres fratricides contre leurs
frères de classe dans les territoires palestiniens occupés par Israël, au
Liban, en Syrie, en Egypte, en Iran et au-delà. Quant aux Arabes israéliens,
ils sont des citoyens de seconde classe qui sont exploités, au même titre qu'une
grande partie de la classe ouvrière juive, comme main-d'ouvre bon marché. Sur
cette base, Israël a servi d'avant-poste clé à l'impérialisme américain.
L'élite dirigeante israélienne poursuit depuis des années une
politique de libre marché enrichissant les 16 milliardaires du pays qui y contrôlent
à peu près la moitié du capital. Les privatisations, la déréglementation des
sociétés et le poids financier du complexe militaro-industriel d'Israël ont
saigné à blanc les travailleurs. Depuis 2008, la flambée des prix a dévasté
même les couches mieux loties de la classe ouvrière. Les prix immobiliers ont
augmenté de 55 pour cent, le loyer a grimpé de 27 pour cent et les prix des
produits alimentaires de base ont connu une hausse de 40 pour cent.
Alors que les manifestations continuent de se propager
internationalement, des masses de gens comprennent de plus en plus que la
question au centre de la vie politique est la classe et non pas la religion, la
nationalité ou l'ethnicité. L'intensification de l'exploitation de la classe
ouvrière - en Israël comme aux Etats-Unis et en Europe - est objectivement en
train de créer les bases pour l'unification des luttes révolutionnaire du
prolétariat international.
L'expérience de la révolution égyptienne - que les forces de
la classe moyenne tentent de faire dérailler et échouer en négociant des
accords avec la junte militaire - est cruciale pour les travailleurs
israéliens. Ces derniers ne peuvent combattre les causes de leur oppression en
cherchant à faire pression sur le régime ultra-droitier du premier ministre
Benjamin Netanyahu, pas plus que les travailleurs égyptiens ne peuvent
construire la démocratie en lançant des appels à la junte. Le prolétariat en
Israël doit construire un nouveau mouvement de lutte politiquement indépendant
pour renverser le gouvernement Netanyahu et pour appliquer une politique
socialiste.
Contrairement à cela, Ofer Eini, le dirigeant de la Histadrout,
la confédération syndicale d'Israël, dit que même s'il annonçait des grèves
symboliques en soutien aux manifestations, il n'envisage nullement de
« renverser le gouvernement. » Eini encourage les travailleurs à
compter sur la grâce de Netanyahu et sur le dialogue promis avec une « équipe »
de seize ministres en train d'être constituée dans le but express de négocier avec
les manifestants.
Quelle tromperie! Suivant le même programme que les autres bureaucrates
syndicaux et leurs alliés de la pseudo gauche partout au Moyen-Orient, Eini se
révèle être un agent de l'aristocratie financière à qui on a donné la mission
de contenir et de désamorcer les luttes de la classe ouvrière.
Comme le montrent les dépêches secrètes américaines publiées
par WikiLeaks et Haaretz, Eini soutient la politique de Netanyahu. Lors
d'une réunion en mai 2009 avec des diplomates américains, Eini avait dit que
son approbation de la politique budgétaire et économique de Netanyahu était le
« sceau d'authenticité » (« kosher seal ») indispensable
pour garantir que la Knesset (le parlement israélien) l'approuve aussi. Les
diplomates américains ont conclu qu'Eini était un « acteur clé » pour
la négociation des mesures droitières devant être imposées à la population
israélienne.
L'éclatement des protestations de masse en Israël, qui a
ébranlé le gouvernement en montrant la possibilité d'unification des
travailleurs juifs et arabes, encouragera les travailleurs de par le monde à
s'engager dans la voie de la lutte et à surmonter tous les efforts entrepris
pour les diviser selon des clivages religieux, ethniques ou nationaux.
La question centrale à laquelle sont confrontés les
travailleurs est de savoir comment transformer ce sentiment instinctif en une
conscience politique et une stratégie élaborée pour la défense de leurs intérêts.
La seule perspective pour lui fournir une base est le programme de la
révolution socialiste mondiale et que le Comité International de la Quatrième
Internationale (CIQI) est seul à préconiser.
Comme le montrent clairement les luttes se déroulant en
Israël, en Egypte et dans d'autres pays arabes, les conditions pour une lutte
conjointe du prolétariat au Moyen-Orient sont en train d'émerger dans le
contexte d'une crise historique du capitalisme. Dans leurs luttes, les
travailleurs du Moyen-Orient trouveront des alliés chez les travailleurs
d'Europe, d'Amérique et d'Asie qui sont confrontés à des attaques draconiennes
contre leurs niveaux de vie, perpétrées par les parasites financiers qui ont
pillé leur pays des décennies durant.
La question cruciale est la construction d'une nouvelle
direction révolutionnaire de la classe ouvrière et la formation de nouvelles
organisations pour la lutte de masse de la classe ouvrière. Le flot croissant
des protestations ouvrières est une puissante confirmation de la perspective du
CIQI. Une section du CIQI doit être construite en Israël afin d'unir les
travailleurs juifs et arabes dans la lutte pour une Fédération socialiste du
Moyen-Orient comme partie intégrante de la lutte pour le socialisme mondial.