Le premier britannique ministre David Cameron a présidé hier
une réunion d'urgence du Conseil COBRA et a appelé pour jeudi à une session
parlementaire extraordinaire en réponse aux émeutes continues à Londres et qui
se sont propagées à d'autres villes et cités de l'Angleterre.
La police anti-émeute dans une rue du district londonien de Lewisham
Cameron a été obligé d'écourter ses vacances en Toscane pour
superviser le plan d'une importante opération de police dans la capitale.
Quelque 16.000 policiers sont restés en service dans la nuit du 9 août - le
triple du nombre habituel - avec des renforts venus des quatre coins du pays.
Les mesures avaient été prises en réaction aux émeutes qui
s'étaient propagées partout dans Londres ainsi qu'à Bristol, Birmingham, Leeds,
Liverpool et Nottingham. Le 9 août au soir, on avait fait état de troubles
supplémentaires à Manchester, dans la ville voisine de Salford, à West Bromwich
et à Wolverhampton dans les Midlands.
Les émeutes avaient été déclenchées par la mort par balles jeudi
soir d'un habitant de Tottenham, âgé de 29 ans, Mark Duggan, tué par un agent
du 'Specialist Firearm Command' (CO19). Une manifestation pacifique organisée
samedi soir par la famille de Duggan et des gens les soutenant a violemment été
attaquée par la police anti-émeute, déclenchant une vague de troubles.
Lundi soir très tard, la Commission indépendante des plaintes
concernant la police (IPCC) a reconnu que Duggan n'avait pas ouvert le feu sur
les policiers comme il avait été initialement affirmé. Elle a dit que des
examens balistiques n'avaient fourni « aucune preuve » que le
pistolet retrouvé sur les lieux où Duggan avait été tué, avait servi à tirer
sur les policiers.
L'IPCC a constaté qu'un officier de police du CO19 avait tiré
deux balles dont une balle s'était logée dans la radio de la police après avoir
traversé le corps de Duggan. Duggan avait également été
touché au bras.
Le communiqué confirme les informations selon lesquelles Duggan
a été victime de la police qui a agi comme juge, jury et bourreau. Et pourtant,
personne n'a été tenu responsable du meurtre. L'officier impliqué a simplement
été relevé de ses fonctions. L'enquête sur la mort de Duggan a été suspendue
mardi en attendant la fin de l'enquête de l'IPCC qui pourrait durer six mois.
De plus, le mécontentement qui couvait depuis longtemps au
sujet de l'aggravation des conditions sociales et de la violence policière est
tout à fait ignoré par les partis politiques officiels et les médias.
Manifestement, pour eux les meurtres policiers sont acceptables, par contre,
toute riposte doit être traitée avec toute la force de l'Etat.
La rhétorique la plus abominable contre les jeunes impliqués
dans les troubles a été utilisée par les représentants des principaux partis
politiques.
Cameron a annoncé que le gouvernement ferait « tout pour
ramener l'ordre dans les rues de Grande-Bretagne. » En décrivant les
événements comme étant « de la criminalité pure et simple », il a dit
à l'attention de ceux qui ont été interpellés qu'ils « sentir[ont] toute
la force de la loi. Si vous êtes assez grands pour commettre ces crimes, vous
êtes assez grands pour être punis. »
Compte tenu du fait que l'ensemble de l'establishment
politique - y compris Cameron et la Police métropolitaine - est mêlé au
scandale criminel des écoutes téléphoniques illégales du News of the World
et qui implique l'ultraréactionnaire et multimilliardaire propriétaire de
médias, Rupert Murdoch, l'hypocrisie de tels commentaires est à couper le
souffle.
Le Parti travailliste, quant à lui, tente de surpasser Cameron
dans le sécuritaire. Le dirigeant travailliste, Ed Miliband, a exigé une réponse
« robuste » de la part de la police: « il doit y avoir une présence
policière partout à Londres. »
Le député travailliste Tom Watson - qui, en tant que membre de
la commission d'enquête parlementaire, avait récemment poliment auditionné Murdoch
et son fils James, au sujet de leur implication dans des activités illégales,
dont la corruption de policiers de la Metropolitan Police - a réclamé le
recours à l'armée. Il a exigé sur Twitter, « C'est tout simple :
Rappel du parlement. Annulation des congés. Appel au soutien logistique de
l'armée pour les services d'urgence. Stopper les réductions des dépenses de la
police. »
L'ancien maire travailliste de Londres, Ken Livingstone, tout
en reconnaissant que les mesures d'austérité de masse de 80 milliards de livres
sterling du gouvernement, créaient des « clivages sociaux » a exigé
le recours aux canons à eau. La député parlementaire travailliste de Hackney,
Dianne Abbott, a dit qu'il faudrait envisager un couvre-feu.
Le député conservateur, Patrick Mercer, a demandé au
gouvernement de déployer dans les rues de Londres le genre de répression
brutale que l'impérialisme britannique a utilisé en Irlande du Nord. « Je
trouve curieux que nous sommes prêts à utiliser ce genre de mesures contre les
Irlandais, » a-t-il dit, « mais quand les Anglais se font remarquer
et se comportent d'une manière aussi atroce et répugnante, nous nous contentons
de les dorloter gentiment. »
Mercer a dit que les troupes ne devraient pas être utilisées à
ce stade : « Ce n'est pas une situation militaire ; en recourant
aux troupes on commence à parler d'une révolution - nous sommes encore loin de
là. »
Ses commentaires sur le spectre d'une « révolution »,
reflètent la crainte de l'élite dirigeante des implications d'une génération
entière de jeunes, sans avenir sûr, qui exprime son mécontentement social et sa
haine à l'égard de l'establishment politique. Les conditions sociales
qui sous-tendent les émeutes sont un réquisitoire contre le système capitaliste
et l'élite politique britannique qui n'offre aucun avenir à la majorité des
gens.
Avant les élections législatives de l'année dernière déjà, le
dirigeant des Libéraux Démocrates, actuellement vice-premier ministre, Nick
Clegg, avait mis en garde contre « de graves conflits sociaux » du
fait de la crise économique mondiale et de l'imposition de réductions brutales
dans les dépenses de la part d'un « gouvernement qui n'a aucune
légitimité. » A présent, Clegg et les Libéraux Démocrates font partie d'un
tel gouvernement qui impose de massives mesures d'austérité et qui exige des
mesures autoritaires pour les appliquer.
Au jour d'aujourd'hui, le gouvernement a exclu le recours à
l'armée. Toutefois, l'utilisation de matraques en plastique est « sérieusement
envisagée » tandis que le recours aux véhicules de police lourdement
blindés doit être accru. Le commissaire adjoint de la police métropolitaine,
Steve Kavanagh, a dit que ces trois derniers jours des balles en plastique avaient
été à la disposition de la police anti-émeute, en ajoutant : « S'il
le faut [les utiliser], nous le ferons. »
Les discussions sur l'utilisation de l'armée sont une
indication de la réaction impitoyable de l'establishment dirigeant face
au mécontentement social qui a explosé à Londres et entre-temps aussi ailleurs.
L'opération de police dans la capitale est la plus vaste de
l'histoire britannique. Les congés de tous les fonctionnaires de police de la
Metropolitan Police ont été suspendus et la police anti-émeute a été dépêchée
dans la capitale en provenance de 30 autres unités venues en renfort de toutes
parts du pays, dont Manchester distante de plus de 250 kilomètres. Même des
policiers à la retraite ont été sollicités.
Parallèlement, quelque 6.000 personnes ont été interpellées
depuis samedi soir lors de raids policiers, la majorité dans la capitale. Les prisons
sont à présent pleines et les détenus sont emmenés par cars dans des régions
avoisinantes. Quelque 500 enquêteurs sont également occupés à examiner les
séquences des vidéos surveillance CCTV et les images des troubles, la plus
importante enquête criminelle de l'histoire de la police de Londres.
La centaine de personnes traduites en justice jusque-là,
comprend des jeunes, des travailleurs et des diplômés universitaires au chômage
- réfutant ainsi les affirmations des médias et de la politique officielle à
savoir que les participants ne font pas simplement partie d'une
« sous-classe criminelle » déterminée à détruire.
D'autres arrestations comprennent celle d'un garçon de 16 ans
de Glasgow, pour avoir soi-disant incité à l'émeute dans la ville au moyen de
Facebook, et celle d'un homme interpellé par la police du Grand Manchester « soupçonné »
d'avoir recouru aux réseaux sociaux pour fomenter des troubles.