Des membres des partis d'extrême-droite
de toute l'Europe ont repris à leur compte le massacre de vendredi
dernier commis par un extrémiste anti-islamique de droite en Norvège,
Anders Breivik. 76 personnes au moins ont été tuées au cours d'un
attentat à Oslo et dans un camp de jeunesse du Parti travailliste social-démocrate
sur l'île d'Utoya proche.
Deux membres en vue du parti
néo-fasciste français Front national (FN), Jacques Coutela et Laurent
Ozon, ont publié des défenses du massacre commis par Breivik, lui-même
ex-membre du parti fasciste norvégien le Parti du progrès, sur leur
blog. Avant les massacres, Breivik avait affiché des messages exprimant
la haine des musulmans et des immigrés. Il dénonçait également le
« marxisme culturel » et le «
multiculturalisme, » comme des obstacles à la défense de la culture
nationale.
Coutela, candidat du FN dans
le département de l'Yonne aux cantonales de mars 2011, a encensé Breivik
sur son blog comme un « résistant. » Il a ajouté que Breivik était
« le premier défenseur de l'Occident, » et « Charles Martel 2. »
- en référence au chef franc Charles Martel, qui repoussa les armées
musulmanes qui envahissaient le Sud de la France depuis l'Espagne, à
la bataille de Poitiers en 732.
Coutela a écrit, « Ce n'est
pas une icône, mais simplement un visionnaire face à la montée de
l'islamisation de l'Europe, avec la complicité de nos gouvernants et
de Bruxelles. » Il a appelé à « refouler ces mécréants qui veulent
nous imposer le hallal, les mosquées, la pédophilie, et l'occupation
de nos rues. »
De même, Ozon, qui a été
nommé au Comité politique du FN par la dirigeante du parti, Marine
Le Pen, a posté des messages sur Twitter soutenant l'action de Breivik.
Il a écrit que pour « Expliquer le drame d'Oslo » il fallait mentionner
« l'explosion de l'immigration : x6 entre 1970 et 2009. »
En Italie, un des partenaires
du gouvernement conservateur de Berlusconi, la Ligue du Nord, séparatiste
et d'extrême-droite, a également défendu les conceptions fascistes
de Breivik. Francesco Speroni, membre dirigeant de la Ligue du Nord,
a dit que « les idées de Breivik prennent la défense de la civilisation
occidentale. »
La défense des conceptions
de Breivik et de son attentat par le FN et d'autres partis d'extrême-droite
européens constitue un avertissement sérieux à la classe ouvrière.
Cela exprime la violente hostilité des néo-fascistes envers les immigrés
et envers toute organisation qu'ils perçoivent – même si c'est inexact
en fait dans le cas du Parti travailliste norvégien – comme ayant
une politique socialiste.
À la suite du massacre en
Norvège, le FN a cyniquement tenté de s'en distancer. Dimanche, la
dirigeante du FN, Marine Le Pen, a déclaré que « Le Front National
est évidemment parfaitement étranger à la tuerie norvégienne, qui
est l'œuvre d'un déséquilibré solitaire qui devra être châtié
de façon impitoyable. »
Mardi, le FN a annoncé que
Coutela a été temporairement suspendu de ses activités dans le parti.
Le secrétaire général du parti, Steve Briois a déclaré à l'AFP
que Coutela « a été suspendu aujourd'hui (ce mardi) de ses fonctions,
dans l'attente de son passage devant la commission des conflits. »
En suspendant Coutela, le
FN tente d'obtenir le soutien des médias et du monde politique en se
présentant comme un parti "responsable". Cette stratégie
a eu quelques succès dans les grands médias, qui se sont mis à faire
la promotion du FN depuis l'élection de Marine Le Pen à la direction
en janvier. (Lire : Brassage
médiatique autour de l’élection de Marine Le Pen à la tête du
Front National).
Interrogé par Le Point,
Nicolas Lebourg, professeur à l'Université de Perpignan et expert
de l'extrême-droite, a déclaré : « Le Front national réussit, pour
l'instant, une bonne stratégie de communication face à la polémique
provoquée par les attentats en Norvège. »
Il a ajouté, « Marine Le
Pen a eu une réaction très rationnelle. Elle s'est positionnée sur
un ordre républicain qui correspond à son discours depuis son intronisation
lors du congrès de Tours - notamment en suspendant très rapidement
Jacques Coutela, qui avait fait l'apologie du tueur - et elle a pris
date pour la suite en condamnant l'attentat de manière claire. »
Des positions aussi irréfléchies,
consistant à ne considérer les implications politiques et historiques
de la renaissance de la politique fasciste violente en Europe que d'une
manière anecdotique, correspondent sans aucun doute aux conceptions
de larges sections du monde politique en France et dans toute l'Europe.
Ils ont promu des partis comme
le FN ou la Ligue du Nord pour orienter les antagonismes de classe sur
des lignes réactionnaires, chauvines. Ils ne veulent pas voir le FN
complètement discrédité parce qu'ils sont complices de sa montée.
En France, face à l'opposition
ouvrière à sa politique d'austérité impopulaire, le président Nicolas
Sarkozy a renforcé le sentiment anti-immigré et anti-musulmans pour
diviser la classe ouvrière et séduire l'électorat du FN. Il a fait
passer des lois anti-démocratiques comme l'interdiction du port de
la burqa avec le soutien de l'ensemble de l'establishment politique
– y compris du Parti communiste français et de
l'« extrême gauche » comme le Nouveau parti anticapitaliste.
Aucune de ces forces n'a organisé
de campagne politique contre la politique du gouvernement Sarkozy de
déportation des Roms l'an dernier.
Cette évolution souligne la
faillite politique des affirmations selon lesquelles la décision du
FN de suspendre Coutela prouve qu'il est une organisation politique
responsable. En fait, dans la mesure où les médias réussissent à
présenter le FN comme un parti politique légitime, cela ne fera qu'encourager
des individus plus désorientés et arriérés à adopter le genre de
conceptions réactionnaires épousées par Breivik. Le résultat en
sera de nouvelles tragédies comme celle d'Oslo.