Une présence policière massive a été établie
dans certaines parties de la capitale britannique dans une tentative d'écraser
l'explosion de colère sociale qui a affecté des zones du Nord et du Sud-Est de
Londres et qui se propage à d'autres villes britanniques.
Les émeutes de Tottenham, samedi 6 août, ont
été déclenchées par des tireurs d'élite de la police qui ont tué Mark Duggan,
29 ans et père de quatre enfants, jeudi 4 août en début de soirée.
Le 7 août, des troubles ont éclaté à Brixton,
Enfield, Walthamstow, Islington et sur Oxford Street au centre de Londres. Le
lendemain, des émeutes étaient également signalées à Hackney à l'Est de Londres
et à Lewisham et Peckam au Sud-Est de Londres. Des troubles ont également
éclaté à Birmingham, la deuxième ville d'Angleterre.
Plus de 220 personnes ont été arrêtées en
moins de 48 heures.
L'ampleur de la réaction policière dément les
affirmations selon lesquelles la police a été « surpris » par les événements.
Non seulement le célèbre Territorial Support Group (TSG) - l'unité
spéciale de maintien de l'ordre à Londres - était en état d'alerte durant les
manifestations pacifiques qui ont suivi immédiatement le meurtre de Duggan,
avant les émeutes du 6 août. Mais, dès le lendemain, des milliers de policiers
ont été amenés en renforts à Tottenham et dans d'autres parties du Nord de
Londres, en provenance de la vallée de la Tamise, du Kent, du Surrey, de
l'Essex et de la ville de Londres.
Il a été rapporté par exemple, que dès 9h30 le
dimanche, « tout Enfield » - situé à proximité de Tottenham - avait été
transformé en « une zone stérile » par la police du Grand Londres [distincte de
la police de la ville de Londres même, ndt] et des renforts venus du Kent.
« Des centaines de policiers anti-émeutes sont
arrivés en camions, avec des chiens, et ont chargé des groupes d'adolescents
qui ont fui dans les ruelles, abîmant des voitures et vitrines de magasins dans
leur fuite, » rapporte le Guardian. La police montée a chargé tous les
groupes de jeunes dans la zone, pendant que les hélicoptères étaient déployés.
Des émeutes à Hackney auraient été causées par
une fouille de la police visant un jeune homme assis devant un MacDonald lundi
en fin d'après-midi. Quand il s'est plaint de n'avoir rien fait de mal et qu'il
a refusé d'être fouillé, un car anti-émeute est arrivé et la police a tenté de
l'interpeller. Une foule s'est rassemblée pour le défendre et la situation a
rapidement dégénéré en confrontations entre un grand nombre de policiers
anti-émeutes et des centaines de jeunes gens.
La répression policière est mise en place
alors même que la version officielle des événements qui ont entraîné les
émeutes de Tottenham est en train de tomber.
La police avait affirmé que Duggan, passager
d'un taxi, avait ouvert le feu sur des officiers alors qu'ils tentaient
d'arrêter le véhicule dans le cadre d'une opération d'interpellation déjà prévue.
Un officier n'aurait échappé à la mort que de justesse, selon la police, quand
la balle tirée par Duggan aurait touché sa radio. D'autres officiers auraient
fait feu en état de légitime défense et Duggan serait mort sur le coup. Une
arme à feu n'appartenant pas à la police aurait été retrouvée sur le lieu du
crime.
Le samedi après-midi, plus de 200 personnes se
sont rassemblées devant le commissariat de police de Tottenham pour demander «
justice pour Mark Duggan. » Les manifestants, dont la fiancée de Duggan, Semone
Wilson, se sont plaints de n'avoir reçu aucune explication pour la fusillade.
La police a dit qu'après plusieurs heures, la manifestation, qui était
pacifique au départ admettent-ils, est tout à coup devenue violente lorsque des
gangs de jeunes ont commencé à attaquer les voitures de police.
Mais, selon le Guardian, des expertises
balistiques à paraître montrent que c'est une balle tirée par la police qui a
touché la radio du policier. Cela indiquerait que la police a exécuté Duggan,
comme le soupçonnent beaucoup de gens. Des témoins ont déclaré avoir vu la
police abattre Duggan quand il était allongé au sol, face contre terre.
Quant aux affirmations de la police au sujet
des manifestations, des vidéos sont maintenant en ligne montrant la police en
train de brutaliser une jeune fille, devant une foule scandalisée.
La vidéo postée sur Youtube confirme les
témoignages selon lesquels l'émeute a commencé quand la police « s'en est prise
» à la jeune fille de 16 ans. Un habitant, Laurence Bailey, a déclaré aux
journalistes qu'il avait vus « 15 policiers anti-émeutes la frapper avec leurs
boucliers. »
« Elle est tombée à terre, mais une fois
qu'elle a pu se relever elle a été frappée à nouveau avant que ses amis
puissent la tirer de là. » a-t-il dit.
Quand la foule en colère s'est lancée en
avant, les voitures de police ont été utilisées pour bloquer la route. Ce sont
ces voitures qui auraient été attaquées par des jeunes et mises à feu.
Les preuves d'une provocation policière
s'accumulant, une campagne concertée est en route dans les médias et les grands
partis politiques pour imputer la faute des troubles à des « criminels "copy-cat" [qui
imitent les crimes dont on parle dans les médias, ndt] » et des « pillards »
tout cela a pour but de justifier un accroissement de la répression étatique.
Un porte-parole du Premier ministre du Parti
conservateur David Cameron a condamné ces émeutes comme « entièrement
inacceptables, » tandis que le vice-Premier ministre Nick Clegg du Parti
libéral démocrate l'a décrit comme « du vol à l'étalage. »
Kit Malthouse, le président de l'Autorité de
contrôle de la police du Grand Londres, et membre du Parti conservateur, a
déclaré : « De toute évidence, il y a des gens dans cette ville qui,
tristement, veulent la violence, qui cherchent une occasion de cambrioler et
mettre à feu les bâtiments et de créer une impression de désordre, que ce
soient des anarchistes ou qu'ils fassent partie de gangs organisés, ou que ce
ne soient que des jeunes sauvageons qui, disons le franchement, sont attiré par
une nouvelle paire de chaussures de sport. »
La ministre de l'intérieur 'du cabinet
d'opposition' travailliste, Yvette Cooper, a demandé « une direction et des
actions robustes à Londres maintenant pour empêcher ces troubles et cette
criminalité. » de se répandre ailleurs.
« Il faut nous assurer que la police a les
moyens nécessaires pour maintenir l'ordre public mais aussi pour conduire des
opérations ciblées après afin d'amener les criminels devant la justice, »
a-t-elle continué, ajoutant, Nous avons également besoin d'une stratégie claire
de la part du gouvernement et du maire pour empêcher ces désordres de devenir
un problème récurrent en août et septembre. »
Les remarques de Cooper sont une référence
cachée aux mesures d'austérité qui ont été appliquées par la coalition des
conservateurs et des Libéraux démocrates, impliquant des coupes dans les
dépenses de 80 milliards qui auront un effet dévastateur sur les emplois, le
niveau de vie et les programmes sociaux. Ces derniers mois le gouvernement a
triplé les coûts des inscriptions à l'Université et supprimé une bourse pour la
poursuite d'études qui permettait à 640 000 jeunes de 16 à 18 ans de poursuivre
des études plus avancées.
Des zones comme Tottenham, parmi les plus
pauvres du pays, ont été particulièrement frappées. Le chômage y est
officiellement de 8,8 pour cent, mais est bien plus élevé parmi les jeunes. Les
demandes d'allocation chômage ont augmenté de 10 pour cent l'an dernier, alors
que le conseil municipal d'Haringey [où se trouve Tottenham, ndt], a baissé son
budget de 41 millions de livres [46,6 millions d'euros, ndt], réduisant le
budget de ses services aux jeunes de 75 pour cent.
C'est cette réalité sociale qui sous-tend les
troubles de Londres. Elle est identique dans les autres zones ouvrières du
pays. C'est la raison pour laquelle Cooper anticipe des désordres « récurrents
» dans les mois à venir.
Le monde politique, la police et les médias
cherchent à se servir de ces événements pour justifier des mesures encore plus
draconiennes. Le Daily Express a publié un éditorial lundi affirmant : «
La société paye le prix pour avoir perdu trop d'années à tenter de
"comprendre" les jeunes hommes qui cherchent la bagarre au lieu
d'administrer la dure sanction que les criminels méritent tant. »
Lundi après-midi, la ministre de l'Intérieur
Theresa May a rencontré les chefs de la police pour coordonner ce qu'elle
appelle une réaction « robuste » aux émeutes.