Lundi 1er août, l’armée
égyptienne et les tristement célèbres Amn a-Markazi (Forces de sécurité
centrale) ont brutalement attaqué les manifestants pacifiques sur la
place Tahrir au Caire, évacuant la place et mettant fin aux protestations.
Vers 14 heures, des camions blindés se sont positionnés aux entrées
de la place et l’armée a commencé à tirer des coups de semonces
en l’air.
Le 1er août, les troupes égyptiennes donnent l’assaut contre les manifestants de la place Tahrir [Photo: Nora Shalaby]
La place Tahrir avait été
en grande partie désertée par les groupes de manifestants et les partis
d’« opposition » officiels qui avaient abandonné le sit-in vendredi.
Ceux qui étaient restés sur la place étaient surtout des familles
et des partisans des martyrs – à savoir, de manifestants tués durant
les luttes révolutionnaires qui avaient entraîné le 11 février l’éviction
d’Hosni Moubarak soutenu par les Etats-Unis.
Des témoins oculaires ont
rapporté que de jeunes manifestants avaient réagi par des jets de
pierres contre les soldats et les policiers en civil qui étaient arrivés
sur la place Tahrir armés de fusils automatiques. Durant le raid, l’armée
et les forces de sécurité ont démonté les tentes et chassé les
manifestants de la place. Plusieurs manifestants ont été blessés
et la junte a arrêté au moins 25 d’entre eux.
Lorsque l’armée a assiégé
la place, certains manifestants se sont enfuis en se cachant dans la
mosquée Omar Makram près de la place Tahrir ; l’armée a aussi commencé
à attaquer la mosquée. D’après des informations reçues, quelques
commerçants du centre ville du Caire auraient été mobilisés par
la police contre le sit-in et se seraient associés à l’attaque.
Un manifestant appelé Galal
a ainsi décrit la scène : « Ils sont arrivés et ont détruit les tentes
alors que nous étions dedans. Des femmes âgées et des mères de martyrs
se trouvaient parmi nous et ont dû partir en courant. » Galal est un
membre de l’une des familles de martyrs qui avaient commencé le sit-in
il y a quatre semaines après que la police eut brutalement attaqué
les manifestants dans le centre ville du Caire en en blessant plus d’un
millier. Son frère Nasser avait été tué en janvier devant le commissariat
de police dans le quartier ouvrier d’Imbaba lors des premiers jours
du soulèvement de masse contre le régime militaire.
Les chars évacuent la place Tahrir [Photo: Jonathan Rashad]
L’assaut renouvelé de l’armée
sur la place Tahrir, l’une des icônes de la Révolution égyptienne,
est l’aboutissement d’une contre-révolution organisée après que
les travailleurs et les jeunes eurent renversé en février le dictateur
de longue date Hosni Moubarak. Ces dernières semaines, la junte militaire,
soutenue par les Etats-Unis, a collaboré avec tous les groupes et partis
d’« opposition » officiels en Egypte pour arrêter une vague massive
de protestations et de grèves qui s’est répandue à travers l’Egypte.
Le 8 juillet, des millions
de travailleurs et de jeunes avaient protesté dans toutes les grandes
villes d’Egypte en exigeant une « deuxième révolution ». Un mouvement
massif de grève et de sit-in partout en Egypte avait suivi.
Les masses égyptiennes ont
clairement identifié la junte comme étant le prolongement de l’ancien
régime qui prône exactement la même politique que la dictature de
Moubarak. Depuis que les généraux de Moubarak ont pris le pouvoir,
les dépenses sociales ont été réduites, le régime militaire subsiste
et l’Egypte reste un ferme allié des Etats-Unis et d’Israël.
L’appel à une « deuxième
révolution » lancé par les travailleurs et les jeunes inquiète de
plus en plus l’impérialisme américain et la bourgeoisie égyptienne.
Ils ne craignent rien autant qu’un mouvement indépendant de la classe
ouvrière qui menacerait le régime capitaliste dans l’ensemble du
Moyen-Orient.
L’impérialisme américain
et les autres régimes réactionnaires apportent de plus en plus leur
soutien aux groupes islamistes. Récemment, les Etats-Unis ont annoncé
qu’ils entameraient un « dialogue ouvert » avec les Frères musulmans.
En Egypte, les groupes salafistes sont largement parrainés par l’Arabie
saoudite qui était contre le renversement de Moubarak.
Afin de contrôler la situation,
les partis « d’opposition » officiels – libéraux, islamistes ou
pseudo-gauches – ont formé une alliance pour sauver la junte. Le
27 juillet, plus de 35 groupes et partis politiques ont formé un « Front
populaire uni » et ont consenti à stopper toute discussion politique
et à laisser de côté toutes les « questions controversées. »
Les militaires rouant de coups un manifestant [Photo: Nora Shalaby]
Ceci a ouvert la voie à une
provocation islamiste le 29 juillet. Des partisans islamistes des régions
rurales de l’Egypte ont été envoyés au Caire dans une opération
soigneusement préparée par des groupes islamistes tels les Frères
musulmans, les Salafis et al-Gamaa al-Islamiya, qui soutiennent le régime
militaire et ses lois antigrèves ainsi que les mesures brutales prises
contre les manifestants et les grévistes. Les forces pseudo-gauches
ont utilisé ces événements comme prétexte pour abandonner les manifestants
restés sur la place Tahrir.
Le rôle le plus cynique pour
ouvrir la voie à la contre-révolution est joué par les parti pseudo-gauches
du Front socialiste – les Socialistes révolutionnaires (SR), le Parti
démocratique des Travailleurs et le parti de l’Alliance socialiste.
Ce sont des adversaires déclarés aux appels en faveur d’une « deuxième
révolution » et présentent au contraire la junte comme une force progressiste
qui accordera des réformes démocratiques et sociales.
Les groupes pseudo-gauches
ont conclu un accord avec les Islamistes et rejoint le « Front populaire
uni. » Peu de temps après, les Islamistes ont commencé le 29 juillet
leur marche, trente trois groupes et partis politiques dont des forces
pseudo-gauches s’en sont servi comme prétexte pour se retirer des
protestations et mettre un terme au sit-in.
Cette manoeuvre réactionnaire
de la part de la bourgeoisie égyptienne et appuyée par la pseudo-gauche
a non seulement ouvert la voie à la violence déclenchée récemment
par la junte militaire contre la population, mais a aussi préparé
le terrain pour une offensive brutale de la junte à l’encontre des
luttes de classe en Egypte.