Le secteur bancaire et l'économie de la
France sont les dernières victimes en date des fluctuations erratiques sur les
marchés financiers mondiaux et de la spéculation financière grandissante contre
les dettes souveraines européennes, dans le contexte des contrecoups de la
dégradation par Standard & Poor's (S&P) de la note de crédit américaine.
Le président Nicolas Sarkozy a interrompu
les vacances de ses ministres pour organiser une réunion de crise de son
gouvernement - avec la participation de Christian Noyer, gouverneur de la
Banque de France - sur fond d'effondrement continu de l'indice français CAC 40.
Celui-ci avait chuté de 4,68 pour cent ce jour-là. La réunion s'est terminée
mercredi matin par l'annonce de nouvelles coupes sociales qui seront présentées
dans le projet de budget qui sera publié le 24 août.
Le ministre français de l'Economie, François
Baroin, a dit, « Quel que soit l'impact des incertitudes mondiales, de
l'annonce de la dégradation de la note américaine. de la fébrilité des marchés.
nous prendrons les mesures nécessaires. »
Le même jour, toutefois, le CAC 40 a replongé
de 5,45 pour cent, alors que les valeurs bancaires françaises étaient frappées
par un mouvement de vente à n'importe quel prix. La vente massive a eu lieu
après que le quotidien britannique The Daily Mail a publié un article
suggérant que la banque française, la Société Générale (SG), était « au
bord du désastre » ; son bénéfice net avait baissé de 31 pour cent au
second trimestre, pour atteindre 1,07 milliards de dollars. Les cours des
actions de la SG avaient dégringolé de 21 pour cent avant de rebondir
partiellement ; le Crédit Agricole a accusé une baisse de 13 pour cent et
BNP Paribas de 10 pour cent.
Les spéculateurs sont inquiets face à la
surexposition des banques françaises à la Grèce et maintenant à l'Italie et à
l'Espagne. Selon la Banque des Règlements internationaux, les banques
françaises sont exposées à hauteur de 410 milliards d'euros à la dette
italienne, ce qui fait d'elles les banques les plus exposées d'Europe à la
crise de l'endettement de l'Europe méridionale.
Au cours des ces dernières semaines, les
marchés de crédit ont poussé à la hausse les taux d'intérêt du remboursement de
la dette publique de l'Italie et de l'Espagne, menaçant de provoquer un défaut
de paiement de leur gouvernement respectif. Avec les banques françaises détenant
à elles seules une plus grande part de leurs dettes que le montant de 440
milliards d'euros dont dispose le Fonds européen de Stabilité financière (FESF)
pour renflouer l'Espagne et l'Italie, un défaut de paiement de ces pays
pourrait probablement entraîner la faillite du système financier français.
Certains signes indiquent que les
spéculateurs pourraient aussi cibler la dette publique française. Bien que les
agences de notation de crédit aient récemment confirmé que la note de crédit
AAA était sûre, il y a de plus en plus de rumeurs que la France pourrait être
la prochaine grande économie après les Etats-Unis à perdre sa note de triple A
en raison d'une forte augmentation des dettes. La dette publique française
s'élève à 1.650 milliards d'euros, près de 84 pour cent de son PIB - contre 64
pour en 2007, avant l'éclatement de la crise financière mondiale.
Dans ces conditions, les financiers et les
responsables gouvernementaux français insistent pour que la Banque centrale
européenne (BCE) imprime de l'argent afin de le prêter, par le biais de banques
privées, aux gouvernements italien et espagnol. Il y a toutefois des doutes que
Berlin tolère une telle politique à long terme par crainte de ses effets
inflationnistes. Le mois dernier, la Cour de Karlsruhe, en Allemagne, avait
commencé à examiner la constitutionnalité des plans de sauvetage européens.
Paris a aussi annoncé que Sarkozy
rencontrera le 16 août la chancelière allemande, Angela Merkel. Baroin a
déclaré « La conviction profonde du président de la République et, je
crois le savoir, de la chancelière allemande, c'est que le statu quo n'était
plus possible. » Le ministre a assuré aux investisseurs qu'à « la
sortie de l'été, il y aura des propositions fortes du couple franco-allemand
sur la modernisation de la gouvernance de la zone euro. »
Ces réunions seront sans nul doute
extrêmement tendues. Lorsque, l'année dernière, Sarkozy avait vu que Merkel
refusait d'accepter un sauvetage de la Grèce par l'Allemagne, il aurait menacé
de sortir la France de la zone euro.
La panique financière est en train de se
répandre au milieu de signes d'un ralentissement économique persistant à
travers toute l'Europe. Selon l'Institut national de la Statistique INSEE,
l'économie française a annoncé une croissance nulle au second trimestre.
Eurostat, l'Office statistique des Communautés européennes, a rapporté que la
production industrielle dans les 17 pays de la zone euro avait baissé de 0,7
pour cent et confirmé les données communiquées par l'INSEE concernant une
stagnation économique en France
La clé de la faiblesse de l'économie
française se trouve dans une nouvelle contraction des dépenses de la
population. En commentant la situation économique française, Jennifer McKeown,
économiste à Capital Economics à Londres a dit : « Quant à la France
même, la chute de 0,7 pour cent des dépenses de consommation au second
trimestre a été la plus forte baisse en près de 15 ans, suggérant qu'on ne
pouvait désormais plus compter sur le secteur des ménages pour soutenir
l'économie. »
Dans une situation où l'économie française
est déjà en train de déraper, les nouvelles attaques draconiennes contre la
classe ouvrière que le gouvernement est en train de préparer ne feront
qu'aggraver la situation économique.
En France comme aux Etats-Unis - où les
agences de notation exigent des réductions des programmes sociaux tels Medicare
et la Sécurité sociale - ces agences réclament des coupes sociales brutales.
Dans un article paru en juin, S&P écrivait : « Si les autorités
françaises n'appliquent pas leur réforme du système de retraite, si elles
n'apportent pas de modifications additionnelles à leur système de sécurité
sociale et ne consolident pas la situation budgétaire actuelle face à une
pression grandissante des dépenses de santé et de retraite, Standard &
Poor's ne maintiendra probablement pas son triple A. »
La ministre des Finance, Valérie Pécresse, a
déclaré que le gouvernement ne « déviera pas d'un iota de sa
trajectoire » pour réduire le déficit. Pour rassurer les marchés, Sarkozy
a aussi fait campagne en faveur d'une « règle d'or » inscrite dans la
constitution pour prévoir un équilibre budgétaire - accédant ainsi à une
conformité avec la loi allemande.
L'ensemble de l'establishment
politique français s'empresse d'apporter son soutien aux coupes budgétaires de
Sarkozy. Le parti d'opposition, le Parti socialiste (PS), veut que le déficit
budgétaire soit immédiatement réduit à 3 pour cent pour que la France n'ait pas
à attendre 2013, date de l'entrée en vigueur de la « règle d'or. »
François Hollande, actuel premier candidat présidentiel du parti, a déclaré,
« la règle d'or, c'est pour 2013. Or, le critère de crédibilité, c'est le
budget pour 2012. »