Le discours à la nation du président Barack Obama, télédiffusé mardi soir du
Bureau ovale de la Maison-Blanche, était un exemple de lâcheté et de
malhonnêteté. Il était malhonnête pour le peuple des Etats-Unis et le monde
entier dans sa caractérisation de la guerre criminelle contre l'Irak. Et il
était lâche par sa prosternation devant l'armée américaine.
Ce discours ne pouvait susciter que dégoût et mépris chez ceux qui l'ont
visionné. Obama, qui doit sa présidence en grande partie aux sentiments
anti-guerre de masse du peuple américain, s'en est servi pour glorifier la
guerre à laquelle on croyait, par erreur, qu'il s'était opposé.
C'est la fin du discours de 19 minutes qui a donné le plus froid dans le
dos, quand Obama a déclaré : « Nos soldats constituent l'acier du navire de
l'Etat », ajoutant ensuite « et bien que notre nation navigue en eaux
tumultueuses, ils nous donnent confiance dans la justesse de notre
trajectoire ».
C'est pour cette déclaration, et non pour tous ses propos ambigus sur le
retrait des troupes, que l'abject discours d'Obama mérite de ne pas être
oublié. Cette rhétorique convenait à une république bananière sous contrôle
militaire ou à un Etat fasciste. L'armée, et non la Constitution, la volonté
du peuple ni les institutions apparemment démocratiques du pays, constitue
l' « acier » du « navire de l'Etat ». Les droits démocratiques du peuple
sont donc vraisemblablement autant de lest qui puisse être jeté par dessus
bord au besoin.
Le discours prenait place au terme de l'échéancier artificiel établi par
l'administration Obama et décrit par le président comme la « fin de notre
mission de combat en Irak ». Ce n'est qu'un des innombrables mensonges dont
étaient bourrées ses brèves remarques.
Quelque 50 000 soldats combattants demeurent déployés en Irak. Bien que
leur titre ait été changé pour forces « de transition », qui vont
supposément se consacrer à un rôle de « formation » et de « conseil » auprès
des forces de sécurité irakiennes, leur mission demeure la même.
En effet, une semaine à peine après que les médias ont fait du
redéploiement à l'extérieur de l'Irak d'un seul bataillon Stryker un
« événement décisif » indiquant le retrait des dernières troupes de combat,
5000 membres de la 3rd Armored Cavalry Regiment, une unité de combat,
étaient renvoyés dans le pays occupé depuis Fort Hood au Texas.
Washington n'a pas l'intention de mettre un terme à sa présence militaire
en Irak. Les Etats-Unis continuent de construire des bases permanentes et
sont déterminés à poursuivre le programme initial derrière le déclenchement
de la guerre par l'administration Bush en mars 2003 : l'imposition de
l'hégémonie américaine dans la région riche en pétrole du golfe Persique.
Le discours d’Obama était incohérent et rampant. Le président a cherché,
de manière malhonnête, a prendre le crédit pour avoir rempli ses promesse
électorale sur l’Irak. Comme candidat, il avait promis de retirer toutes les
troupes de combat américaines hors du pays dans les 16 mois suivant son
élection. Finalement, il a simplement adopté le calendrier et le plan conçu
par le Pentagone et l’administration Bush pour un retrait partiel, laissant
50 000 soldats dans des troupes de combat en place.
Le président démocrate s’est senti obligé, prétextant rendre hommage à
« nos troupes », de fondamentalement déformer et masquer la véritable nature
de la guerre, décrivant un des chapitres les plus sombres de l’histoire
américaine comme une sorte d’effort héroïque.
« Beaucoup de choses ont changé » depuis que Bush a lancé la guerre il y
a sept ans et demi, a déclaré Obama. « Une guerre pour désarmer un État est
devenu une lutte contre une insurrection » dans laquelle les troupes
américaines se sont battues « pâté par pâté pour aider l’Irak à saisir
l’opportunité pour un meilleur avenir ».
Le discours a été conçu comme si le président s’adressait à une nation
d’amnésiques. Pense-t-on vraiment que personne ne se souvient que c’était
une guerre lancée sur une base mensongère ? La population américaine s’est
fait dire que l’invasion de l’Irak était nécessaire parce que le
gouvernement de Saddam Hussein avait développé des « armes de destruction
massive » et qu’il se préparait à les remettre à al-Qaïda qui lancerait des
« nuages en forme de champignon » sur des villes américaines.
Il n’y avait ni « armes de destruction massive », ni liens entre le
régime irakien et al-Qaïda. C’était des inventions d’un gouvernement qui
était déterminé à mener une guerre d’agression afin de défendre les intérêts
capitalistes américains.
Ces mensonges ont été complètement exposés pour être des mensonges et ont
contribué à la croissance d’une hostilité accablante dans la population
américaine face à la guerre. Tout cela doit être oublié, rejeté comme des
détails sans importance.
Le peuple irakien est présenté par Obama comme l’heureux bénéficiaire de
l’abnégation et de l’héroïsme des Américains, lesquels leur accordent
l’opportunité d’avoir une nouvelle destinée ».
A écouter Obama, on pourrait difficilement imaginer que plus d’un million
d’Irakiens ont perdu leur vie suite à cette guerre non provoquée des
Etats-Unis; que quelque 4 millions d’Irakiens ont été chassés de leur maison
par la violence, que ce soit pour avoir été forcés de s’exiler ou pour avoir
été déplacés à l’intérieur de leur pays ravagé par la guerre. Toutes les
institutions et les composantes essentielles de l’infrastructure sociale ont
été ravagées par l’invasion américaine, qui a déchaîné ce qu’on pourrait
décrire plus précisément comme étant un sociocide, le meurtre d’une société
entière. La dévastation engendrée par le militarisme américain a amené une
nation anéantie de veuves, de sans-abris, de chômeurs et de blessés.
Alors qu’on a pu arrivé à réduire temporairement la résistance armée à
l’occupation américaine en saignant le peuple irakien à blanc, ce qui reste
est une société et un système politique non viable, dominé par des divisions
sectaires et supervisé par une présence américaine continue.
Parmi les parties les plus dégueulasses du discours d’Obama se trouve son
hommage sans fondement à son prédécesseur, George W. Bush. Alors qu’il
reconnaît qu’ils n’ont pas été « d’accord sur la guerre » — un désaccord
qu’il n’avait aucune intention d’expliquer — Obama a insisté que « personne
ne pouvait douter du soutien du président Bush pour nos troupes, ou son
amour pour le pays et son dévouement à notre sécurité. » Il a continué en
disant que cela prouve qu’« il y a des patriotes qui soutiennent la guerre
et des patriotes qui s’y opposent. Et nous sommes tous unis dans
l’appréciation de nos hommes et de nos femmes militaires. »
Bush a lancé une guerre qui était illégale sous la loi internationale.
Lui et d’autres chefs de file de son gouvernement — Dick Cheney, Donald
Rumsfeld, Condoleezza Rice — ont entraîné le peuple américain vers la voie
du crime de guerre, essentiellement le même acte pour lequel les nazis
furent jugés et reconnus coupables à Nuremberg : la planification et le
lancement d’une guerre d’agression.
Obama a dit à son auditoire qu’il avait parlé à Bush pendant
l’après-midi, exprimant apparemment sa solidarité avec un criminel de guerre
qui à sa place au tribunal de La Haye.
Inévitablement, de ce crime fondamental découle une série d’autres
crimes. Les « hommes et les femmes militaires » américains, dont l’honneur
est constamment invoqué pour justifier des tueries de masse, sont devenus
des participants de ces crimes monstrueux.
Le peuple américain et les peuples du monde entier ont été révoltés par
les images d’Abou Graïb. Mais, l’administration Obama est intervenue en
justice pour empêcher le dévoilement de preuves d’autres actes criminels
encore plus inimaginables.
Les soldats furent eux-mêmes des victimes de cette guerre. Près de 4500
d’entre eux ont perdu leurs vies dans l’agression lancée par
l’administration Bush, et 35 000 de plus ont été blessés. Des centaines de
milliers, étant jetés dans une guerre coloniale sale, ont subi des
traumatismes psychologiques.
« La grandeur de notre démocratie est notre habileté à aller au-delà de
nos différences et d’apprendre de nos expériences en même temps que nous
confrontons les défis qui sont devant nous, » a poursuivi Obama. Quelle
falsification!
La réputation de la démocratie américaine a été bâtie sur des principes
et des droits constitutionnels qui ont été mis en lambeaux par
l’administration Bush au nom de la « guerre globale contre le terrorisme. »
L’administration Obama a adhéré pleinement à ces attaques sur les droits
démocratiques, défendant la surveillance domestique, les déportations,
l’emprisonnement sans accusation ou poursuite et a même donné à l’exécutif
le droit de désigner des citoyens américains comme des suspects terroristes
et a ordonné leur exécution extra-judiciaire.
Le parcours sinueux du discours d’Obama l’a ensuite amener à passer de
l’Irak à l’Afghanistan. Cette guerre, dit-il, pouvait être soutenue par
« les Américains de toutes les tendances politques », parce qu’elle était
prétendument menée contre al-Qaïda qui « continue à comploter contre nous ».
Il a déclaré que la diminution de la présence militaire en Irak a permis
d’attribuer plus de ressources à cette guerre, ce qui a donné comme résultat
que « presque une douzaine de dirigeants d’al-Qaïda » avaient été « tués ou
capturés sur toute la surface du globe ».
Le lien entre cela et la multiplication par trois du nombre des soldats
déployés en Afghanistan depuis l’arrivée d’Obama à la Maison-Blanche n’est
pas expliqué. Selon de hauts responsables de l’armée américaine et des
services d’espionnage, il y a moins de 100 membres d’al-Qaïda dans tout
l’Afghanistan. Ce pays subit l’occupation de presque 100.000 soldats
américains auxquels il faut ajouter 40.000 soldats de l’OTAN et d’autres
pays.
Obama a continué en reconnaissant que les forces américaines « luttent
pour briser l’élan des talibans » sans même tenter de lier cela et la
« confrontation » avec des membres d’al-Qaïda sur tout le globe. La vérité
est qu’en Afghanistan, les forces américaines se battent contre des Afghans
résistants à une occupation étrangère. L’objectif n’est pas de défaire « les
terroristes », mais d’établir la domination des Etats-Unis sur l’Asie
centrale étant donné son importance géostratégique et ses grandes ressources
énergétiques.
Finalement, après avoir reconnu que la guerre en Irak avait contribué à
amener le pays au bord de la faillite, Obama a suggéré que le changement
qu’il a ordonné quant au déploiement en Irak est en quelque sorte lié à la
détermination de son administration à se concentrer sur la crise que
confrontent plus de 26 millions de travailleurs américains sans emplois ou
dans l’incapacité d’obtenir un emploi à temps plein.
« Aujourd’hui, notre tâche la plus urgente est restaurer notre économie
et redonner du travail aux millions d’Américains qui ont perdu leur
emploi », a-t-il dit. « Pour renforcer notre classe moyenne, nous devons
offrir à tous nos enfants l’éducation qu’ils méritent et à tous nos
travailleurs les compétences dont ils ont besoin pour être concurrentiels
dans une économie mondiale. »
Une autre phrase, un autre mensonge. Alors que l’administration avait des
billions de dollars pour le sauvetage de Wall Street, elle a à maintes
reprises affirmer clairement qu’elle ne créerait pas d’emplois pour les
chômeurs. Quant à l’éducation, le gouvernement fédéral continue à couper
dans son financement, ce qui se traduit par plus de congédiements
d’enseignants et plus de fermetures d’écoles.
Un fait ressort du discours d’Obama avec sa rhétorique à double sens :
les décisions en Irak et en Afghanistan ont été dictées par l’état-major de
l’armée et docilement acceptées par l’administration Obama. Ce gouvernement
n’a pas de politique indépendante et encore moins de convictions. Il met en
œuvre des politiques qui sont implantées ailleurs — à Wall Street et au
Pentagone — et se consacre entièrement à la défense de l’aristocratie
financière aux dépens du peuple américain.
(Article original anglais paru le 1er septembre 2010)