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  WSWS : Nouvelles et analyses : Asie

Des preuves que les dirigeants afghans sont à la solde de la CIA

Par James Cogan
4 septembre 2010

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Une série de fuites parvenues au New York Times et au Washington Post au cours de la semaine passée a révélé que des membres du gouvernement afghan dirigé par le président Hamid Karzai sont des agents et des informateurs à la solde de la CIA.

Les révélations ont débuté le 25 août lorsque des correspondants chevronnés du Times, Dexter Filkins et Mark Mazzetti ont rapporté qu’un proche conseiller de Karzai qui est accusé de corruption, Mohammed Zia Salehdi, avait été à la solde de la CIA durant de « nombreuses années ». L’information a été fournie par des sources anonymes « à Kaboul et à Washington, » suggérant qu’elle émanait de hauts rangs de l’armée voire même du gouvernement Obama.

Deux jours plus tard, le Washington Post citait d’autres sources américaines alléguant que la « CIA effectue des paiements secrets à plusieurs membres du gouvernement Karzai ». Le Post déclarait : « La CIA continue les paiements malgré la préoccupation de soutenir ainsi des responsables corrompus et de miner les efforts entrepris pour sevrer la dépendance des Afghans de sources secrètes de revenu ou de corruption.»

Mohammed Zia Salehi, qui est le chef de l’administration du Conseil de la sécurité nationale de l'Afghanistan, se trouve au centre d’une controverse entre Washington et Karzai. En juillet, il avait été interpellé par une unité d’enquête anti-corruption créée par les Etats-Unis. Des écoutes téléphoniques auraient relevé qu’il avait réclamé pour son fils une voiture d'une valeur de 10.000 dollars US comme prix à payer en échange de son aide pour stopper une enquête sur une société de transferts d’argent, la New Ansari.

Le président Karzai était intervenu pour annuler l’interpellation en l’espace de sept heures et faire libérer Salehi. Karzai avait également bloqué toute tentative d’arrêter des responsables hauts placés de New Ansari.

Toute enquête concernant cette société est clairement contrée par une section significative de l’establishment afghan liée au gouvernement Karzai. New Ansari est accusé de transférer chaque année des centaines de millions de dollars en liquide hors d’Afghanistan pour le compte des seigneurs de guerre, des responsables gouvernementaux et des trafiquants de drogue. Un responsable des services de douanes des Emirats arabes unis a dit qu’un milliard de dollars en espèces était entré dans cet Etat rien que l’année dernière.

Le Times a remarqué que « de nombreux responsables afghans disposent de résidences secondaires » à Abou Dhabi et Dubaï « et vivent dans un luxe splendide ». Depuis 2001, les sommes d’argent qui ont été pillées de « l’aide internationale » expédiée en Afghanistan se chiffrent en dizaines de milliards. De vastes sommes semblent également avoir tout simplement été octroyées par la CIA comme paiements et pots-de-vin.

Le 29 août, les services de Karzai ont dénoncé les allégations selon lesquelles la CIA comptait une grande partie de son gouvernement sur sa liste de paie comme étant « des allégations dénuées de fondement » et susceptibles « d’avoir un impact négatif sur l’alliance contre le terrorisme » et qui « entachaient la réputation des dirigeants afghans. »

Il n’y a cependant pas de raisons de douter de la véracité des affirmations. Les opérations que mène la CIA en Afghanistan remontent aux années 1970 et 1980 lorsqu’elle finançait et armait les groupes islamistes qui combattaient l’occupation du pays par l’armée soviétique. Plusieurs années avant les événements du 11 Septembre, des agents de la CIA étaient de retour en Afghanistan, soudoyant divers seigneurs de guerre pour qu’ils soutiennent l’invasion américaine.

En 2001, Mohammed Zia Salehi était le porte-parole de l’un des seigneurs de guerre anti-Talibans les plus puissants et les plus sanguinaires, Abdul Rashid Dostum qui acceptait ouvertement l’argent du gouvernement américain. Les agents de la CIA ont travaillé avec sa milice durant l’invasion dans le but d’écraser les forces talibanes dans le Nord de l’Afghanistan et ont participé au meurtre de sang-froid de milliers de prisonniers talibans.

Karzai fut choisi comme président sur la base des liens qu’il entretient depuis des décennies avec des agences américaines de renseignement. Le responsable américain avec lequel Karzai entretient les relations les plus étroites est l’actuel chef de l’antenne de la CIA, connu sous le nom de « Spider ». Tous deux travaillent ensemble depuis l’époque d’avant l’invasion de 2001. Une question évidente est le rôle qu’ont joué la CIA et les nombreux Afghans à sa solde lors du trucage flagrant des élections présidentielles de 2009 qui ont remis Karzai au pouvoir.

Selon le Wall Street Journal, l’importance du chef de l’antenne de la CIA et les liens étroits avec Karzai ont suscité une opposition de la part de l’ambassade des Etats-Unis et du Département d’Etat, mais en début d'année Obama est passé outre.

Un motif probable pour les récentes fuites est de provoquer un remaniement du gouvernement afghan, impliquant peut-être quelques procès médiatisés de responsables corrompus. La Maison Blanche et l’armée américaine imputent de plus en plus le soutien grandissant pour le mouvement de résistance mené par les Talibans et le nombre fortement en augmentation des victimes des Etats-Unis et de l’OTAN à l’animosité et au mépris ressentis par la population à l'égard du gouvernement Karzai. Sept soldats américains de plus ont été tués au cours du week-end, ce qui porte le bilan des morts à 308 en 2010, juste neuf de moins qu’en 2009.

Signe de l'inquiétude qui règne au sein des cercles politiques et militaires américains, l’Institut pour les Etudes de guerre a déclaré dans un récent rapport sur la situation existant dans la grande ville méridionale de Kandahar « que la population considère les institutions gouvernementales comme prédatrices et illégitimes, et représentant les intérêts des hommes d'influence, plutôt que ceux de la population. »

Kandahar est essentiellement dirigé par le demi-frère de Karzai, Ahmed Wali Karzai, qui a été publiquement accusé à la fois de présider un massif cartel de la drogue et d’être à la solde de la CIA. Le frère aîné de Karzai, Mahmoud qui possède la nationalité américaine, est devenu l’un des hommes les plus riches du pays avec ses concessions pour Toyota et les contrats alloués par le gouvernement dans l’industrie du ciment.

Tous les changements dans le personnel du gouvernement afghan sur la base de la lutte contre la corruption ne changeront cependant pas le caractère fantoche du régime. Les paiements, les pots-de-vin coutumiers et le vol clair et net découlent inexorablement d’une occupation coloniale étrangère qui est détestée et à laquelle la majorité du peuple afghan s'oppose.

Les révélations de la CIA soulignent le caractère cynique de la propagande américaine qui est utilisée depuis 2001 pour justifier la guerre. Des individus vénaux et qui acceptent des paiements d’une puissance étrangère d’occupation et pillent le pays sont dépeints comme les représentants d’un futur Afghanistan démocratique. Les Afghans qui s'opposent à l’occupation et qui luttent pour la libération du pays sont qualifiés de terroristes, sont tués par dizaines de milliers et traqués par 150.000 soldats étrangers.

(Article original paru le 30 août 2010)

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