Les actions de la police pour
briser les grèves et les blocages dans le secteur pétrolier n'ont pas mis fin à
la pénurie de carburant, ni limité les grèves et manifestations des
travailleurs et des lycéens contre les coupes dans les retraites, extrêmement
impopulaires, imposées par le président Nicolas Sarkozy. La vague de grèves en
France est l'expression la plus développée de la résistance grandissante de la
classe ouvrière contre la poussée des gouvernements européens pour imposer des
mesures d'austérité malgré une opposition populaire écrasante.
Le refus
des syndicats d'organiser des grèves et des manifestations plus larges pour
s'opposer aux attaques de la police contre les blocages des dépôts et
raffineries doit être considéré comme un avertissement sérieux. Ces
organisations ne vont monter aucune lutte pour défendre les travailleurs face à
la violence de l'Etat. Au contraire, ils donnent à Sarkozy le signal qu'il
peut faire usage d'encore plus de violence policière et compter sur leur
soutien tacite.
Le
silence des syndicats sur ces actions de l'Etat pour briser la grève est
l'expression la plus claire de leur hostilité au développement d'un mouvement
de masse et leur détermination à travailler avec Sarkozy pour affaiblir et
finalement épuiser ce mouvement. En cela ils sont soutenus par les partis de la
« gauche » officielle, les partis socialiste et communiste, ainsi que
les partis soi-disant d' « extrême-gauche » tel le Nouveau parti
anticapitaliste (NPA) qui fournit une couverture politique aux syndicats et
insiste pour que les travailleurs se tournent vers ces organes de l'élite
dirigeante et de l'Etat pour les défendre.
Les
seules actions majeures approuvées par les syndicats sont les deux nouvelles
journées de protestation, le 28 octobre et le 6 novembre. De telles
« journées d'action » sont déjà largement perçues par les
travailleurs comme inefficaces. En effet, la première se tiendra un jour après
que l'Assemblée nationale et le Sénat se seront mis d'accord sur la version
finale du projet de loi de « réforme » des retraites, que le
gouvernement essaie de faire passer en force au Sénat vendredi.
Dans une
situation où la répression policière n'a pas réussi à écraser les grèves,
Sarkozy compte encore plus directement que jamais sur les syndicats et les
partis de « gauche » pour désamorcer et réprimer le mouvement. Des
porte-parole des syndicats mettent déjà en avant l'idée que l'opposition aux
coupes est une cause perdue. Ils comptent sur la pression financière
grandissante sur les grévistes et l'impact de l'isolement délibéré par les
syndicats des grèves du secteur pétrolier et des transports pour semer l'épuisement
et la résignation.
Appuyés
par les organisations petites-bourgeoises soi-disant de gauche tel le NPA, les
syndicats mettent en avant l'illusion absurde et dangereuse que l'on peut faire
pression sur le gouvernement pour qu'il abandonne ou modifie sérieusement sa
politique d'austérité. Et ceci malgré les déclarations répétées de Sarkozy que
les coupes seront imposées quoi qu'il arrive, et son recours à la violence
d'Etat contre les travailleurs.
Les
manifestations à elles seules ne changeront pas la politique du gouvernement,
et ceux qui disent le contraire incitent à la complaisance et à la confusion.
Ils ne tiennent pas compte du contexte dans lequel se déploie cette poussée
vers l'austérité en France et dans tous les autres grands pays industrialisés:
la crise la plus profonde du système capitaliste mondial depuis les années
1930.
Dans le
même temps, ils avancent le mensonge que le Parti socialiste, parti de la
bourgeoisie française qui a fait ses preuves et qui avait initié le programme
de coupes sociales lorsqu'il était au pouvoir dans les années 1990, représente
une réelle alternative à Sarkozy et aux gaullistes. Les syndicats et leurs
alliés de « gauche » cherchent à mettre fin au mouvement de grève et
à diriger le mécontentement populaire dans l'impasse d'un soutien au Parti
socialiste pour l'élection présidentielle de 2012.
La
classe ouvrière est objectivement engagée dans une lutte contre la classe
dirigeante et son Etat. Le gouvernement fait ouvertement ce que lui dictent les
banques et l'aristocratie financière dans le plus grand mépris de la volonté
démocratique du peuple.
L'opposition
des travailleurs jouit de l'immense soutien de la population dans son ensemble,
qui est très majoritairement opposée aux coupes et soutient le mouvement de grève.
Mais il est essentiel que cette lutte soit consciemment menée comme une lutte
politique pour le pouvoir, c'est à dire pour renverser le gouvernement Sarkozy
et le remplacer par un gouvernement de travailleurs.
La condition préalable essentielle à la victoire est de
rompre avec les syndicats et d'établir de nouvelles organisations démocratiques
de lutte de la classe ouvrière. Le World Socialist Web Site encourage fortement
les travailleurs de France à former des comités d'action indépendants des syndicats
et des partis de « gauche » existants pour élargir le mouvement de
grève, unifier toutes les sections de la classe ouvrière, travailleurs et
chômeurs, Français et immigrés, syndiqués et non-syndiqués, jeunes et moins
jeunes, et à mobiliser derrière l'immense puissance sociale de la classe
ouvrière toutes les couches opprimées de la société.
Ces
comités fourniront aux travailleurs français un moyen d'atteindre les
travailleurs d'Europe et du monde entier qui sont confrontés aux mêmes
attaques, provenant de la même source: la classe capitaliste internationale. On
ne peut résoudre cette crise que sur une base européenne et mondiale, par
l'unification révolutionnaire de la classe ouvrière internationale.
Ces
comités d'action lutteront pour une grève générale visant à renverser Sarkozy.
Avec le développement du mouvement de masse, ces comités pourront s'élargir
pour devenir des conseils de travailleurs qui deviendront les organes du
pouvoir politique de la classe ouvrière.
Ce n'est
que sur cette base que l'on peut mener une politique socialiste révolutionnaire
pour exploiter et développer les forces productives dans l'intérêt du peuple et
pour mettre fin à sa subordination aux profits des grands groupes et à
l'enrichissement personnel d'une minuscule élite.
La lutte
pour le pouvoir ouvrier est profondément ancrée dans l'histoire de la classe
ouvrière française. Il y a de cela cent quarante ans, les travailleurs de Paris
assiégés se rebellèrent et formèrent la Commune. Ce fut la première fois de
l'histoire que la classe ouvrière s'emparait du pouvoir. La Commune fut
finalement écrasée par le gouvernement bourgeois du président Adolphe Thiers
qui mena une répression sauvage.
Mais
l'exemple de la Commune joua un rôle essentiel dans la Révolution russe
d'octobre 1917 et continue de demeurer un hommage à la capacité révolutionnaire
de la classe ouvrière. Ce sont vers de telles traditions de lutte
révolutionnaire que les travailleurs d'Europe et du monde entier se tourneront
à nouveau dans la période à venir.