wsws.org/francais

Visitez le site anglais du WSWS

SUR LE SITE :

Contribuez au WSWS

Nouvelles et Analyses
Luttes Ouvrières
Histoire et Culture
Correspondance
L'héritage que nous défendons

A propos du CIQI
A propos du WSWS

AUTRES LANGUES

Allemand

Français
Anglais
Espagnol
Italien

Indonésien
Russe
Turque
Tamoul

Singalais
Serbo-Croate

 

WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Roger Cohen du New York Times attaque les travailleurs français

Par Alex Lantier
25 octobre 2010

Imprimez cet article | Ecrivez à l'auteur

Les grèves de masse organisées la semaine passée par les travailleurs en France contre la réforme des retraites du président Nicolas Sarkozy ont soulevé la colère de Roger Cohen, l’éditorialiste du New York Times spécialisé dans les affaires internationales.

Lors de son voyage en France pour rencontrer la ministre française de l’Economie, Christine Lagarde, et discuter de la réforme des retraites et des grèves Cohen avait rédigé la semaine passée une rubrique. Sa rubrique « Retraite à 62 ans ? Non ! », (« Retirement at 62? Non! »), est un exemple édifiant de l’hostilité et du mépris que les luttes de la classe ouvrière inspirent aux philistins libéraux de la classe moyenne supérieure.

Cohen débute sa rubrique en exprimant son mécontentement d’avoir été dérangé à son arrivée en France par une annonce concernant les grèves. Il écrit : « Bienvenue en France ! Au moment où mon train sort du tunnel qui relie la Grande-Bretagne au continent européen, l’annonce a été faite : "En raison de la grève générale, certains services de trains et autres seront perturbés."» Cohen est arrivé en toute sécurité à Paris mais il continue de garder rancune contre une annonce qui a pris 15 secondes de son précieux temps.

Il fulmine: « Les Français vivent aujourd’hui en moyenne 15 ans de plus que dans les années 1950. Ils vivent dans une économie mondialisée où les Chinois ne connaissent pas la notion de retraite… Cette réforme est évidente. Aller, la France, soyez réaliste ! »

M. Cohen est spécialisé dans ce style d’écriture qui requiert non pas de l'intelligence, mais un sentiment de supériorité et une sensibilité à l’humeur de l’aristocratie financière. L'idée que le niveau de vie des travailleurs de différents pays devrait être égalisé vers le haut et non vers le bas ne lui vient pas à l’esprit, même pas comme une idée à récuser. Pour lui, il est tout à fait évident que si les travailleurs en Chine n’ont pas de bonnes retraites, les travailleurs en France ou ailleurs ne devraient pas en avoir non plus.

Dans une brève tentative pour montrer qu’il est un homme généreux en dépit des apparences, Cohen avance un démenti : « La solidarité sociale de l’Europe est précieuse. Ce n'est pas sur la cupidité que l'on fonde une société. »

Un sentiment « démocratique » aussi creux peut au besoin être écarté à tout moment. Le fait que Sarkozy applique ses coupes malgré l’opposition d’une écrasante majorité de la population française — après qu’une campagne d’expulsion de Roms sur la base de leur origine ethnique a suscité une condamnation internationale — ne mérite aucune mention dans le papier de Cohen.

Le démenti n’est cependant que le prélude à une autre affirmation stupide : « Mais la réforme impliquera des choix difficiles faits en toute connaissance de cause que l’alternative serait  l’effondrement. » Pourquoi le lecteur est-il censé croire qu’il n’y absolument aucune alternative à une capitulation totale aux exigences des banques ? Cela Cohen ne le précise pas.

Cohen s’est rendu en France pour témoigner sa sympathie à la ministre française de l’Economie, Christine Lagarde. Elle figure parmi les personnes susceptibles de remplacer le premier ministre François Fillon, au cas où Sarkozy serait obligé de dissoudre le gouvernement. Il a de manière compréhensive noté ses plaintes : « [Sarkozy] décide. C’est un peu troublant. Je ne sais pas si je serai là à la fin du mois. » Un journaliste un peu plus réfléchi que Cohen aurait peut-être remarqué que les inquiétudes concernant la perte d'emploi sont plus graves pour les travailleurs qui, eux, ne disposent pas du salaire de Lagarde et de ses relations dans les grandes banques et les cabinets d’affaires.

Le mépris de Cohen pour la classe ouvrière française avait été amplement développé dans un article précédent écrit pour le New York Times, « La politique du cirage de bottes » (« The Politics of the Shoe Shine »). Il avait écrit ce papier durant sa visite à Paris en avril 2008, lorsque que cela faisait un an que Sarkozy était au pouvoir.

Dans cet article, Cohen décrit son malheur devant le fait que, contrairement à Chicago ou à Manhattan, il ne peut trouver personne pour s’agenouiller devant lui et lui polir les chaussures à Paris. Il écrit : « Recherchez partout dans Paris un banc sur lequel s’asseoir et se faire cirer les bottes [en français dans le texte ] : vous chercherez en vain. Il y a quelque chose qui ne passe pas avec l’idée d’avoir quelqu’un accroupi aux pieds d’un(e) client(e) pour lui cirer ses bottes et qui prend à contre-poil l’esprit égalitaire français. Cela va totalement à l'encontre de 1789. »

Là encore, le lecteur doit s'en remettre à Cohen et à son évaluation de 1789, la Révolution française qui avait renversé le roi Louis XVI et la reine Marie-Antoinette. Cohen se considère indubitablement comme un spécialiste de la France au fur et à mesure qu’il cite des dates et laisse de manière ostentatoire quelques expressions françaises non traduites dans ses chroniques. Toutefois, la question demeure : qu’y a-t-il de typiquement français à ne pas aimer s’accroupir pour cirer les bottes d’un journaliste arrogant et surpayé du New York Times ? Les travailleurs aux Etats-Unis, en Chine et ailleurs n'apprécieraient pas non plus.

Ceci n’inquiète pas outre mesure M. Cohen. Il écrit : « Et donc, ai-je une préférence pour les sociétés où on cire les bottes ou celles où on ne le fait pas ? Je préconise les premières parce qu’elles laissent à l’esprit humain une plus grande liberté. »

On ne comprend pas très bien comment cirer des bottes peut bien libérer l’esprit humain. Et donc la conclusion paraît incontournable que M. Cohen préfère « les sociétés où on cire les bottes » parce qu’elles « laissent une plus grande liberté » à son « esprit ».

Ce serait injuste envers Cohen de considérer ceci comme une affaire purement personnelle. Il parle ici non pas en son nom, mais pour toute une classe sociale de gens qui se consacrent à engranger des profits personnels et financiers du travail d’autres gens.

Malgré la référence faite à « l’esprit français », l’hostilité envers la classe ouvrière dépasse les frontières nationales. Les coupes claires dans les retraites en France font partie d’une attaque à l’encontre les travailleurs partout en Europe, aux Etats-Unis et à travers le monde.

Ainsi, les employeurs de Cohen, la famille Sulzberger qui possède le New York Times, a dernièrement aidé le maire de la ville de New York, Michael Bloomberg, à organiser une grande fête pour Steve Rattner, le financier que le président américain Barack Obama avait nommé pour superviser la restructuration de l’industrie automobile américaine. Alors que Rattner a accepté une amende de 6 millions de dollars et une interdiction d’opérations sur les valeurs industrielles prononcées pour réprimer des accusations d’escroquerie, il compte encore de nombreux amis dans l’establishment « libéral ». Sa stratégie de réduire le salaire des travailleurs américains de l’automobile de 29 à 14 dollars l’heure lui a valu la reconnaissance de l’aristocratie financière.

Durant la « Révolution verte » en Iran en 2009, Cohen avait écrit sans rougir sur la « colère » qu’il avait ressentie lorsque la police avait frappé des membres du gouvernement Vert – dans une tentative soutenue par les Etats-Unis d’annuler l’élection du président iranien Mahmoud Ahmadinejad. Il ne ressent nullement une indignation pareille quand les CRS en France attaquent des manifestants lors de manifestations, interpellent des centaines de jeunes et leur tirent des flashballs en plein visage. Cohen s’oppose à la répression de manifestations qui vont dans l’intérêt de Washington mais pas à la répression de manifestations impliquant des travailleurs qui défendent leur niveau de vie.

Cet instinct de classe totalement antidémocratique et aristocratique trouve son expression la plus complète dans l’exaspération de Cohen au sujet de 1789, l’« esprit égalitaire » de la Révolution française. Il revient sur ce sujet dans son papier sur Lagarde.

A la fin, Cohen est gagné à la cause de « l'alchimie et de la culture françaises et leurs subtilités » — toutes deux incarnées dans le « professionnalisme élégant » de Lagarde, mais plus encore dans « la pierre tombale de Coco, que la gravure sur l’inscription qualifie de "chien favori" de Marie-Antoinette. » Tout en admirant cette pierre tombale, il médite les perles de sagesse de Lagarde au sujet de la crise économique mondiale : « Nous pouvons collectivement perdre la boussole morale sans même nous en rendre compte. »

A quel type de journaliste a-t-on affaire qui, dans le contexte de la plus grande crise du capitalisme mondial depuis la Deuxième Guerre mondiale, trouve un plaisir particulier à admirer les restes canins d’une monarchie vouée à l’échec et méprisée ? Il semble que Cohen fait de son mieux pour prouver que – dans cet ordre social – la crasse monte à la surface et la racaille aux échelons les plus élevés.

(Article original paru le 19 octobre 2010)

Untitled Document

Haut

Le WSWS accueille vos commentaires


Copyright 1998 - 2012
World Socialist Web Site
Tous droits réservés