Une grève des dockers et des agents portuaires des terminaux de la ville de
Marseille, contre la privatisation et les coupes dans les retraites bloque
les navires et l'approvisionnement en carburant. Les travailleurs luttent
contre les projets de coupes dans les retraites et la semi-privatisation des
ports négociés entre les patrons, le syndicat CGT (Confédération générale du
travail) et les représentants des collectivités territoriales.
Cinquante trois navires, dont trente-cinq pétroliers étaient bloqués ce
week-end au large de Marseille, attendant d'être déchargés. Ce sont les 224
agents du terminal pétrolier de Fos-Lavéra Marseille, centre international
de transbordement et de raffinage de pétrole brut importé, qui sont à la
pointe du mouvement. Il est prévu d'ouvrir leur section du port à des
entreprises du secteur privé.
La grève stoppe aussi le commerce entre la France et l'Afrique du nord.
Le journal algérien El Watan écrit: « Selon Marfret, entreprise de transport
maritime, le commerce avec le Maghreb est presque entièrement stoppé. La
troisième plus importante compagnie maritime d'affrètement CMA-CGM a dit
qu'elle souhaitait 'limiter ses escales au port de Marseille pour les
navires en route vers l'Afrique du nord à une escale sur cinq programmées.'
L'Algérie arrive en deuxième place des clients les plus importants du port
de Marseille. »
Les travailleurs du port de Marseille sont en grève depuis le mois de
juillet contre les changements proposés concernant leur statut. Les
syndicats maintiennent les divisions de longue date entre les dockers et les
agents des terminaux; les dockers font grève les jours pairs et les agents
des terminaux font grève les jours impairs. Ils font aussi grève deux jours
par mois contre les coupes de Sarkozy dans les retraites, dockers et agents
des terminaux se relayant.
Depuis l'été, les représentants de la CGT ont aussi cessé de s'opposer à
la victimisation des travailleurs concernant le choix des vêtements de
protection portés dans les zones de déchargement. Des travailleurs sont
passés en conseil de discipline sur cette question, ce qui est une nouveauté
dans les ports.
Les représentants CGT du port essaient de convaincre les travailleurs
d'accepter les changements juridiques proposés, si des concessions sont
faites sur la législation concernant la retraite anticipée. Actuellement, la
« réforme » dit que les travailleurs doivent avoir accompli 20 années de
travail physique sur les docks pour prétendre à une retraite anticipée pour
raison de pénibilité du travail, une condition que les travailleurs
portuaires n'acceptent pas.
La récente déclaration du dirigeant de la CGT Bernard Thibault a
clairement fait entendre que la CGT n'a aucune intention d'exiger un retrait
des coupes dans les retraites en utilisant la menace d'un blocus du port. Il
a dit: « Le blocage des transports, c'est pas compliqué du tout, on sait
faire. Mais ce n'est pas notre stratégie syndicale. Notre stratégie repose
sur la masse des travailleurs engagés dans une lutte. » (11 septembre)
Néanmoins, la grève a déjà substantiellement perturbé l'approvisionnement
du pétrole. Les raffineries de pétrole de Marseille ont été contrainte de
réduire leur taux de production. Six raffineries sur les douze que compte la
France ont réduit leur production. Déjà la Corse, île française en
Méditerranée, est à court de carburant. Jean-Louis Schilansky, porte-parole
de l'Union française des industries pétrolières (UFIP) a estimé que «Le sud-
est pourrait donc connaître des problèmes d'approvisionnement en carburant
aux alentours du 20 octobre. »
Quatre raffineries sont approvisionnées par le pipeline pétrolier
européen qui passe par Lyon et la région du Bas-Rhin à l'est de la France.
En tout, cela représente 40 pour cent de la capacité de raffinage de la
France. Pour face face à la situation, le ministre de l'Environnement et de
l'Energie a autorisé les camions-citerne à rouler le dimanche sur l'ensemble
du réseau routier français.
Les contrats à terme de gasoil sur le marché Intercontinental ont
augmenté de 6 pour cent depuis le début de la grève. Le prix du gasoil
disponible a grimpé de 8 pour cent depuis que la grève a commencé le 27
septembre.
Selon l'agence Reuters, « les marchands de carburant en Méditerranée ont
des difficultés à honorer leurs contrats d'approvisionnement à long terme
vers l'Afrique et le Moyen-Orient. » Le prix du Brent a atteint 85,29
dollars le baril et le prix du brut américain a atteint 83,33 dollars la
semaine dernière. Un dollar faible, l'espoir d'un assouplissement
quantitatif (c'est à dire que la Réserve fédérale américaine fera tourner la
planche à billets) et la fermeture du Houston ship channel la semaine
dernière, ont contribué à faire grimper le prix du pétrole à un seuil qui
n'avait pas été atteint ces cinq derniers mois.
L'attitude des agents portuaires de Marseille est le signe de la montée
de la colère et de l'opposition de la classe ouvrière à de tels programmes
d'austérité. Le projet de loi reportant à 62 ans l'âge légal de départ à la
retraite a été voté à l'Assemblée nationale et au Sénat.
Quatre mille femmes travaillant dans les cantines de Marseille sont en
grève depuis 10 jours, provoquant la fermeture de 200 cantines. Leur salaire
mensuel en début de carrière est de 1 000 euros et elles sont allées parler
avec les parents d'élèves pour les informer que la pitance qu'elles
recevront en guise de retraite s'élèvera à 700 euros.
Les caissières des supermarchés Monoprix de Marseille sont en grève
depuis le 17 septembre pour réclamer une hausse de salaire. La moitié de ces
travailleurs en sont réduits à ne travailler qu'à mi-temps.
Plus de 70 pour cent des personnes interrogées dans de récents sondages
pensent que la lutte contre les coupes dans les retraites est juste et
devrait se durcir. Le sondage IFOP-Paris-Match a confirmé que dans le
soutien public aux grèves, « Le soutien ne faiblit pas... et cela inclut
toutes les catégories mis à part les sympathisants de l'UMP. »