France: Les questions politiques qui se posent dans la lutte contre la
politique d'austérité de Sarkozy
Par Alex Lantier
15 octobre 2010
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Le WSWS demande aux travailleurs de télécharger
ce tract et de le distribuer dans leurs lieux de travail et dans les
manifestations
La journée d'action du 12 octobre en France a mis en évidence
l'opposition puissante, au sein de la classe ouvrière, aux attaques du
président Nicolas Sarkozy contre les retraites. Une mesure phare en est le
report de deux ans de l'âge de départ à la retraite. Avec une nouvelle
journée d'action prévue et des pénuries de carburant qui se développent
rapidement en raison de la grève des raffineries, le soutien populaire est
toujours massif pour la grève contre ces coupes. D'après les sondages, 61
pour cent de la population sont favorables à une action de grève dans la
durée.
Le gouvernement poursuit sa politique avec un mépris flagrant de
l'opinion publique et des droits démocratiques. Tout comme le ciblage
fascisant des Roms par Sarkozy et la participation de la France à la guerre
en Afghanistan, les coupes dans les retraites ont été passées en force par
le Parlement en dépit d'une opposition populaire très large. Sarkozy a dit
très clairement qu'il ne reculera pas, déclarant qu'il ira « jusqu'au
bout » sur les retraites.
L'antagonisme irréconciliable entre les exigences des banques, qui
dictent la politique des gouvernements bourgeois, qu'ils soient soi-disant
de « gauche » ou de droite, et les besoins sociaux de la classe ouvrière, se
révèle être la principale caractéristique de la vie politique. Les
travailleurs rejettent la perspective de travailler pour de maigres salaires
jusqu'à leur mort. Mais la Banque centrale européenne (BCE), le Fonds
monétaire international (FMI) et le gouvernement français ont clairement dit
que cette réduction des retraites ne représente qu'une partie des coupes
visant à augmenter la profitabilité et la compétitivité des grandes
entreprises et à imposer le coût du renflouement des banques à la classe
ouvrière.
Deux ans après le début de la crise économique, un bilan politique doit
être établi. Après avoir donné des centaines de milliards d'euros aux
banques, les gouvernements de toute l'Europe ont fait passer en force des
coupes sociales, des fermetures d'usines et des réductions de salaire. Les
manifestations et l'opposition populaires n'ont pourtant pas manqué, mais
les classes dirigeantes ont en grande partie réussi à imposer leur volonté à
la classe ouvrière.
C'est à cause de la trahison des syndicats et de leurs alliés, les partis
«de gauche.» La condition préalable nécessaire au développement d'une lutte
réelle par la classe ouvrière est une rupture avec ces organisations.
Le Parti socialiste (PS), le Parti communiste français (PCF), le Nouveau
parti anticapitaliste (NPA) petit-bourgeois, et les syndicats caressent tous
l'espoir que Sarkozy modifiera ses attaques s'il y a suffisamment de
travailleurs dans les manifestations. Cette perspective s'est révélée être
une impasse pour la classe ouvrière en France – tout comme en Grèce, en
Espagne, au Portugal et ailleurs.
Alors même qu'ils appellent à des manifestations, les syndicats négocient
les termes de ces coupes sociales avec Sarkozy. Quant aux partis «de
gauche,» ils maintiennent tous « l'unité dans la lutte » avec le PS, un
parti ouvertement pro-capitaliste. Le candidat probable de ce parti à la
présidentielle de 2012 est Dominique Strauss-Kahn, le directeur du FMI, qui
a publié un rapport la semaine dernière faisant l'éloge de la réforme des
retraites voulue par Sarkozy.
Une confrontation politique se prépare entre la classe ouvrière et cet
establishment «de gauche» en faillite.
En reconduisant leur grève, les travailleurs français s'efforcent de
briser le carcan des journées d'action isolées et rituelles, par lesquelles
les syndicats cherchent à contenir et disperser l'opposition de la classe
ouvrière. La grève qui se poursuit dans les raffineries montre que les
travailleurs ont un pouvoir social énorme, et un nombre croissant de
travailleurs veut déployer ce pouvoir contre les banquiers et le
gouvernement.
Cela mène les travailleurs à une collision frontale avec les syndicats et
crée les conditions nécessaires à une rébellion contre eux. Il est
nécessaire de renforcer et d'élargir cette révolte naissante, et de l'armer
avec de nouvelles structures organisationnelles et une nouvelle perspective
politique.
Le World Socialist Web Site propose que les travailleurs forment des
comités d'action, indépendants des syndicats, sur leur lieu de travail. Le
but de ces comités sera de mener à la fois des grèves et une lutte politique
contre les patrons et l'Etat.
Étant donné le soutien populaire massif en faveur des actions de grève
contre les coupes et le ferment politique qui se développe parmi les
étudiants et d'autres couches de la population, la tâche politique centrale
du comité d'action est de préparer une grève générale. Le but déclaré d'une
telle grève doit être le renversement du gouvernement Sarkozy.
Les besoins sociaux et politiques du peuple ne peuvent être satisfaits
que si le gouvernement qui émerge de cette lutte s'appuie sur la classe
ouvrière et se consacre à appliquer un programme socialiste, comprenant
l'expropriation des fortunes privées des ultra-riches, la nationalisation
des banques et des grandes entreprises et leur transformation en entreprises
publiques sous le contrôle démocratique de la population laborieuse.
L'aristocratie financière mène une guerre de classe de manière
centralisée, avec la collaboration des gouvernements, des banques, de la
BCE, et du FMI sans s'arrêter aux frontières nationales pour préparer et
mettre en oeuvre des coupes sociales, des licenciements massifs et des
réductions de salaire. En dépit des conflits qui se font de plus en plus
âpres entre classes dirigeantes des différents pays, elles sont toutes unies
pour attaquer la classe ouvrière.
Les luttes des travailleurs seront inévitablement vaincues tant qu'elles
ne prendront pas, elles aussi, une forme coordonnée et internationale. La
politique de Sarkozy en France n'est pas fondamentalement différente de la
politique d'austérité des gouvernements de par l'Europe et l'Amérique du
Nord. Un appel à la solidarité de classe internationale, lancé par les
travailleurs qui luttent contre la politique d'austérité en France, recevra
un soutien énorme à travers le monde.
La lutte pour défendre les conditions sociales des travailleurs dans
n'importe quel pays est inséparable de la lutte contre le nationalisme et
les préjugés anti-immigrés. Il faut rejeter fermement toutes les tentatives
des gouvernements, des syndicats et des partis politiques de canaliser
l'opposition sociale sur des lignes nationalistes et de monter les
travailleurs d'un pays contre leurs collègues des autres pays.
Le WSWS en appelle aux travailleurs de France pour qu'ils élargissent et
approfondissent la lutte contre les réformes de Sarkozy, et forment des
comités d'action pour se défaire du poids mort des syndicats et ouvrir la
voie à une lutte politique pour un gouvernement des travailleurs et pour la
transformation socialiste de l'Europe et du monde.
(Article original paru le 14 octobre 2010)