Des conflits surgissent
au sein de la coalition de la « gauche » petite bourgeoise grecque
SYRIZA au sujet de la nomination d’un responsable de haut rang du PASOK,
Alexis Mitropoulos, comme son candidat pour les élections régionales de
novembre à Attica. La région d’Attica dont Athènes, capitale de la Grèce,
fait aussi partie, représente plus de la moitié de la population du pays.
L’ancien dirigeant de la SYRIZA, Alekos Alavanos, avait annoncé le 9
septembre son intention de lancer une campagne concurrentielle.
La SYRIZA se rapproche ouvertement du PASOK alors même que
le gouvernement PASOK du premier ministre Georges Papandreou a réagi à la dette
grecque en lançant des attaques draconiennes contre la classe ouvrière. En
échange d’un plan sauvetage commun, du Fonds monétaire international
(FMI) et de l’Union européenne (UE), Papandreou a réduit radicalement les
salaires et les dépenses sociales en produisant ainsi une réduction moyenne de
30 pour cent du niveau de vie des travailleurs. Le fait que la SYRIZA choisisse
un tel moment pour approfondir ses liens avec PASOK révèle son caractère
droitier.
Alexis Tsipras, le dirigeant de la SYRIZA et de
Synaspismos, le plus grand groupe au sein de la SYRIZA, a attaqué la décision
d’Alavanos comme étant une « tentative sans précédent d’un
responsable de gauche d’imposer sa candidature par le chantage. »
Tsipras a suggéré qu’il ne ferait pas de concessions à une opposition
interne à la candidature de Mitropoulos en vue de préserver l’unité du
parti. « Chacun peut agir selon sa volonté et être responsables de ses
actes », a-t-il dit.
Alexis Mitropoulos est un professeur de droit en vue et un
membre fondateur de PASOK. Dans les années 1980, sous le gouvernement du père
de l’actuel premier ministre, Andreas Papandreou, il avait eu pour tâche
d’élaborer le cadre juridique relatif à la politique sociale et du
travail.
En mars 2008, il fut élu au conseil national du parti. Il
avait déclaré au début du mois qu’il ne participerait pas aux activités
du conseil en protestation contre la « politique néolibérale » du
gouvernement. Cependant, il est resté au conseil du PASOK alors même que
Synaspismos avait soutenu officiellement sa candidature.
Mitropoulos a annoncé le 13 septembre qu’il se
présenterait, en même temps que plusieurs autres membres du PASOK, sur la
plateforme d’un « Mouvement indépendant pour Attica ». Les circonstances de la candidature de Mitropoulos suggèrent
qu’il pourrait bénéficier d’un soutien tacite de la direction du
PASOK. Ce n’est que deux jours après son annonce que PASOK publia un
communiqué officiel sur Mitropoulos et ce, une fois son
adhésion suspendue et en dépit du fait que la SYRIZA l’ait déjà
ouvertement courtisé pendant plus d’un mois. Son accueil —
c’est-à-dire le fait qu’il n’ait pas été exclu
— correspond à une simple tape sur les doigts.
Avant de nommer Mitropoulos, Synaspismos avait clairement
fait savoir qu’il voulait présenter comme son candidat un membre de haut
rang du PASOK. Avant de contacter Mitropoulos, Tsipras avait contacté Sofia
Sakorafa, une ancienne championne du lancer du javelot et député du PASOK ainsi
que le président du syndicat des fonctionnaires ADEDY, Spyros Papaspyrou, qui
est également un membre du PASOK. Tous deux ont décliné l’offre.
La tentative de Synaspismos de trouver un candidat a pris
une tournure ridicule au début du mois lorsque Tsipras a demandé au membre de
la résistance Manolis Glezos âgé de 88 ans d’être candidat. Glezos a
refusé en soutenant à la place l’ancien dirigeant de la SYRIZA Alavanos
qui avait déjà laissé entendre son intention d’être candidat.
Alavanos ne représente aucune alternative à la politique
droitière de Tsipras et de l’actuelle direction de la SYRIZA. Il se
présente sur un programme de « Front pour la solidarité et le
renversement », un groupe qu’il avait créé au début de l’année
comme nouveau pôle d’attraction pour des groupes d'ex-radicaux petits
bourgeois.
Alavanos est issu d’une dynastie politique de longue
date basée sur l’île de Ténos. Son père et son grand-père avaient tous
deux siégé au parlement. En tant que dirigeant de la SYRIZA et président
du Synaspismos, il avait adopté une politique similaire à celle de Tsipras, en
proposant de collaborer avec le PASOK en 2008. Quatre factions de la SYRIZA
dont l’organisation communiste maoïste de Grèce, soutiennent sa
candidature.
Alavanos essaie pour l’heure de présenter le PASOK
comme un parti ayant temporairement abandonné son caractère droitier. Dans une
récente interview télévisée, il a dit, « [N]ous avons un gouvernement qui
a avancé un programme et qui maintenant applique quelque chose de tout à fait
différent. » Alavanos a déploré « l’effondrement du pouvoir
populaire. »
A un moment où les travailleurs se rendent compte que les
promesses électorales de Papandreou d’accroître les dépenses sociales
sont des mensonges, et que l’ensemble de l’establishment
politique est regroupé contre eux, les affirmations d’Alavanos
représentent une tentative de rétablir des illusions réformistes.
La plupart des commentateurs de presse parlent d’une
scission de facto de la SYRIZA. Un éditorial dans le Kathimerini déclare, « Pour la gauche, il est clair qu’après les annonces faites par
Mitropoulos et Alavanos, l’éclatement de la SYRIZA est maintenant un fait
et les deux plateformes électorales sont un précurseur de la formation de
nouveaux groupements politiques. »
Une telle scission ne se ferait pas sur la base de
principes. Alavanos ne se préoccupe nullement de rassembler une opposition
contre le PASOK, mais cherche plutôt à maintenir une certaine crédibilité pour
la soi-disant « gauche ». Il n’a aucune
différence politique fondamentale avec Mitropoulos ou Tsipras.
Les deux candidats, Mitropoulos et Alavanos,
promeuvent le nationalisme. Dans un discours prononcé la semaine passée,
Alavanos a accusé le gouvernement de « remettre le pouvoir à des
étrangers, le FMI et l’UE ». Dans une interview
accordée au journal de Synaspismos, Avghi, Mitropoulos a promis de
« renforcer la fierté et la dignité de notre peuple en recourant à notre
position géopolitique et nos ressources nationales ».
Le caractère de classe de la politique de la SYRIZA est
tellement évident que le principal parti droitier de la Grèce, la Nouvelle
Démocratie (ND), la considère comme un allié crédible. Le quotidien Eleftherotypia a écrit le mois dernier que le dirigeant de ND,Antonis
Samaras, comptait « réunir le Parti communiste [stalinien] grec, une
section de la SYRIZA et des parties du [parti néo-fasciste] LAOS contre le
PASOK ».
Les manifestations syndicales inefficaces de 24 heures et
que la SYRIZA a soutenues n’effraient pas la ND.
Selon Eleftherotypia, Samaras, le
dirigeant de la ND prévoit son « offensive de charme » pour
précisément le moment où la SYRIZA et le Parti communiste effectueront leurs
« exercices révolutionnaires ».
Les tentatives désespérées de la SYRIZA de
s’associer au PASOK prouvent son nouveau virage à droite depuis que le
l’Aile novatrice (Renewal Wing, RW) a quitté ses
rangs en juillet. Depuis, l’Aile novatrice a formé
le parti Gauche démocratique (Democratic Left, DL) sous la direction de Fotis
Kouvelis.
Au moment de la scission, Kouvelis avait déclaré :
« Nous voulons une gauche qui ne considère pas qu’il soit légitime
de défendre tous les droits acquis des travailleurs, ni de céder aux exigences
des syndicats et des associations en échange de gains politiques
insignifiants. » Il réagissait en cela à la mise en place du fonds de
stabilisation européen qui a signalé que les mesures d’austérité de
Papandreou seraient soutenues par le FMI et l’UE. Sur cette base, il
voulait instaurer des liens plus étroits avec le PASOK afin de contribuer à
l’application des coupes.
Kouvelis et son parti nouvellement formé de la Gauche
démocratique (DL) ont conclu depuis un accord avec le PASOK pour les élections
locales avec des candidats d’Athènes, de Volos et de Thessalonique et qui
figurent sur un bulletin de vote commun. Papandreou a qualifié le partenariat
avec DL de « stratégique ».
A la question de savoir si des postes gouvernementaux
iraient aux membres de DL, Papandreou a dit que le partenariat sera poursuivi.
En faisant remarquer l’importance de « l’alibi de
gauche » procuré par Kouvelis à Papandreou, un article paru dans le
journal en ligne Zoomnews.gr s’est demandé « quand la date
du mariage sera annoncée maintenant que les fiançailles ont été
célébrées ».
Tsipras est à présent en train de répéter les arguments de
base qui sous-tendent la démarche de RW en faveur d’une position
ouvertement pro-austérité et pro-PASOK. Dans une interview radiophonique du 14
septembre, Tsipras a parlé d’une « nouvelle situation existant dans
le pays et définie par la présence du FMI et qui a entraîné une restructuration
du paysage politique du pays, y compris dans la Gauche. »
Ces positions contredisent toutes les affirmations des
ex-radicaux petits bourgeois qu’avec le départ de Kouvelis, SYRIZA
pourrait à présent opérer un virage à gauche. Au sein de SYRIZA, de telles
positions étaient représentées par Xekinima, la section grecque du Comité pour
une Internationale ouvrière (Voir, « Grèce: Que
se cache-t-il derrière la scission de l’aile droite de SYRIZA ?
. »
Une position identique avait été avancée par SEK, le parti
frère du Socialist Workers Party en Grande-Bretagne et un membre de la
coalition « anticapitaliste » grecque ANTARSYA. En qualifiant le
départ de RW comme « positif », le journal du SEK, Socialism From
Below (« Le socialisme d’en bas »), a écrit :
« si ce n’est pas l’ensemble de SYRIZA qui virera à gauche,
alors cela pourra être au moins sa tendance de gauche. »
En fait, la logique des positions de SYRIZA,
et l’identité de son candidat à Attica, suggère
qu’elle suivra le RW dans une alliance plus explicite avec le PASOK
contre la classe ouvrière.