Dimanche dernier, Jean-Luc Chauvin, président de la région PACA du Medef, a
appelé à la mobilisation de l'armée et de la gendarmerie pour démanteler le
blocage causé par une grève de grutiers dans les terminaux pétroliers du
port de Fos-Lavéra près de Marseille dans le sud de la France.
Dans une conférence de presse lundi donnée à la télévision régionale sur
FR3, Chauvin a déclaré, « On demande l'intervention des forces de l'ordre,
on demande que l'Etat fasse le nécessaire pour débloquer le port... »
Au moment où ces lignes sont écrites, la déclaration provocatrice de
Chauvin n'a pas été largement médiatisée. La CGT (Confédération générale du
travail, proche du Parti communiste) qui contrôle la majorité de la main
d'oeuvre du port n'a pas fait de déclaration publique.
Les déclarations de Chauvin sont un moyen de prendre la température, de
voir comment différentes sections de l'establishment politique, dont les
syndicats, les médias et les partis petits-bourgeois tels le Nouveau parti
anticapitaliste (NPA), réagiront à des menaces d'action armée contre les
travailleurs. Que la classe dirigeante ait recours à de telles stratégies
est un avertissement sérieux pour tous les travailleurs.
Cela participe d'une tendance qui se généralise en Europe. Déjà, le
gouvernement social démocrate du premier ministre grec Giorgios Papandreou a
utilisé l'armée en août dernier pour briser la grève des camionneurs contre
les mesures d'austérité. Les syndicats et les partis petits-bourgeois
anciennement de gauche ont capitulé devant Papandreou. Le président du
syndicat grec des camionneurs Georgios Tzortzatos a dit sur Alter
télévision, « Nous sommes à présent les soldats de l'Etat grec et nous
attendons nos ordres. »
Le gouvernement socialiste espagnol de José Luis Zapatero a menacé
d'utiliser l'armée contre les travailleurs du métro de Madrid et les
aiguilleurs du ciel.
Les déclarations de Chauvin indiquent que la classe ouvrière adoptera
aussi de telles tactiques dans les pays européens plus riches. Chauvin est à
l'initiative d'une association de patrons marseillais appelée « Touche pas à
mon port. » Cette association a publié une publicité d'une page entière dans
le quotidien économique Les Echos, se moquant des dockers et portant le
titre ironique de « The best job in the world » (Le meilleur emploi au
monde.)
Les 224 agents des terminaux de Fos-Lavéra sont en grève depuis le 27
septembre contre un projet prévoyant de créer une filiale indépendante pour
le terminal, qui fait aujourd'hui partie du complexe portuaire, en grande
partie public, de la ville de Marseille. Ce serait un premier pas vers la
privatisation.
Le reste des travailleurs du port de Marseille sont aussi en lutte contre
les coupes dans les retraites et la réforme portuaire en cours. (Voir: La
grève de Marseille frappe le transport maritime en Méditerranée et
l'approvisionnement de pétrole)
Ceci fait partie du mouvement de masse de grèves et de manifestations de
millions de travailleurs et de jeunes contre les coupes dans les retraites
et le programme d'austérité du président Nicolas Sarkozy. Les coupes vont
faire passer de 60 à 62 ans l'âge légal de départ à la retraite et de 65 à
67 ans l'âge où il sera possible de prendre sa retraite sans décote.
La grève dans le port a un impact puissant. Elle perturbe
l'approvisionnement de pétrole à la Corse et dans d'importantes régions du
sud de la France et elle stoppe une bonne partie de la circulation maritime
de la Méditerranée occidentale. L'agence Reuters rapporte que les marchands
de gasoil sur la Méditerranée « ont des difficultés à honorer leurs contrats
à long terme vers l'Afrique et le Moyen-Orient. »
Exaspéré par le puissant impact de la grève et craignant la montée de
l'opposition sociale, Chauvin a lancé une attaque grossière contre les
grutiers, prétendant qu'ils fournissent peu de travail et ce pour un salaire
fort élevé. Il les a critiqués avec arrogance parce qu'ils insistent pour
garder leur retraite à 55 ans. En fait les sondages indiquent que 68 pour
cent de la population française soutiennent les grèves pour la défense des
retraites.
Chauvin a exprimé son indignation de voir les travailleurs oser défier l'Etat
et les patrons: « Pascal Galéoté (secrétaire général CGT des agents du Port)
prend en otage toute une population de Marseillais, de Provençaux, de
Lyonnais et bientôt d'Alsaciens en faisant ce conflit du pétrole. Il fait en
sorte de faire céder l'Etat, donc je ne sais pas de quel côté est la
provocation. »