Le 12 octobre, des millions de travailleurs et d'étudiants sont descendus
dans la rue dans toute la France pour protester contre les coupes dans les
retraites, mises en place par le président Nicolas Sarkozy. Quasiment tous
les secteurs industriels, du privé comme du public, étaient en grève. Selon
les estimations des syndicats autour de 3,5 millions de personnes ont défilé
dans toute la France dans 250 manifestations.
La manifestation d'Amiens
La manifestation du 12 octobre était la quatrième et la plus importante
mobilisation contre les coupes dans les retraites depuis le début du mois de
septembre. Les syndicats ont appelé à une nouvelle journée d'action samedi
prochain. Cette journée d'action était appelée par les principaux syndicats,
notamment la CGT (Confédération générale du travail) liée au Parti
communiste stalinien et la CFDT (Confédération française démocratique du
travail) liée au Parti socialiste. Il y avait cette fois de gros contingents
de lycéens et d'étudiants, et plus de 300 lycées étaient bloqués et en
grève.
Les attaques contre les retraites font passer de 60 à 62 ans l'âge légal
de départ à la retraite, et de 65 à 67 ans l'âge de départ à la retraite
sans décote. Les manifestations se sont déroulées après que le Sénat a
approuvé ces deux mesures clé. Le débat sur l'ensemble du projet de loi
s'achèvera d'ici la fin du mois.
La manifestation de Marseille
Une menace pèse toujours sur l'économie avec la grève qui se poursuit
dans le port de Marseille et qui empêche des dizaines de pétroliers de
décharger leur cargaison, provoquant un risque de pénurie. Onze des douze
raffineries françaises sont touchées. Certains secteurs ont voté la
reconduction de la grève, dont les transports en commun et l'énergie.
Malgré une participation record et le soutien massif de la population, un
sondage donne 69 pour cent de soutien pour les grèves, le gouvernement a
promis de tenir bon. Il compte sur les syndicats pour empêcher que la montée
du mécontentement et de la détermination à lutter de la classe ouvrière ne
trouvent une expression politique réelle.
Le 13 octobre, Sarkozy a exclu toute concession sur la réforme des
retraites: «Il est normal que cette réforme crée des mécontentements, des
frustrations mais dans quelques années, on se rendra compte qu'on a sauvé le
régime (de retraite) par répartition. »
Des sympathisants du WSWS sont intervenus dans plusieurs manifestations à
travers le pays, distribuant un tract intitulé « La lutte contre l'austérité
sociale requiert une nouvelle perspective socialiste. »
Des manifestants ont fait part de leur colère devant ces coupes et ont
appelé à reconduire la grève jusqu'à ce que le gouvernement retire son
projet de loi.
A Marseille, dockers et agents des ports autonomes étaient dans la
manifestation ainsi que des infirmières et des agents de la sécurité
sociale. Ce qui ressortait aussi de la manifestation et des interviews c'est
que les gens étaient venus manifester en sachant que les mobilisations d'une
journée ne sont pas efficaces mais s'y rendaient par devoir.
Eddie dans la manifestation de Marseille
Eddie, 18 ans, en seconde année de mécanique a dit, « J'espère que cela
est possible de lutter contre Sarkozy sur la rigueur après ils ont des
arguments nous aussi mais on est pas assez entendu. La politique de Sarkozy
s'appuie en matière de répression sur des faits divers. »
Il a expliqué: « Sarkozy va agir sur les lois mais il faut réprimer la
source du problème. Les gens sont violent parce qu'ils vivent dans la
misère. Pour les retraites, il mène la même politique que les autres pays.
Dans notre pays on a le nombre d'enfants par femme le plus important
d'Europe. Il n'y a pas de problème pour la pérennité du régime des
retraites. La productivité a été multipliée par 4 et elle augmente. Il y a
de l'argent mais il faut qu'il soit redistribué aux salariés et au régime
des retraites au lieu de le donner aux actionnaires. »
Olivier, 24 ans, étudiant en informatique a dit, « Les syndicats depuis
le début du mandat de Sarkozy changent un peu. Quand il y eu la grève des
cheminots, la CGT a appelé à arrêter le mouvement, les taxis se font
attaquer ; les magistrats aussi et les syndicats ne disent rien, ils ne font
pas leur boulot. Aujourd'hui, il y a du mouvement mais on sait que l'on va
se faire lâcher par les syndicats comme ce fut le cas pour le CPE. Le
gouvernement a fait un pas en arrière et après deux en avant. Les syndicats
dès les premiers mouvements on lâché. »
Olivier a dit qu'il serait préférable de « jeter les directions
syndicales pour avoir un vrai syndicat qui défend l'intérêt du peuple. »
Un membre des Verts a dit: « Pour faire reculer Sarkozy, il faudrait plus
de monde et des gens pas syndiqués. Je suis foncièrement contre les
politiques anti-immigrés entre autres de Sarkozy. Les chasses aux Roms sont
purement électoralistes. »
Une partie de la manifestation parisienne
A Paris, Hugo et Julien, tous deux lycéens, ont dit qu'ils ne pensaient
pas que le gouvernement reculerait. Malgré les manifestations et les grèves
contre la réforme du Lycée, le gouvernement l'avait fait voter. Ils ont dit
espérer poursuivre la grève pour « mettre l'économie en péril. »
Davoux, cheminot et syndiqué à SUD a dit, « Sarkozy attaque nos
acquis sociaux; il faut les défendre. La France est assez riche pour
financer les retraites. Le gouvernement reste très ferme et refuse de
négocier. »
Il a poursuivi, « Il faut reconduire la grève pour que le gouvernement
fasse de vraies concessions. Le but c'est de conserver à 60 ans l'âge de la
retraite. Une grève générale forcerait le gouvernement à négocier. Il faut
mobiliser le secteur privé; le problème c'est qu'ils ont peur de perdre leur
emploi et de perdre de l'argent quand ils font grève. »
A Amiens, plus de 10 000 personnes ont manifesté. Presque tous les lycées
de la ville et des alentours étaient bloqués et en grève et des milliers de
lycéens et d'étudiants étaient dans la rue, certains scandaient: « Aux
armes! »
Magid, technicien chez Goodyear depuis 11 ans était venu avec son fils.
Il a dit, « Je ne suis pas syndiqué, mais je demande que les syndicats
organisent une grève générale. Cela ne peut pas venir juste des lieux de
travail. La gauche et le PS ne prévoient pas de renverser le capitalisme, et
je suis contre la vision nationaliste de la CGT. Un gouvernement PS ferait
la même chose que [le gouvernement social-démocrate de] la Grèce: il
imposerait l'austérité pour rembourser les banques. »