Le
mouvement de grève en France contre les coupes dans les retraites, imposées par
le président Nicolas Sarkozy, est à un moment politiquement décisif. Malgré la
profonde impopularité de Sarkozy et l'hostilité de masse envers les mesures
d'austérité, le gouvernement renforce son offensive exigeant que les
travailleurs se plient au vote du Sénat entérinant le projet de loi sur les
retraites.
La
raison principale de cet état de fait est la traîtrise des syndicats et des
soi-disant partis de « gauche. » En pleine campagne médiatique de
pression sur les travailleurs pour qu'ils abandonnent la lutte, les
représentants syndicaux signalent qu'ils veulent mettre fin aux grèves. Sur
France 2 lundi soir, le dirigeant de la CGT (Confédération générale du travail)
a déclaré qu'à partir de maintenant l'opposition « prendra d'autres
formes. »
Le
dirigeant de la CFDT (Confédération française démocratique du travail) François
Chérèque a ajouté que les coupes de Sarkozy sont « toujours
perfectibles »et que comme « le débat parlementaire va se terminer,
on sera dans une autre optique évidemment. »
La
ministre de l'Economie Christine Lagarde a salué les remarques des syndicats
hier, disant qu'elle pensait que la lutte était à un « tournant. »
Les représentants de l'Etat et les dirigeants syndicaux espèrent tous que les
grévistes, politiquement isolés et subissant des pertes de salaire, seront
contraints de reprendre le travail.
Les
bureaucrates syndicaux sont en train de trahir éhontément les grèves bien
qu'elles continuent d'avoir un impact économique puissant. Les ports restent
fermés, les travailleurs municipaux et des transports continuent leur grève et
la plupart des raffineries françaises sont toujours en grève malgré des raids
répétés de la police pour briser les blocages et forcer les travailleurs à
reprendre le travail. Plus de 70 000 jeunes ont manifesté mardi contre les
coupes de Sarkozy et quelque 25 pour cent des stations-service du pays sont
toujours à sec.
L'abandon
des grévistes par les syndicats est tout à fait en accord avec la politique de
protestation vouée à l'échec qu'ils mettent mis en avant depuis le début,
conjointement avec les partis soi-disant de « gauche. »
Ces
forces ont défini les grèves comme étant une tentative de faire pression sur
Sarkozy et le Sénat pour qu'ils renégocient les coupes avec les syndicats. Ils
se sont opposés à une grève de masse visant, non pas à faire pression sur le
gouvernement, mais à le vaincre et à le renverser. Et ceci malgré le soutien
populaire massif pour le mouvement de grève et l'effondrement du soutien à
Sarkozy.
Il ne
fait pas de doute que les syndicats ont été en contact permanent avec le
gouvernement, discutant en coulisses du meilleur moyen de réduire le mouvement
de masse et de le rappeler à l'ordre. Ils ont déjà signalé leur volonté
de capituler lorsqu'ils ont refusé de mobiliser la classe ouvrière contre les
actions du gouvernement visant à briser la grève des travailleurs en débloquant
les dépôts de pétrole et les raffineries.
Comptant
sur les syndicats pour contenir le mouvement, Sarkozy a tenu bon malgré la
volonté populaire. Maintenant les dirigeants syndicaux disent qu'il faut
accepter « l'inévitable. »
Si l'on
veut faire cesser cette traîtrise et faire avancer ce combat contre la
destruction du niveau de vie, les travailleurs et les jeunes doivent tirer les
leçons politiques fondamentales de ces événements. Il y a au niveau politique
une division du travail entre les syndicats, les partis de « gauche »
officiels et les partis soi-disant « d'extrême-gauche » dont la
fonction est d'étouffer la lutte de classes et de permettre à la classe
dirigeante d'imposer ses attaques.
Les
syndicats, loin de défendre la classe ouvrière, servent de rempart le plus
crucial à la bourgeoisie et à l'Etat. Ils soutiennent consciemment les efforts
de l'élite financière pour mettre tout le fardeau de la crise économique sur le
dos des travailleurs, craignant avant tout l'émergence d'un mouvement révolutionnaire
de la classe ouvrière. C'est pour cela que les syndicats s'opposent résolument
à une grève générale visant à renverser le gouvernement Sarkozy.
Les
travailleurs ont démontré leur frustration et leur aliénation grandissantes par
rapport aux syndicats et leur désir d'utiliser leur immense puissance sociale
pour lutter contre le gouvernement. Les grèves et blocages tenaces des
travailleurs pétroliers et des ports ont largement été organisés en dépit des
efforts des syndicats et non grâce à eux.
Les partis
de « gauche » officiels, Parti socialiste et Parti communiste,
travaillent étroitement avec les bureaucraties syndicales, respectivement avec
la CFDT et la CGT.
D'où la
mise en avant par les médias bourgeois des organisations petites bourgeoises,
soi-disant socialistes « d'extrême-gauche », conduites par le Nouveau
parti anticapitaliste (NPA.) Leur rôle consiste à empêcher le développement
d'une conscience politique, à insister pour dire que des protestations de masse
à elles seules feront bouger le gouvernement et la classe dirigeante et à
dissimuler la traitrise des syndicats. En tant qu'apologistes de la
bureaucratie syndicale, ils constituent un atout de plus en plus crucial de la
bourgeoisie dans la guerre qu'elle mène contre les travailleurs.
L'entière
complicité du NPA avec les efforts des syndicats pour trahir le mouvement de
grève est clairement mis en évidence par le silence du principal porte-parole
de l'organisation, Olivier Besancenot, durant ces derniers jours. Ceci est tout
à fait en accord avec le rôle du NPA consistant à désorienter et désarmer
politiquement la classe ouvrière.
Pendant ce temps, les médias bourgeois mettent en avant
des « intellectuels » du NPA pour que ces derniers prêchent
l'obéissance aux bureaucrates syndicaux et la capitulation devant Sarkozy.
Après que la CGT a annoncé qu'elle ne monterait que des protestations
« symboliques » contre les attaques de la police contre les
raffineries, l'universitaire du NPA Philippe Corcuff a dit au Monde qu'il
conseillait aux travailleurs de se limiter à des actions « ludiques.»
Les
grèves ne peuvent se poursuivre et s'élargir que sur la base d'une nouvelle
orientation politique révolutionnaire, à savoir la répudiation du vote du Sénat
et une lutte pour renverser le gouvernement Sarkozy et le remplacer par un
gouvernement de travailleurs. Ceci nécessite la rébellion des travailleurs
contre la bureaucratie syndicale et les soi-disant partis de
« gauche. »
Le World Socialist Web Site a lancé un appel aux
travailleurs pour qu'ils forment des comités d'action indépendants pour élargir
le mouvement de grève et lutter pour une offensive politique de la classe
ouvrière indépendamment de tous les partis de la bourgeoisie, ceux de la
« gauche » officielle comme ceux de droite.
Le
mouvement de grève a, avant tout, soulevé la question de la nécessité cruciale
d'une lutte pour construire une nouvelle direction révolutionnaire dans la
classe ouvrière. La grande faiblesse de ce mouvement de masse est qu'il lui
manque un programme et une perspective clairs et élaborés. Bien qu'affaibli et
isolé, le gouvernement Sarkozy a un avantage sur les travailleurs: il a un
niveau de conscience plus élevé quant à ses objectifs et ses méthodes.
Sarkozy
gouverne ouvertement et impitoyablement en tant qu'instrument du capital
financier, qui exige qu'on se débarrasse des apparencesde la démocratie
de façon à ce que le capitalisme français puisse survivre à la crise mondiale
du capitalisme en appauvrissant la classe ouvrière.
Tandis
que les Etats à travers l'Europe s'endettent massivement pour financer le
renflouement des banques et l'impact de la crise économique, ils sont de plus
en plus à la merci de leurs créanciers, c'est à dire des grandes banques et des
milliardaires qui profitent de la crise. Pour booster la compétitivité et
éviter une ruée sur ses dettes, chaque Etat est en compétition avec les autres
pour réduire son déficit en détruisant les salaires et les dépenses sociales.
En cela il jouit du soutien dans chaque pays des syndicats.
Avec les
nouvelles coupes qui devraient atteindre 81 milliards de livres sterling et
coûter un million d'emplois en Grande-Bretagne, les coupes actuelles de Sarkozy
ne sont qu'un acompte sur les attaques à venir contre la classe ouvrière
française.
Des
gouvernement totalement impopulaires ont réussi à mettre en place de telles
mesures en s'appuyant sur les syndicats et leur soutiens de
« gauche » comme remparts contre la résistance de la classe ouvrière.
Durant la crise de l'endettement en Grèce au printemps dernier, les gouvernement
socio-démocrates de Grèce et d'Espagne ont procédé à des coupes massives tandis
que les syndicats limitaient les manifestations des travailleurs à quelques
journées d'action. En Grande-Bretagne, les syndicats ont clairement laissé
entendre qu'ils n'organiseront pas d'opposition aux coupes du premier ministre
David Cameron.
Il est nécessaire que les travailleurs aient leur propre
programme révolutionnaire pour contrer le programme contre-révolutionnaire de
la classe dirigeante. Cela signifie construire une nouvelle direction
révolutionnaire.
Les tâches politiques auxquelles est confrontée la classe
ouvrière, le renversement des gouvernements du monde entier et l'expropriation
de l'aristocratie financière, impliquent le développement d'un mouvement
socialiste de masse luttant pour le pouvoir.. L'unique parti luttant pour cette
perspective est le Comité international de la Quatrième Internationale (CIQI.)
Nous encourageons fortement les travailleurs et étudiants français à lire et
contacter le World Socialist Web Site et à entreprendre la lutte pour la
construction de la nouvelle direction révolutionnaire de la classe ouvrière.