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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

France : Un moment décisif pour le mouvement de grève

Par Alex Lantier
28 octobre 2010

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Le mouvement de grève en France contre les coupes dans les retraites, imposées par le président Nicolas Sarkozy, est à un moment politiquement décisif. Malgré la profonde impopularité de Sarkozy et l'hostilité de masse envers les mesures d'austérité, le gouvernement renforce son offensive exigeant que les travailleurs se plient au vote du Sénat entérinant le projet de loi sur les retraites.

La raison principale de cet état de fait est la traîtrise des syndicats et des soi-disant partis de « gauche. » En pleine campagne médiatique de pression sur les travailleurs pour qu'ils abandonnent la lutte, les représentants syndicaux signalent qu'ils veulent mettre fin aux grèves. Sur France 2 lundi soir, le dirigeant de la CGT (Confédération générale du travail) a déclaré qu'à partir de maintenant l'opposition « prendra d'autres formes. »

Le dirigeant de la CFDT (Confédération française démocratique du travail) François Chérèque a ajouté que les coupes de Sarkozy sont « toujours perfectibles »et que comme « le débat parlementaire va se terminer, on sera dans une autre optique évidemment. »

La ministre de l'Economie Christine Lagarde a salué les remarques des syndicats hier, disant qu'elle pensait que la lutte était à un « tournant. » Les représentants de l'Etat et les dirigeants syndicaux espèrent tous que les grévistes, politiquement isolés et subissant des pertes de salaire, seront contraints de reprendre le travail.

Les bureaucrates syndicaux sont en train de trahir éhontément les grèves bien qu'elles continuent d'avoir un impact économique puissant. Les ports restent fermés, les travailleurs municipaux et des transports continuent leur grève et la plupart des raffineries françaises sont toujours en grève malgré des raids répétés de la police pour briser les blocages et forcer les travailleurs à reprendre le travail. Plus de 70 000 jeunes ont manifesté mardi contre les coupes de Sarkozy et quelque 25 pour cent des stations-service du pays sont toujours à sec.  

L'abandon des grévistes par les syndicats est tout à fait en accord avec la politique de protestation vouée à l'échec qu'ils mettent mis en avant depuis le début, conjointement avec les partis soi-disant de « gauche. »

Ces forces ont défini les grèves comme étant une tentative de faire pression sur Sarkozy et le Sénat pour qu'ils renégocient les coupes avec les syndicats. Ils se sont opposés à une grève de masse visant, non pas à faire pression sur le gouvernement, mais à le vaincre et à le renverser. Et ceci malgré le soutien populaire massif pour le mouvement de grève et l'effondrement du soutien à Sarkozy.

Il ne fait pas de doute que les syndicats ont été en contact permanent avec le gouvernement, discutant en coulisses du meilleur moyen de réduire le mouvement de masse et de le rappeler à l'ordre. Ils ont déjà signalé leur volonté de capituler lorsqu'ils ont refusé de mobiliser la classe ouvrière contre les actions du gouvernement visant à briser la grève des travailleurs en débloquant les dépôts de pétrole et les raffineries.

Comptant sur les syndicats pour contenir le mouvement, Sarkozy a tenu bon malgré la volonté populaire. Maintenant les dirigeants syndicaux disent qu'il faut accepter « l'inévitable. »

Si l'on veut faire cesser cette traîtrise et faire avancer ce combat contre la destruction du niveau de vie, les travailleurs et les jeunes doivent tirer les leçons politiques fondamentales de ces événements. Il y a au niveau politique une division du travail entre les syndicats, les partis de « gauche » officiels et les partis soi-disant « d'extrême-gauche » dont la fonction est d'étouffer la lutte de classes et de permettre à la classe dirigeante d'imposer ses attaques.

Les syndicats, loin de défendre la classe ouvrière, servent de rempart le plus crucial à la bourgeoisie et à l'Etat. Ils soutiennent consciemment les efforts de l'élite financière pour mettre tout le fardeau de la crise économique sur le dos des travailleurs, craignant avant tout l'émergence d'un mouvement révolutionnaire de la classe ouvrière. C'est pour cela que les syndicats s'opposent résolument à une grève générale visant à renverser le gouvernement Sarkozy. 

Les travailleurs ont démontré leur frustration et leur aliénation grandissantes par rapport aux syndicats et leur désir d'utiliser leur immense puissance sociale pour lutter contre le gouvernement. Les grèves et blocages tenaces des travailleurs pétroliers et des ports ont largement été organisés en dépit des efforts des syndicats et non grâce à eux. 

Les partis de « gauche » officiels, Parti socialiste et Parti communiste, travaillent étroitement avec les bureaucraties syndicales, respectivement avec la CFDT et la CGT.

D'où la mise en avant par les médias bourgeois des organisations petites bourgeoises, soi-disant socialistes « d'extrême-gauche », conduites par le Nouveau parti anticapitaliste (NPA.) Leur rôle consiste à empêcher le développement d'une conscience politique, à insister pour dire que des protestations de masse à elles seules feront bouger le gouvernement et la classe dirigeante et à dissimuler la traitrise des syndicats. En tant qu'apologistes de la bureaucratie syndicale, ils constituent un atout de plus en plus crucial de la bourgeoisie dans la guerre qu'elle mène contre les travailleurs. 

L'entière complicité du NPA avec les efforts des syndicats pour trahir le mouvement de grève est clairement mis en évidence par le silence du principal porte-parole de l'organisation, Olivier Besancenot, durant ces derniers jours. Ceci est tout à fait en accord avec le rôle du NPA consistant à désorienter et désarmer politiquement la classe ouvrière.

Pendant ce temps, les médias bourgeois mettent en avant des « intellectuels » du NPA pour que ces derniers prêchent l'obéissance aux bureaucrates syndicaux et la capitulation devant Sarkozy. Après que la CGT a annoncé qu'elle ne monterait que des protestations « symboliques » contre les attaques de la police contre les raffineries, l'universitaire du NPA Philippe Corcuff a dit au Monde qu'il conseillait aux travailleurs de se limiter à des actions « ludiques.»

Les grèves ne peuvent se poursuivre et s'élargir que sur la base d'une nouvelle orientation politique révolutionnaire, à savoir la répudiation du vote du Sénat et une lutte pour renverser le gouvernement Sarkozy et le remplacer par un gouvernement de travailleurs. Ceci nécessite la rébellion des travailleurs contre la bureaucratie syndicale et les soi-disant partis de « gauche. »

Le World Socialist Web Site a lancé un appel aux travailleurs pour qu'ils forment des comités d'action indépendants pour élargir le mouvement de grève et lutter pour une offensive politique de la classe ouvrière indépendamment de tous les partis de la bourgeoisie, ceux de la « gauche » officielle comme ceux de droite.

Le mouvement de grève a, avant tout, soulevé la question de la nécessité cruciale d'une lutte pour construire une nouvelle direction révolutionnaire dans la classe ouvrière. La grande faiblesse de ce  mouvement de masse est qu'il lui manque un programme et une perspective clairs et élaborés. Bien qu'affaibli et isolé, le gouvernement Sarkozy a un avantage sur les travailleurs: il a un niveau de conscience plus élevé quant à ses objectifs et ses méthodes.

Sarkozy gouverne ouvertement et impitoyablement en tant qu'instrument du capital financier, qui exige qu'on se débarrasse des apparences de la démocratie de façon à ce que le capitalisme français puisse survivre à la crise mondiale du capitalisme en appauvrissant la classe ouvrière.

Tandis que les Etats à travers l'Europe s'endettent massivement pour financer le renflouement des banques et l'impact de la crise économique, ils sont de plus en plus à la merci de leurs créanciers, c'est à dire des grandes banques et des milliardaires qui profitent de la crise. Pour booster la compétitivité et éviter une ruée sur ses dettes, chaque Etat est en compétition avec les autres pour réduire son déficit en détruisant les salaires et les dépenses sociales. En cela il jouit du soutien dans chaque pays des syndicats.

Avec les nouvelles coupes qui devraient atteindre 81 milliards de livres sterling et coûter un million d'emplois en Grande-Bretagne, les coupes actuelles de Sarkozy ne sont qu'un acompte sur les attaques à venir contre la classe ouvrière française.

Des gouvernement totalement impopulaires ont réussi à mettre en place de telles mesures en s'appuyant sur les syndicats et leur soutiens de « gauche » comme remparts contre la résistance de la classe ouvrière. Durant la crise de l'endettement en Grèce au printemps dernier, les gouvernement socio-démocrates de Grèce et d'Espagne ont procédé à des coupes massives tandis que les syndicats limitaient les manifestations des travailleurs à quelques journées d'action. En Grande-Bretagne, les syndicats ont clairement laissé entendre qu'ils n'organiseront pas d'opposition aux coupes du premier ministre David Cameron.

Il est nécessaire que les travailleurs aient leur propre programme révolutionnaire pour contrer le programme contre-révolutionnaire de la classe dirigeante. Cela signifie construire une nouvelle direction révolutionnaire.

Les tâches politiques auxquelles est confrontée la classe ouvrière, le renversement des gouvernements du monde entier et l'expropriation de l'aristocratie financière, impliquent le développement d'un mouvement socialiste de masse luttant pour le pouvoir.. L'unique parti luttant pour cette perspective est le Comité international de la Quatrième Internationale (CIQI.) Nous encourageons fortement les travailleurs et étudiants français à lire et contacter le World Socialist Web Site et à entreprendre la lutte pour la construction de la nouvelle direction révolutionnaire de la classe ouvrière.

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