Le 20 septembre, les 1000 derniers soldats britanniques
ont quitté Sangin, dans le Sud de l’Afghanistan. Après plus de quatre
ans, ils ont remis aux Etats-Unis le contrôle de leurs bases.
Le retrait est officiellement présenté comme un simple
redéploiement par lequel les troupes qui font partie d’une force
britannique totalisant 9.500 hommes en Afghanistan sont envoyées dans la zone
centrale de Helmand. Mais rien ne peut faire occulter le fait que la
Grande-Bretagne a subi une défaite majeure. La raison n’est pas, comme
certaines sections des médias l’affirment, simplement que Sangin est
devenu un « terrain d’entraînement » pour les Taliban. Les
forces armées britanniques ont été chassées en tant qu’occupants par une
insurrection populaire déterminée.
C’est pourquoi le Daily Mail a reconnu que
« les responsables militaires de haut rang veulent à tout prix que cela ne
soit pas considéré comme la reconnaissance d’une défaite ou d’une
retraite après les combats les plus violents que les soldats britanniques aient
connus depuis la Deuxième Guerre mondiale. »
Ce retrait souligne la destruction criminelle de la vie
comme conséquence de cette sale guerre impérialiste. Les rapports des médias
donnent une image dévastatrice de la situation à laquelle les troupes ont été
confrontée, année après année. Au moment de leur départ, 104 soldats
britanniques, soit près d’un tiers des 337 soldats britanniques tués en
Afghanistan, étaient morts dans et aux alentours de cette petite ville.
Sous le titre, « Sangin: nous quittons enfin
l’enfer », le Daily Express a de plus remarqué que depuis les
quatre premières années et demi de l’invasion de l’Afghanistan en
2001, cinq soldats britanniques ont été tués. La vaste majorité des soldats
sont morts tout au début de 2006 et depuis le redéploiement des troupes
britanniques au Helmand. En avril, un article publié dans le Times de
Londres rapportait que plus de 10 pour cent des victimes quotidiennes subies
par les forces d’occupation l’avait été par le groupe du 3e
bataillon « The Rifles » à Sangin et ce en dépit du fait que le
groupe ne représente que 0,8 pour cent de l’ensemble des forces de
l’OTAN présentes en Afghanistan.
L’armée britannique a même subi une attaque au
moment précis où la cérémonie de transfert d’autorité avait lieu, et le Daily
Mail de rapporter « de violents combats…à 800 mètres à peine de
la base principale au centre du district. »
Comme on pouvait s’y attendre, les politiciens et
les médias n’ont rien à dire sur les milliers d’Afghans qui ont été
tués ou blessés. Au lieu de cela, le premier ministre David Cameron,
s’est donné beaucoup de mal pour souligner que « Les soldats qui ont
perdu la vie à Sangin ne sont pas morts en vain. »
De telles déclarations ne font que montrer que derrière
son discours de soutien à « nos gars », l’élite dirigeante
n’éprouve rien que du mépris pour ceux qu’elle a envoyés mourir en
Afghanistan. Cameron croit que leur mort est le prix à payer mais il est
incapable de dire la vérité sur les raisons de cela.
L’invasion en Afghanistan a été vendue aux
populations britannique et américaine sur la base d’un tissu de
mensonges. Présentée comme faisant partie de la guerre « contre le
terrorisme » après les attentats du 11 Septembre, elle était censée éliminer
le régime qui abritait Oussama ben Laden et qui fournissait la principale base
aux opérations d’Al Qaïda. Les responsables américains de l’armée
et du service de renseignement ont par la suite reconnu qu’il existait en
tout moins de cent membres d’Al Qaïda en Afghanistan. L’occupation
était ensuite supposée apporter la démocratie en renversant les Talibans. Au
lieu de cela elle a fini par installer le régime fantoche haï d’Hamid
Karzai qui est défendu par l’armée américaine et qui supervise des
conditions de vie indescriptibles pour la masse de la population.
En réalité, l’occupation de l’Afghanistan a
été entreprise sur la base d’objectifs géostratégiques prédateurs de la
part de Washington et de Londres et avait été prévue avant que la destruction
des tours jumelles n’en fournisse le prétexte nécessaire. Pour les
Etats-Unis, les enjeux, comme ce fut le cas avec la guerre contre l’Irak
qui s’ensuivit, étaient d’établir leur contrôle sur
l’ensemble de la région « eurasienne » et avant tout sur la
majorité des réserves pétrolières et gazières situées au Moyen Orient et en
Asie centrale. La Grande-Bretagne escomptait à la fois sauvegarder une part du
butin, tout en marchandant son alliance politique et militaire pour faire
valoir ses propres intérêts à l’échelle mondiale, et compenser le défi de
ses rivaux européens, l’Allemagne et la France.
Par deux fois à présent, le prix à payer pour cet état de
fait a imposé à la Grande-Bretagne une retraite militaire humiliante,
d’abord dans la ville de Basra au Sud de l’Irak et maintenant à
Sangin. Le journal Independent a reconnu la semaine passée, « Les
Britanniques auraient pu, théoriquement, se passer plus tôt de Sangin et des
pertes qui s’en sont suivies. Mais là, un chapitre sensible des relations
anglo-américaines est entré en jeu. Il ne fait pas de doute que des
responsables militaires de haut rang de l’armée américaine étaient très
critiques quant à la manière dont l’armée britannique s’est
comportée vers la fin de son déploiement en Irak… et puis en se retirant
en bloc lorsque Washington demandait qu’elle continue de rester. »
Le retrait britannique, malgré les affirmations
officielles du contraire, a occasionné de l’amertume et des
récriminations de la part de l’armée américaine. Finalement, ceci
signifie simplement que le labeur de la Grande-Bretagne est également un échec
politique pour Washington. La Grande-Bretagne a été la seule force à maintenir
un semblant de rôle militaire indépendant dans l’occupation.
L’abandon de cette attitude signifie qu’aujourd’hui et plus
que jamais, il s’agit d’une guerre des Etats-Unis.
De plus, les affirmations que le contrôle exercé par les
Etats-Unis sur Sangin résultera dans un renforcement du contrôle en général de
la région sont sans fondement. En décrivant l’énorme opposition populaire
qui attend les Etats-Unis, le Daily Telegraph a sombrement prédit,
« Le transfert de Sangin : seules changeront les nationalités
inscrites sur les tombes. »
Les Etats-Unis sont confrontés à une situation militaire
et sécuritaire s’aggravant partout en Afghanistan et à une opposition à
la guerre dans le pays qui ne cesse de s'intensifier. C'est dans une telle
situation que le gouvernement Obama avait annoncé l’envoi en Afghanistan
en décembre dernier d’un renfort de 30.000 hommes, dans une tentative de
noyer la résistance dans le sang. Mais malgré cela, les Etats-Unis n'ont pas pu
venir à bout de la résistance de masse. Avec la mort de neuf soldats américains
le 21 septembre dans un crash d’hélicoptère dans la province de Zaboul,
dans le Sud de l’Afghanistan, l’année 2010 est devenue la plus
meurtrière pour les forces de l’OTAN depuis l’invasion en 2001. Au
moins 529 soldats de l’OTAN ont été tués jusque-là cette année.
Entre-temps, des sections de l’armée américaine
expriment plus ouvertement leur opposition à un « calendrier de
retrait » des troupes dès juillet 2011 et qui est le principal objectif du
président Obama.
Selon un article paru dans le Wall Street Journal
le 21 septembre, des officiers gradés « cherchent à faire baisser les
espoirs d’un progrès rapide en Afghanistan » et prévoient « peu
de gains significatifs dans la guerre avant la fin de l’année. » Le Journal
poursuit que plutôt que de retirer des « bataillons ou des régiments
entiers », la baisse se consacrera à un « amincissement » des
troupes des lignes de front et le retour à la maison de petites unités
militaires.
L’occupation afghane est une sale aventure fondée
sur l’oppression brutale d’une nation appauvrie de moins de 30
millions de personnes. Indépendamment de l’attitude de tel ou tel soldat,
qu'elle soit héroïque ou vile, les élites militaires et politiques sont
coupables d’un crime indicible. La population laborieuse dans le monde
entier doit exiger la fin de la guerre et le retrait immédiat de
l’ensemble des troupes américaines, britanniques et étrangères. Ceux qui
ont planifié et exécuté cette guerre de pillage doivent comparaître devant un
tribunal pour crimes de guerre et la cour de l’opinion publique
internationale.