Le sommet de l’OTAN qui a
débuté à Lisbonne au Portugal a un objectif primordial concernant la guerre
conduite par les Etats-Unis en Afghanistan: ranger
au placard toute idée exprimée par le président Obama d'un retrait des troupes
d’Afghanistan à partir de juillet 2011.
Ces dernières semaines, le gouvernement Obama a banni le
mot « retrait » de ses déclarations sur l’Afghanistan. Juillet
2011 est devenu juste le début d’une « transition. »
La fin de 2014 est maintenant invoquée par les Etats-Unis
et ses alliés comme la date clé de la guerre. D’ici cette date,
l’armée et la police nationale du régime fantoche afghan du président
Hamid Karzai seront soi-disant suffisamment importantes et entraînées pour entreprendre
les principales opérations de combat contre les Taliban et les autres
organisations insurgées anti-occupation.
L’envoyé spécial américain Richard Holbrooke a dit
cette semaine, au Pakistan, aux journalistes présents: « Le sommet de
Lisbonne marquera le début d’une stratégie de transition avec une date
prévue à la fin de 2014 pour que l’Afghanistan prenne la relève de la
responsabilité de la direction des opérations de sécurité. » Les forces
américaines resteraient cependant encore sur place après cette date.
« Nous avons une stratégie de transition. Nous n’avons pas de
stratégie de retrait, » a souligné Holbrooke.
Le New York Times, après avoir été informé par des
responsables du gouvernement, a résumé le 14 novembre la perspective
d’Obama : « D’ici la fin de 2014, les forces armées
américaines et de l’OTAN pourraient se retirer si les conditions le
permettent, bien que des dizaines de milliers très vraisemblablement resteront
à des fins d’entraînement, de conseil et autre assistance, au même titre
que les 50.000 soldats américains qui se trouvent encore en Irak. »
En d’autres termes, Washington envisage une présence
illimitée des forces d’occupation américaines en Afghanistan. Même si
« les conditions permettent » que des troupes étrangères ne soient
plus requises pour des opérations de combat direct d’ici 2014 – une
perspective rejetée par presque tous les spécialistes – le Pentagone va
dire qu’une présence prolongée sera nécessaire pour assurer un service« d’entraînement, de conseil et d’assistance. »
Ceci est notamment le cas étant donné que
l’Afghanistan ne dispose pas de force aérienne. L’armée américaine
à l’intention d’utiliser indéfiniment la grande base aérienne
qu’elle a construite à Bagram, au cœur même de l’Asie
centrale.
Le rejet d’un calendrier de retrait souligne que la
rhétorique d’Obama a toujours été un exercice de duperie cynique. La
vérité est que les deux partis de l’impérialisme américain, les
Démocrates et les Républicains, sont engagés l’un comme l’autre à
imposer une empreinte militaire américaine permanente dans deux des régions clé
du monde fournisseurs d’énergie, l’Asie centrale et le
Moyen-Orient.
Le motif fondamental des guerres perpétrées sous la
bannière mensongère de la « guerre contre le terrorisme » a été pour
les entreprises américaines de gagner une part plus grande dans
l’exploitation des ressources lucratives et de positionner l’armée
américaine de façon à perturber ou même de fermer définitivement
l’approvisionnement en énergie à des rivaux stratégiques, telle la Chine.
Durant neuf années terribles, d’importantes sections
appauvries mais férocement indépendantes de la population afghane se sont
opposées au programme de l’impérialisme américain et de ses alliés. Des
dizaines de milliers ont perdu la vie dont des milliers de femmes,
d’enfants et de personnes âgées qui ont été massacrés par des frappes
aériennes ou abattus dans des raids menés contre des villages et des maisons.
Dans la destruction et le bouleversement de la guerre, un nombre inconnu de
personnes sont mortes de malnutrition, de maladie et d’un manque de soins
médicaux.
Des milliers de personnes sont mortes aussi dans le
nord-ouest du Pakistan, où le gouvernement pakistanais pro-américain a mené des
campagnes brutales contre les populations tribales qui soutiennent la
résistance afghane et des drones prédateurs américains larguent régulièrement
des missiles contre des sites civils abritant soi-disant des insurgés.
Pour le peuple d’Afghanistan et du nord-ouest du
Pakistan, les implications du sommet de Lisbonne représentent un nombre
incalculable d’années de plus de morts, de destruction et de terreur.
D’ores et déjà, participant de la montée en
puissance promue par Obama qui a fait passer le nombre des troupes américaines
et de l’OTAN à 150.000, la violence a été massivement accrue avec de
nouvelles offensives lancées dans les provinces du Helmand et de Kandahar. Pour
donner une idée du caractère brutal de telles opérations, le nombre de bombes
lâchées au-dessus de l’Afghanistan a fortement augmenté. Plus de 1.000
missions de bombardement ont été effectuées en octobre dernier, contre 660 en
octobre 2009.
Pour la première fois, des chars lourds Abrams M1 sont
déployés dans le Sud de l’Afghanistan pour assister les Marines à
réprimer la résistance qu’ils rencontrent.
La population civile est assujettie à une punition
collective aveugle. Un article paru mardi dans le New York Times
rapporte que les troupes américaines détruisent systématiquement des centaines
d’habitations civiles dans la région de Kandahar anciennement contrôlée
par les Taliban au motif qu’elles sont peut-être piégées. Dans une
déclaration qui rappelle la brutalité de la guerre du Vietnam, le gouverneur
afghan pro-occupation du district de Khosrow de Kandahar où une demi douzaine
de villages au moins ont été rasés, a dit au Times : « Nous
avons dû les [les villages] détruire pour les sécuriser. »
Evoquant tout autant le Vietnam, des unités des forces
spéciales américaines et de l’OTAN sont en train de mener une campagne de
meurtres de masse de style Opération Phoenix. Un commandant américain
s’est réjoui cette semaine dans le quotidien américain Christian
Science Monitor de ceque toutes les 24 heures, les forces spéciales
« tuent ou font prisonnier trois à cinq dirigeants ennemis de niveau moyen
et 24 combattants ennemis. »
Si un tel taux est maintenu, près de 10.000 vies afghanes
de plus seront anéanties au cours des 12 prochains mois rien que par les
escadrons de la mort des forces d’occupation.
L’affirmation que les victimes de la guerre sont des
« terroristes » ou une menace pour les Etats-Unis ou tout autre pays
est un mensonge méprisable. La CIA elle-même a admis qu’il n’y
avait plus qu’entre 50 et 100 personnes dans tout l’Afghanistan à
avoir des liens avec Al Qaïda. Des milliers de personnes sont tuées,
emprisonnées ou ont leurs maisons détruites parce qu’elles ne veulent pas
accepter une domination étrangère ou un gouvernement fantoche américain.
Ce qui se passe en Afghanistan est une tentative calculée
et meurtrière de noyer dans le sang l’opposition légitime qui existe au
sein de la population contre l’occupation contrôlée par les Etats-Unis.
En appliquant leur programme néocolonial, les classes dirigeantes des pays
occupants sont tout aussi indifférentes au nombre de soldats américains ou de
l’OTAN tués, blessés ou moralement détruits. Le bilan des victimes de
cette année s’élève déjà à 654 et bien plus de 3.000 blessés. Depuis
l’invasion de 2001, le nombre total des victimes américaines et de
l’OTAN a dépassé 2.200.
Divers alliés des Etats-Unis, qu'ils soient ou non membres
de l'OTAN, ont pris les devants avant le sommet de Lisbonne pour promettre de
continuer leur participation à la guerre. L’Afghanistan et la
« guerre contre le terrorisme » continuent de leur procurer un écran
derrière lequel ils peuvent justifier des attaques contre les droits
démocratiques sur le plan national, la poursuite de l’expansion de leurs
forces militaires et de compter sur le soutien des Etats-Unis afin de servir
leurs propres ambitions coloniales prédatrices.
L’Allemagne a prolongé sa mission jusqu’en
2012 en augmentant les opérations de combat de ses troupes. Le Canada qui
devait retirer son contingent d’ici la fin de 2011 a annoncé qu’il
conserverait jusqu’à 1.000 « formateurs » jusqu’en 2014.
Le ministre français de la Défense, Alain Juppé, a dit mercredi que les troupes
françaises ne quitteraient l’Afghanistan que lorsque « les autorités
afghanes auront la situation bien en main. »
Le premier ministre australien, Julia Gillard, a déclaré
le mois dernier lors d’un débat parlementaire que les forces
australiennes seraient engagées en Afghanistan jusqu’à « la fin de
cette décennie au moins. »
Le nouveau chef d’état major des forces britanniques,
le général Sir David Richards, a même prévu un engagement plus long. Il a
déclaré cette semaine qu’alors que la plupart des troupes de combat
britanniques pourraient se retirer entre 2012 et 2014, « tout le monde
sait que nous devrons rester bien plus longtemps que cela. »
En réponse à la question d’un journaliste qui demandait
si l’occupation US/OTAN pourrait durer « entre 30 et 40 ans, »
il a répondu, « Je pense que ce sera le cas. »
La classe ouvrière n’a aucun intérêt dans cette
poussée néocoloniale pour la domination du peuple afghan. Les gouvernements de
tous les pays représentés au sommet de Lisbonne que ce soit en Amérique du
Nord, en Europe ou au Pacifique, entreprennent la démolition sociale pour le
compte de cette même oligarchie capitaliste dont cette guerre défend les
intérêts. Dans le même temps, ils avancent des « menaces
terroristes » dans le but de supprimer les droits démocratiques et de
préparer le cadre pour des Etats policiers.
Pas un centime de plus ne
devrait être gaspillé pour des guerres d’agression criminelles. En
réponse au programme impérialiste qui a été présenté à Lisbonne, la classe
ouvrière doit mener une lutte politique pour le retrait immédiat et
inconditionnel de toutes les troupes américaines et étrangères
d’Afghanistan et pour le démantèlement de l’ensemble de la machine
de guerre américaine et de l’OTAN.