Le 14 mars se tiendra en
France le premier tour des élections régionales. Le Parti
socialiste (PS) a décidé de ne pas soutenir la liste de
Georges Frêche, président ex-PS du Languedoc-Roussillon (dans le
sud de la France), après des propos controversés : il avait
dit que l'ancien premier ministre Laurent Fabius, qui est d'origine
juive, avait une « tronche pas catholique ».
Martine Aubry, la première
secrétaire du PS, a appelé toutes les fédérations socialistes
départementales de cette région à se ranger derrière Hélène
Mandroux, maire de Montpellier (capitale de la région) et ancien
soutien de Frêche. Mandroux a lancé sa candidature le 29 janvier.
Quoique précédemment
exclu du PS pour propos racistes, le PS avait soutenu comme
officielle la liste menée par Frêche pour les prochaines élections
régionales. La direction nationale du PS se sépare de Frêche non
pas parce qu'elle oppose les déclarations racistes de Frêche, mais
par crainte d'un revers de l'opinion contre la politique menée par
le PS à l'échelle nationale.
Dans une allocution au
siège du parti, rue de Solférino, Aubry a déclaré: « Il
n'y aura pas deux listes avec des socialistes » en
Languedoc-Roussillon, laissant entendre que les socialistes qui
resteraient avec Georges Frêche se mettraient en marge du parti.
Elle a aussi appelé « tous les partenaires de la gauche et
les écologistes à constituer une liste de large rassemblement dès
le premier tour » du scrutin régional le 14 mars. Cette
décision a été adoptée par un vote du Bureau national, par 40
voix contre 5 avec 5 abstentions.
Georges Frêche a
décidé de déposer un recours devant le tribunal de grande
instance de Paris pour protester contre la décision du PS de lui
enlever l'étiquette du PS. Les cinq chefs de file départementaux
des listes Frêche, ainsi que les dirigeants fédéraux PS du
Languedoc-Roussillon, ont réaffirmé leur « entière
solidarité à Georges Frêche, honteusement attaqué ». Ils
ont critiqué de « basses manouvres » menées
« avec la complicité tacite des Verts ».
La controverse autour de
Frêche divise également le Parti communiste français (PCF)
stalinien. La secrétaire nationale du PCF, Marie Georges Buffet, a
dénoncé les commentaires de Frêche. Cependant, un ancien
ministre PCF, Jean-Claude Gayssot (vice-président PCF du Conseil
régional de Languedoc-Roussillon) s'est maintenu sur la liste de
Frêche.
Dans un entretien au Monde
le 19 février, l'ancien numéro deux du PS et maire (PS) de
Dijon, François Rebsamen, a dit qu'il a décidé d'apporter son
soutien aux socialistes présents sur les listes de Georges Frêche.
Il a déclaré: « à ces candidats qui sont souvent des élus,
des maires, des conseillers généraux et des députés, nous
n'allons pas donner des leçons de socialisme depuis Paris ».
Rebsamen, un proche de la
candidate PS de 2007 Ségolène Royal, s'est opposé à une
exclusion des socialistes présents sur les listes Frêche: « Nous
ne perdrons pas notre âme » en soutenant M. Frêche,
assure-t-il.
Vincent Peillon, également
proche de Royal et « ami personnel » de Frêche, a dit
que le PS « se tirait une balle dans le pied, » et que
la « plaisanterie devra s'arrêter ».
Le 24 février, les 58
candidats de la liste de Frêche ont été exclus du PS pour
une durée de deux ans.
Si le PS a
décidé maintenant d'organiser une campagne contre Frêche --
qui occupe de hautes responsabilités à Montpellier et
au Languedoc-Roussillon depuis des décennies et qui a
continué à travailler avec des élus PS après son
expulsion en 2007 -- c'est que le PS craint un revers de l'opinion
de plus en plus hostile à la campagne raciste anti-islamique sur
« l'identité nationale » menée par le gouvernement
Sarkozy.
Celui-ci, avec l'aide de
la gauche bourgeoise française, vise notamment à rendre illégal
le port de la burqa et du niqab en France. Cette mesure a pour but
d'attiser le racisme anti-musulman en divisant la classe ouvrière
et en promouvant un climat politique fascisant. La mission
parlementaire chargée de travailler sur l'interdiction de la burqa
et du niqab était composée de députés Verts, PS, PCF, et UMP et
présidée par son instigateur André Gerin, député PCF.
Georges Frêche représente
une couche de politiciens de « gauche » , faisant appel
aux sentiments pro-colonialistes, qui se prononce pour un
rapprochement avec le centre droit. Georges Frêche est un ancien
maoïste qui adhéra au PS en 1969. Il fut membre du bureau national
et du conseil national du PS jusqu'en 2006. Il occupe de hautes
responsabilités à Montpellier et au Languedoc depuis 1973.
En février 2007 Frêche
s'en était pris à un groupe de harkis - d'anciens membres
algériens des forces armées françaises pendant la guerre
d'Algérie, exilés en France après l'indépendance algérienne.
Frêche ne supportait pas
que des harkis qui avaient combattu pour une Algérie française
soutiennent l'UMP, parti descendant de celui du général Charles de
Gaulle, qui avait accepté l'indépendance de l'Algérie en 1962. Il
leur a crié : « Vous êtes allés avec les gaullistes...
Ils ont massacré les vôtres en Algérie et, encore, vous allez
leur lécher les bottes ! ... Vous êtes des sous-hommes, vous
n'avez aucun honneur ! »
Frêche avait
été condamné à 15.000 euros d'amende par le
tribunal correctionnel de Montpellier pour ces propos avant de faire
appel. En 2009, la Cour de cassation avait confirmé la relaxe
prononcée par la cour d'appel de Montpellier.
Un article de Libération
du 1er mars sur Frêche fait le portrait du cacique PS local
archétype, semblable à l'ancien maire socialiste de Marseille,
Gaston Defferre. Il explique la tirade raciste contre les harkis en
tant que pique contre la déloyauté « car coupables de ne pas
le soutenir après qu'il les a aidés en vertu de son habituel
clientélisme ». Il rajoute : « Dans un
clientélisme aussi affiché qu'efficace, il subventionne
communautés et élus de tous bords. »
Il cite un article tiré de
L'Express qui affirme, par rapport à la remarque sur la
« tronche pas très catholique » de Fabius, que « Cette
phrase, il a voulu qu'elle soit connue ». Frêche vise
l'électorat lepéniste, dont il a besoin pour gagner : « C'est
un allumé de l'électoralisme. Pour faire les voix, tous les moyens
sont bons. »
Frêche
fut exclu du PS en 2007 pour avoir dit qu'il y avait trop de joueurs
noirs dans l'équipe nationale de football. Pendant la campagne des
présidentielles de 2007, le PS craignait que cela nuise aux chances
de Royal.
La tactique anti-Frêche
d'Aubry relève également de calculs fractionnels par Aubry contre
sa rivale, Royal.
La fédération du
Languedoc-Roussillon est une section importante, majoritairement
pro-Ségolène Royal. Georges Frêche a déclaré publiquement qu'il
avait un accord avec Ségolène Royal lui permettant de revenir au
PS. Martine Aubry est présentée comme une présidentiable
potentielle, seulement elle veut s'assurer le vote de cette
fédération (15.000 militants) lors de la désignation du candidat
PS aux présidentielles. Pour cela elle s'en prend à Georges Frêche
et ses alliés.
Depuis la défaite des
socialistes à l'élection présidentielles de 2007, plusieurs
fractions se disputent le pouvoir afin de déterminer le rôle futur
à donner au Parti socialiste. Ségolène Royal préconise une
coopération avec le Mouvement démocrate (MoDem) du politicien de
centre-droit, François Bayrou. Elle a déclaré que le vieux modèle
socialiste du parti était « dépassé » et aspirait à
une « modernisation ».
Lors des primaires du
Parti socialiste elle a obtenu un bon score, mais Martine Aubry est
devenue secrétaire à l'automne 2008, grâce à une
alliance avec les deux autres fractions du parti, dirigées par
Benoit Hamon et Bertrand Delanoë, maire de Paris. Le résultat des
votes a été contesté par Ségolène Royale, qui a accusé Martine
Aubry de trucage.
Georges Frêche partage
les mêmes idées que Ségolène Royale, pour lui le Parti
socialiste n'est plus capable de gagner les élections avec ses
anciens alliés, notamment le Parti communiste, qui sont
discrédités auprès des masses. Il défend l'idée d'un
accord avec le MoDem de François Bayrou en vue de former un
gouvernement, comme il explique dans son livre, Il faut saborder
le PS. Cette tactique serait un moyen d'attaquer le niveau de
vie de la classe ouvrière avec une certaine liberté.