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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Espagne : la Phalange fasciste autorisée à s'associer à la poursuite contre le juge Baltazar Garzón

Par Vicky Short
8 mars 2010

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La Cour suprême d'Espagne a autorisé le parti fasciste, la Phalange, à s'associer à des poursuites judiciaires privées contre le juge Baltazar Garzón pour avoir tenté d'enquêter sur les crimes de la dictature de Franco. La Phalange, qui est la seule organisation politique autorisée sous le régime, a perpétré un nombre de crimes incalculable contre la classe ouvrière espagnole durant la guerre civile (1936-1939) et ensuite durant la dictature. Aujourd'hui, le nombre de ses adhérents est minime.

Garzón qui est un membre de la plus haute cour d'Espagne, l'Audiencia Nacional, s'est fait connaître internationalement par ses enquêtes judiciaires controversées. En 1999, il avait cherché à faire extrader de Grande-Bretagne le dictateur chilien Augusto Pinochet afin de le juger en Espagne pour génocide, terrorisme et torture. Il a enquêté sur les activités de l'organisation séparatiste basque ETA ainsi que sur les escadrons de la mort anti-ETA établis dans les années 1980 par le gouvernement du Parti socialiste (PSOE) de Felipe González. Garzón a aussi participé à l'enquête sur la corruption au sein du Parti populaire (PP).

Il a été critiqué récemment à la fois par les Etats-Unis et par Israël après avoir tenté d'inculper des membres de leur gouvernement respectif de crimes contre l'humanité, les Etats-Unis pour leurs actions en Irak, en Afghanistan et à Guantanamo Bay, et Israël pour les crimes commis à Gaza. Il a également invité des ministres du gouvernement chinois à témoigner sur la répression des manifestations au Tibet.

En septembre 2008, Garzón a ouvert une instruction sur les meurtres commis à l'époque de Franco après avoir reçu les pétitions lancées par les familles des victimes regroupées dans l'Association pour la récupération de la mémoire historique (ARMH) et qui souhaitent retrouver les restes de leurs proches et connaître les circonstances exactes de leur mort. En conséquence de son instruction, Garzón a accusé Franco et 44 anciens généraux et ministres ainsi que 10 membres de la Phalange de crimes contre l'humanité. Il a exigé l'ouverture de dizaines de fosses communes où plus 100.000 de leurs victimes avaient été fusillées sommairement et enterrées.

Garzón a soulevé le cas des séparations forcées d'avec leurs parents, principalement pratiquée par le service étranger de la Phalange, d'approximativement 30.000 enfants, le plus souvent des opposants du régime. Il a remarqué que les tribunaux espagnols n'avaient jamais enquêté sur aucun de ces crimes et pas un seul auteur de ces crimes n'avait jamais comparu en justice.

Toutefois, à peine quelques semaines après avoir émis cette mise en accusation accablante contre Franco et ses acolytes, le juge a abandonné ces chefs d'accusation après que des magistrats nommés par le PSOE ont mis en cause son autorité à poursuivre l'enquête. Selon eux, Garzón a violé une loi de 1977 accordant l'amnistie sur les atrocités et qui avait été promulguée dans le cadre de la soi-disant « transition pacifique vers la démocratie » après la mort de Franco en 1975.

L'action du PSOE a marqué une capitulation significative devant l'opposition à Garzón du Parti populaire et qui était partie de la Phalange, de l'Eglise catholique et des médias. Encouragés par leurs actions, deux nouvelles organisations d'extrême droite récemment formées, le Manos Limpias (Mains propres) et le Libertad e Identidad (Liberté et Identité) ont lancé une pétition pour engager des poursuites judiciaires contre Garzón pour « prévarication dans l'exercice de ses fonctions » et qui a été acceptée par la cour. Si Garzón était inculpé, il pourrait être immédiatement suspendu dans l'attente du procès.

L'action intentée contre Garzón est une indication claire que l'élite dirigeante est déterminée à intimider quiconque chercherait à mettre en question le « pacte du silence » sur les crimes franquistes, approuvé par la droite, le PSOE et le Parti communiste (PCE) durant la transition. Nombreux sont ceux au sein de l'élite dirigeante et des hauts responsables qui sont des héritiers directs du régime de Franco.

Non seulement Garzón est sur le banc des accusés, mais les gens qui lui avaient demandé de lancer une enquête sont mis en danger. Le tribunal a mis à la disposition de ceux qui cherchent à intenter les poursuites judiciaires, et dont maintenant la Phalange fait partie, les documents présentés par les associations pour la mémoire historique et concernant des milliers de victimes de la dictature.

Une investigation sur les crimes du régime fasciste exposerait le rôle joué par la soi-disant « transition vers la démocratie », qui a sauvegardé l'ordre capitaliste en Espagne après la mort de Franco et qui a empêché tout règlement de compte avec les fascistes. Depuis 35 ans, toute tentative de démasquer ce qui s'était passé a été déjouée.

Ce qui fait aussi partie du procès intenté contre Garzón c'est la crainte qu'une telle enquête sur le passé ne devienne un catalyseur pour un nouvel éclatement de colère de la classe ouvrière et une lutte politique contre l'ordre existant, vu notamment le mécontentement économique et politique grandissant.

Il y a eu un vaste soutien pour Garzón en Espagne et internationalement. L'Union progressiste des procureurs (Unión Progresista de Fiscales) a dit appuyer l'enquête de Garzón parce qu'« elle entrait tout à fait dans la légalité nationale et internationale » et « ne pouvait en aucune manière être considérée comme judiciairement infondée ou arbitraire ». Ils ont critiqué les poursuites à son encontre menées par des « organisation associées aux extrémistes les plus à droite dans le pays, certains étant des héritiers directs de ceux impliqués dans les crimes actuellement instruits ».

L'ancien procureur général anti-corruption à la retraite, Carlos Jiménez Villarejo, a déclaré, « L'extrême droite espagnole a réussi à rallier de son côté une partie du pouvoir judiciaire [.] La question décisive est qu'il a osé faire ce que personne n'avait fait, enquêter sur les disparitions, une centaine de milliers de disparitions. »

Un groupe d'éminents écrivains, d'avocats, d'universitaires et de musiciens ont signé un manifeste de soutien au juge et ont déclaré qu'ils étaient « tristement convaincus » qu'il allait être soumis à un procès « kafkaesque ».

Des lettres adressées au journal El Pais exprimaient leur appui pour un règlement de compte politique et judiciaire avec les franquistes.

Une lettre a précisé, « C'est incroyable qu'aucun de ceux impliqués dans les crimes de la dictature n'ait jamais payé pour eux et cependant ils exigent des explications de la part du juge qui veut enquêter sur ces crimes. »

Garcia a remarqué, « Et, penser que les gens même qui attaquent Garzón, s'ils venaient à arriver au pouvoir demain, ils commettraient les mêmes crimes que leurs ancêtres, c'est effrayant rien que d'y penser. »

« Les mêmes juges ont donné à la Phalange des précisions sur ceux qui ont critiqué Franco, mettant en danger leur sécurité. Ceci ne permet d'autre interprétation que celle consistant à penser que le juge (qui l'avait permis) est aussi un franquiste et qu'il assiste les fascistes qui cherchent à se protéger dans la légalité. Il est bien connu que l'extrême droite cherche à s'approprier des positions de pouvoir, dans l'armée, la police, le système judiciaire, des postes politiques, etc., pour établir un gouvernement de facto, indépendamment du parti qui est au pouvoir. Telle est sa stratégie. »

José a concentré sa colère sur le PSOE et sa collusion avec l'extrême droite : « La droite franquiste a gagné. Et que fait le gouvernement ? Il la laisse manipuler. Je ne sais pas qui ils redoutent le plus, les fascistes ou Garzón découvrant la vérité [.] Zapatero m'a déçu. La ARMH n'est arrivé à rien. Ont-il fait un pacte avec la droite ou quoi ? »

(Article original paru le 1er mars 2010)

Voir aussi :

Un juge espagnol ré-ouvre une enquête sur de hauts responsables de Bush [6 mai 2009]

Le gouvernement socialiste d'Espagne empêche la tenue d'un procès pour torture de hauts responsables de Bush [30 avril 2009]

Espagne : Montserrat Martinez et sa campagne pour établir la vérité sur les fosses communes de Franco [23 juin 2009]

Les fosses communes de Franco : « Des milliers et des milliers d'inconnus » [23 juin 2009]

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