Le président français
Nicolas Sarkozy a rencontré le premier ministre grec Georges
Papandreou à l'Elysée dimanche et s'est fait l'écho de la
chancelière allemande Angela Merkel en insistant pour que la Grèce
résolve sa crise d'endettement en imposant à la classe ouvrière
un programme d'austérité brutal.
Sarkozy a rencontré
Papandreou pendant une heure, après un entretien téléphonique
quasiment aussi long avec Merkel. Vendredi dernier, Papandreou a
rencontré Merkel à Berlin lors de sa tournée des principales
capitales visant à solliciter le soutien politique pour son
gouvernement confronté à la résistance grandissante des
travailleurs et des jeunes Grecs. Mardi il rencontrera le président
Obama à Washington.
Suivant la ligne de
conduite de Merkel, Sarkozy n'a proposé aucune aide financière à
la Grèce.
La semaine dernière
Papandreou qui dirige le Parti social-démocrate PASOK a annoncé un
programme de réduction des salaires et des allocations pour les
fonctionnaires, l'allongement de l'âge de départ à la retraite et
de nouvelles taxes à la consommation qui devraient économiser
quelque 4,8 milliards d'euros. Cette série de mesures est encore
plus draconienne que celle annoncée plus tôt.
Sous la pression des
banques internationales et des gouvernements européens, Papandreou
a promis de réduire de 4 pour cent du produit intérieur brut le
déficit budgétaire de la Grèce qui s'élève actuellement à 12,3
pour cent du PIB.
Le gouvernement
social-démocrate est confronté à une vague montante de colère
populaire et de protestations de la classe ouvrière. Les
principales fédérations syndicales ont appelé à des journées de
grève le 11 mars et le 16 mars.
Les
dirigeants syndicaux ont signalé leur volonté de négocier selon
les termes du programme d'austérité et de continuer à accorder
leur soutien politique au gouvernement du PASOK mais ils subissent
une pression très forte de la base pour qu'ils s'opposent à ces
mesures. Ils cherchent à utiliser des actions limitées dont des
grèves de 24 heures pour faire retomber la pression et empêcher
que l'opposition de la classe ouvrière ne s'étende au point
d'entrer en conflit direct avec le régime.
Le but
du gouvernement grec est de satisfaire les exigences de l'Union
européenne (UE) d'ici 2012 stipulant que les Etats membres ne
laissent pas leur déficit budgétaire dépasser 3 pour cent de leur
PIB. Parmi les coupes budgétaires proposées, il y a un allongement
de deux ans de l'âge de départ à la retraite qui passe à 63 ans,
un gel des salaires de la fonction publique, une augmentation de la
TVA (taxe à la valeur ajoutée) et des taxes sur les carburants
ainsi que des licenciements de masse des sous-traitants du secteur
privé travaillant pour le gouvernement.
Sarkozy,
aux côtés de Papandreou a déclaré, « La
Grèce a agi avec courage et détermination en conséquence de quoi
elle peut compter sur le plein soutien de la France. »
Le président français
travaille main dans la main avec les syndicats en France pour
imposer des mesures d'austérité similaires. Le gouvernement a
soumis à la Commission européenne son programme de stabilité pour
2010-2013 début février. Il prévoit une réduction du déficit
public français de 8,2 pour cent actuels à 3 pour cent du PIB
d'ici 2013, ce qui entraînera des coupes de 100 milliards d'euros
dans les dépenses du gouvernement.
Papandreou
a fait remarquer qu'il avait pris des mesures dépassant les
exigences des banquiers et de l'Union européenne. « Notre
pays a pris des mesures plus importantes et supplémentaires par
rapport à ce que les spécialistes avaient préconisé »,
a-t-il dit. Puis il a appelé à une aide pour réduire le taux
d'intérêt punitif de 6,34 pour cent que la Grèce est obligée de
payer lorsqu'elle emprunte de l'argent, un taux deux fois plus élevé
que celui de l'Allemagne. « Nous
voulons donc pouvoir emprunter comme tout autre pays de la zone euro
avec un taux qui est similaire ; peut-être pas identique, mais
comparable », a-t-il dit.
La
semaine dernière, sur la base de son programme d'austérité, la
Grèce a été en mesure d'emprunter 5 milliards d'euros sur les
marchés financiers. Mais comme l'a fait remarquer le quotidien
économique Les Echos,
« Athènes doit cependant encore
emprunter autour de 20 milliards d'euros d'ici à la fin mai et
rien ne dit qu'elle pourra le faire aux conditions souhaitées. »
De nombreux commentateurs
ont fait remarquer que des sacrifices plus importants encore devront
être faits par les travailleurs grecs.
Tout
en se montrant intraitable sur son refus de dépenser de l'argent
pour alléger les difficultés sociales en Grèce, Sarkozy s'est
senti obligé de montrer que la France et l'Allemagne agiraient pour
contrer une vague de spéculation massive de la part de banques
américaines et européennes et de hedge
funds contre la dette souveraine de
la Grèce et qui représente une menace pesant sur la survie même
de la monnaie unique européenne. Il a déclaré que ce n'était pas
uniquement l'avenir de la Grèce qui était en jeu, mais l'avenir de
l'Europe. « L'euro est notre
monnaie, elle est notre responsabilité. »
Dans
ses remarques s'attaquant aux banques américaines, il a dit s'être
entretenu par téléphone avec Merkel et Jean-Claude Junker,
président de l'Eurogroupe, et a ajouté, « Nous
sommes prêts et très déterminés. La spéculation qui joue contre
la Grèce peut arriver dans beaucoup de pays si on n'a pas les
moyens de lutter. Nous ne devons pas rajouter une crise financière
à une crise économique elle-même créée par des dérives
financières de l'autre côté de l'Atlantique. »
Sarkozy
a insisté pour dire que le Fonds monétaire international (FMI)
dominé par les Etats-Unis ne devrait pas intervenir dans la crise
européenne de l'endettement, déclarant, « C'est
la zone euro qui doit se porter au côté d'un de ses membres
attaqués... ce n'est pas du tout une défiance vis-à-vis de qui
que ce soit (...), c'est une question de logique, de cohérence. »
Il
s'est aligné sur le ministre des Finances allemand, Wolfgang
Schaüble, qui a dit au journal allemand Welt
am Sonntag que l'eurozone devrait
envisager de créer une organisation ayant des pouvoirs similaires
au FMI. Le FMI est bien connu pour les programmes d'austérité et
de privatisations impitoyables qu'il impose aux pays contraints
d'avoir recours à ses prêts.
Tout en refusant une aide
financière spécifique pour alléger la crise de l'endettement de
la Grèce, Merkel et Sarkozy ont promis leur soutien politique au
gouvernement grec, ce qui implique que toute répression par l'Etat
grec visant à réprimer l'opposition de la classe ouvrière au
programme d'austérité, jouira du soutien de l'Allemagne et de la
France.
« Si
la Grèce a besoin de nous, nous serons là, »
a dit Sarkozy. De telles promesses doivent être comprises à la
lumière de la surveillance étroite des mesures fiscales du
gouvernement grec par des commissaires de l'UE spécialement nommés,
et apparentés à des surveillants coloniaux. Ces mesures sont en
conformité avec des appels à la création d'un organisme
« fédéral » permanent dans l'eurozone, ayant le
pouvoir de discipliner les pays membres. Un tel organisme serait
dominé par l'Allemagne et la France, les deux plus importantes
économies de l'Eurozone.
Un
article affiché sur le site Terra Nova, groupe de réflexion du
Parti socialiste français et qui compte parmi ses membres
dirigeants le président du Fonds monétaire international,
Dominique Strauss-Kahn, a dit du programme d'austérité grec, « Ces
mesures d'urgence, toutefois, ne suffiront pas » et a appelé
à des « réformes structurelles indispensables au retour de
la Grèce sur une trajectoire plus soutenable des comptes publics, »
et à ce que l'UE « instaure
un gouvernement économique qui coordonnerait l'action
européenne. »
Entre
1967 et 1974, la Grèce était sous un régime militaire. Il se peut
que les bourgeoisies grecque et européenne aient le sentiment que
si PASOK, aidé par les syndicats et les soi-disant partis de gauche
groupés au sein de l'alliance SYRIZA ne parviennent pas à contenir
la classe ouvrière, il faille revenir à des formes de gouvernance
aussi répressives.
Il
s'agit là d'une stratégie à haut risque. La presse française et
certains ministres du gouvernement ont exprimé leur inquiétude
devant le refus catégorique de Merkel de renflouer le gouvernement
grec, craignant que la révolte grecque ne se propage à la France
et ailleurs encore.
Le
quotidien économique conservateur Les
Echos rapportait le 5 mars,
« Christine Lagarde, ministre
française des Finances, aimerait toutefois que l'Union européenne
propose à la Grèce un soutien plus « explicite » que
celui qui a été exprimé le 11 février, à l'occasion du sommet
européen. » L'éditorial ajoute
qu'un plan d'austérité en France similaire à celui de la Grèce
« jetterait instantanément
1 million de manifestants dans les rues de Paris.... Angela
Merkel devra apprendre à dire non plus « nein » mais
« nai » - « oui » en grec ».
L'éditorial
du 4 mars du quotidien économique La
Tribune, tout en approuvant les
mesures d'austérité déclarait, « Maintenant,
essayons d'imaginer ce que cela signifierait à l'échelle
française....On a envie de chasser bien vite ce cauchemar. »
L'éditorial
du 5 mars de Libération
mettait également en garde contre « l'indignation
des peuples ».
Sarkozy
et Merkel ont clairement fait comprendre que, passant outre de
telles inquiétudes, ils sont déterminés à aller de l'avant.