Après une réunion le
matin avec Jean-Claude Juncker, président de l'Eurogroupe, le
premier ministre grec, Georges Papandreou a rencontré vendredi soir
à Berlin la chancelière allemande, Angela Merkel, pour leur
assurer qu'il imposerait les mesures d'austérité drastiques
exigées par les banques européennes et l'Union européenne.
Au moment où le premier
ministre social-démocrate du PASOK en appelait au soutien politique
de l'Allemagne à l'égard de son gouvernement à l'heure où
il attaque le niveau de vie de la classe ouvrière grecque, des
dizaines de milliers de travailleurs et de jeunes protestaient à
Athènes et à Thessalonique en brandissant des bannières réclamant
la « guerre contre la guerre des capitalistes. »
Des manifestations
spontanées ont éclaté près des bâtiments du gouvernement et du
parlement grecs alors que les députés lors d'une séance
spéciale votaient le dernier plan de mesures de rigueur annoncé
mercredi par Papandreou.
Plusieurs centaines de
manifestants ont encerclé le ministère des Finances à Athènes et
empêché les responsables de pénétrer dans le bâtiment. Les
manifestants ont temporairement occupé plusieurs bureaux et
contrôlé l'entrée du ministère en déployant une énorme
banderole disant « Soulevez-vous pour que les mesures ne
s'appliquent pas. »
Alors
que Papandreou était encore à Berlin, une nouvelle grève des
contrôleurs aériens paralysait tous les aéroports de Grèce. A
Athènes, aucun bus ou tramway n'était en service vendredi. Les
instituteurs des écoles primaires et même les policiers qui sont
touchés par les réductions projetées ont appelé à débrayer.
Une nouvelle grève nationale est prévue
pour le 16 mars.
Lors de
ses entretiens à Berlin, Papandreou a assuré à Merkel et Juncker
qu'il était prêt à imposer « les mesures douloureuses ».
Il a déclaré qu'il n'était pas venu à Berlin pour demander
au gouvernement allemand de l'argent. Il ne demandait pas aux
« contribuables allemands de payer nos retraites et nos
vacances », a dit Papandreou dans une interview au Frankfurter
Allgemeine Zeitung.Il
s'agissait plutôt de trouver un appui politique pour les mesures
d'austérité de son gouvernement.
Mercredi, le gouvernement
grec a accepté un deuxième plan d'austérité encore plus
drastique incluant des augmentations d'impôt et une réduction
des dépenses publiques s'élevant à 4,6 milliards d'euros. Les
mesures comprennent une hausse de la taxe à la valeur ajoutée
(TVA) passant de 19 à 21 pour cent ; une réduction de 10 pour
cent du salaire des fonctionnaires du public, une augmentation de la
taxe sur le carburant, du prix des cigarettes et de l'alcool, un
gel des retraites et une réduction des primes de vacances versées
aux fonctionnaires.
En annonçant les
nouvelles mesures, Papandreou a parlé de « situation de
guerre » pour la Grèce. La population devait être prête à
faire des sacrifices, a-t-il dit, pour « la survie de notre
pays. »
Merkel et Juncker ont
salué les dernières mesures en date comme un premier pas
important, mais en prévenant Papandreou qu'il ne pourrait pas
relâcher la pression et qu'il devait envisager des mesures
d'austérité supplémentaires pour rassurer les marchés
financiers internationaux et améliorer la réputation auprès des
organismes de crédit.
Merkel s'est fermement
abstenue de formuler toute promesse de soutenir financièrement le
gouvernement grec. Au lieu de cela, elle a loué la volonté de
Papandreou de coopérer étroitement avec l'Union européenne en
promettant un soutien politique pour l'imposition des mesures
d'austérité.
Merkel n'a pas révélé
quel était le contenu de ce soutien politique mais il est évident
qu'un tel soutien ne peut que dépendre de la capacité du régime
PASOK à défier l'opposition de la population aux coupes
budgétaires. Ce qui ne peut que signifier un soutien pour toute
mesure répressive que Papandreou pourrait instaurer pour réprimer
les grèves et les protestations visant à lutter contre le
programme d'austérité.
Depuis l'introduction
des Accords de Schengen, ratifiés il y a dix ans par le parlement
grec, et l'élimination des contrôles aux frontières qui s'en
est suivi, la coopération entre les agences de sécurité grecques
et allemandes a été intensifiée. Cette coopération sera
renforcée dans le but de venir à bout des grèves et des
manifestations de masse.
Parallèlement, le
gouvernement Merkel profite de ses relations avec les syndicats pour
contrôler les grèves et les manifestations en Grèce et pour
empêcher qu'elles ne s'étendent. Les syndicats allemands
jouent un rôle clé dans les organisations ouvrières européennes
et internationales et ils ont travaillé implacablement pour
empêcher l'émergence de luttes à l'échelle européenne à
l'encontre des licenciements et des attaques contre le niveau de
vie de la classe ouvrière.
Ce faisant, ils ont lié
des appels occasionnels de protestation pour contenir la combativité
populaire et la colère à une collaboration étroite avec les
entreprises et les gouvernements européens. John Monks, secrétaire
général de la Confédération européenne des syndicats (ETUC),
s'était adressé durant la grève générale du 24 février au
rassemblement d'Athènes. Au moment même où il était en train
de dénoncer verbalement les mesures d'austérité de l'UE, le
plus important syndicat allemand, l'IG Metall signait, dans une
action d'arrière-garde pour soutenir le gouvernement Merkel et
les banques allemandes, un accord prévoyant le gel des salaires
pendant deux ans.
Lors de sa visite à
Berlin, Papandreou s'est comporté comme un social-démocrate
typique. Face à la colère populaire grandissante en Grèce, il
s'est efforcé de conquérir le soutien de la puissance
impérialiste la plus forte sur le continent. Sachant que les
banques allemandes sont les forces les plus influentes derrière les
dictats financiers de Bruxelles, il a à maintes reprises manifesté
son empressement pour aboutir à une coopération des plus étroites
possibles. Sa servilité à l'égard de Merkel était flagrante et
éhontée.
Ceci
n'a pas satisfait les médias et l'establishment politique
allemands. Le journal Die Welt avait
par avance déjà rapporté que le gouvernement allemand souhaitait
la nomination d'un « représentant spécial européen »
en Grèce dont le rôle serait de superviser sur place l'application
du plan d'austérité. Il ou elle pourrait aussi servir de
« paratonnerre pour les protestations de la population
grecque », écrivait le journal.
Papandreou n'a pas
formulé la moindre protestation contre de telles menaces visant la
souveraineté nationale de son pays ou contre les exigences de
placer la Grèce sous administration judiciaire.
Le
comportement servile du premier ministre grec semble avoir attisé
l'arrogance de certains politiciens allemands et de certaines
sections des médias. Dans une interview accordée au quotidien
Bild, Josef
Schlarmann, le président chrétien-démocrate (CDU) de
l'association des PME, a dit : « Ceux qui sont
insolvables doivent vendre tout ce qu'ils possèdent pour payer
leurs créditeurs. » La Grèce, a-t-il remarqué, possède des
bâtiments, des entreprises et des îles inhabitées « qui
pourraient servir pour résorber la dette ».
Marco Wanderwitz, un
chrétien-démocrate en vue, a réclamé que la Grèce fournisse des
« garanties en échange [.] par exemple quelques îles
grecques ».
Dans
une provocation délibérée, Bild a
publié dans son édition de vendredi une lettre ouverte adressée à
Papandreou disant, « Quand vous lirez ces lignes, vous serez
dans un pays bien différent du vôtre. Vous êtes en Allemagne. »
La lettre poursuit en
disant que contrairement à la Grèce, les gens ne passent pas leur
temps à ne rien faire en Allemagne mais travaillent jusqu'à « 67
ans ». L'Allemagne, pouvait-on lire, est un pays où cela
faisait un certain temps que les travailleurs n'avaient pas eu
d'augmentation de salaire généreuses, pas même les
fonctionnaires.
« Ici, personne
n'est obligé de payer des milliers d'euros de pots-de-vin »
pour être hospitalisé, poursuit la lettre en vitupérant. Bien que
l'Allemagne ait aussi de grosses dettes, elle est capable de les
rembourser « parce que nous nous levons tôt le matin et
travaillons toute la journée ».
Il faudrait remonter à
l'époque nazie pour trouver un tel niveau d'arrogance
rédactionnelle visant des gens « inférieurs ».