Le
gouvernement hollandais est tombé samedi lorsqu'un des membres de
la coalition dirigeante - le Parti du Travail social-démocrate
(PvdA) - a refusé de soutenir une nouvelle extension du
déploiement militaire hollandais en Afghanistan.
Le
Parti du Travail qui partage le pouvoir avec les
chrétiens-démocrates et l'Union
chrétienne a justifié sa décision en disant que la crédibilité
du parti était en jeu.
Le
Parti du Travail a perdu une bonne partie de son soutien lors des
dernières élections en raison principalement de son maintien de
l'intervention militaire en Afghanistan. Commentant la décision
de son parti de s'opposer à un nouveau mandat, le dirigeant du
Parti du Travail et vice-premier ministre, Wouter Bos s'est plaint
de ce que l'intervention était « un fardeau trop lourd
pour l'armée hollandaise ».
Il
a poursuivi en disant : « Quand nous avons étendu [le
mandat du déploiement des troupes hollandaises en Afghanistan] il y
a deux ans, nous avons promis à la population hollandaise que ce
serait la dernière fois. Et donc, cela aurait été assez peu
crédible si nous avions à nouveau reporté la date. »
Les
Pays-Bas déploient actuellement 1.400 soldats dans la province
d'Uruzgan dans le sud du pays. Le nombre
total de ses troupes stationnées en Afghanistan est évalué à
environ 2.000.
Vingt
et un soldats néerlandais ont été tués depuis que le gouvernement
a envoyé la première fois des troupes en 2006 dans le but de
soutenir la mission de l'OTAN. Les sondages d'opinion ont à
maintes reprises clairement indiqué que la majorité de la
population était opposée au déploiement en Afghanistan et voulait
un retrait immédiat des troupes néerlandaises. C'est dans ce
contexte que le gouvernement hollandais avait fixé une date butoir
pour le retrait de ses troupes d'ici le mois d'août prochain.
Au
cours de ces quelques derniers mois, les Etats-Unis et la
Grande-Bretagne ont renforcé la pression sur le gouvernement de La
Haye pour qu'il renouvelle son engagement militaire à Uruzgan.
L'augmentation du contingent de troupes européennes est la pierre
angulaire de la stratégie du « surge » (la montée en
puissance) décidé par le gouvernement Obama et qui a envoyé des
dizaines de milliers de soldats supplémentaires en Afghanistan.
A
l'origine, les Etats-Unis réclamaient à l'Europe jusqu'à
10.000 hommes supplémentaires. En réponse, l'OTAN promettait de
fournir quelque 7.000 hommes mais ce total comprend des troupes qui
se trouvent déjà dans le pays et de nombreux gouvernements n'ont
pas encore pris d'engagements fermes quant aux contingents promis.
L'opposition
populaire à la politique militaire du gouvernement hollandais et à
l'intervention des troupes hollandaises en Afghanistan avait
augmenté en début d'année suite à la publication d'un rapport
de la Commission d'enquête néerlandaise sur la guerre en Irak en
2003. La Commission Davids avait rejeté les arguments centraux
utilisés pour justifier les actions des gouvernements américain et
britannique en concluant que la guerre en Irak était illégale en
vertu de la loi internationale. Le rapport avait aussi critiqué le
rôle joué dans la guerre en Irak par le gouvernement hollandais
dirigé par le premier ministre chrétien-démocrate, Peter
Balkenende, qui est aussi le dirigeant de la coalition qui vient de
démissionner.
Au
début du mois, le secrétaire général de l'OTAN, Anders Fogh
Rasmussen, avait eu des pourparlers avec Maxime Verhagen, la ministre
chrétien-démocrate des Affaires étrangères. Il avait ensuite
adressé une lettre à Balkenende en vue d'une extension de la
mission néerlandaise.
En
réponse à la demande du secrétaire général de l'OTAN, le Parti
du Travail néerlandais a tendu le rameau d'olivier. Le député
travailliste Martijn van Dam a déclaré que son parti serait prêt à
soutenir la poursuite d'une intervention impliquant la formation
d'un nombre restreint d'ingénieurs et de personnel médical
afghans. Mais étant donné que des troupes hollandaises seraient
nécessaires pour assurer la sécurité d'une telle mission, la
proposition de van Dam était un moyen détourné pour permettre la
continuation du déploiement hollandais.
Toutefois,
après que la nouvelle a été connue la semaine passée que les
négociations de l'OTAN avaient donné le feu vert pour la
prolongation du déploiement hollandais, la colère est montée dans
l'opinion publique. Bos a affirmé n'avoir pas été au courant
des négociations - une affirmation hautement douteuse et qui a
immédiatement été rejetée par les chrétiens-démocrates
insistant pour dire que Bos était parfaitement informé ; elle
a de plus été accueillie avec beaucoup d'incrédulité par
l'opinion publique.
C'est
dans ce contexte que le Parti du Travail s'est séparé de ses
partenaires de la coalition. Au terme d'une réunion ministérielle
de 16 heures et qui a duré jusqu'au petit matin de samedi,
Balkenende a déclaré la fin de sa coalition avec le Parti du
Travail.
Le
parti des chrétiens-démocrates et de l'Union chrétienne
devraient expédier les affaires courantes en attendant
l'organisation de nouvelles élections législatives anticipées
qui devraient avoir lieu au début de l'été. Dans ces conditions
où tous les partis de la coalition ont été discrédités on
assume que le parti anti-immigrant d'extrême droite de Geert
Wilders, le Parti de la liberté (PVV), pourrait remporter le
scrutin ou arriver en deuxième position lors des nouvelles
élections.
La
chute du gouvernement hollandais représente un sérieux coup porté
à la stratégie du gouvernement américain en Afghanistan. Certes,
le nombre des soldats néerlandais en Afghanistan est limité par
rapport au déploiement américain - qui devrait atteindre 100.000
hommes d'ici la fin de l'année - et pourtant les experts en
politique et les spécialistes de la politique extérieure craignent
que la décision néerlandaise ne forme un prélude à ce que
d'autres pays retirent également leurs troupes.
Le
parlement allemand doit décider vendredi de l'extension du mandat
de ses propres troupes en Afghanistan. Tout comme aux Pays-Bas, il
existe en Allemagne une hostilité massive contre l'intervention
des troupes allemandes à la mission des Etats-Unis et de l'OTAN.
Aux
dires de Julian Lindley-Rench, professeur à l'académie de la
défense des Pays-Bas à Breda : « Si les Hollandais se
retirent, ce à quoi cela aboutirait, cela pourrait ouvrir les vannes
et faire dire aux autres Européens : "Les
Hollandais se retirent, pourquoi pas nous aussi."
Les conséquences seraient que les Etats-Unis et les Britanniques
devraient porter une charge plus grande. »
La
fin du gouvernement hollandais et l'éventualité d'un retrait
des troupes hollandaises se produit aussi à un moment où l'alliance
Etats-Unis/OTAN est confrontée à une opposition grandissante à
l'encontre de l'opération qu'elle mène contre les talibans
dans la province du Helmand qui est limitrophe de la province
d'Uruzgan.
Les
commentaires faits par le dirigeant du Parti du Travail, Wouter Bos,
après que son parti a quitté la coalition gouvernementale, montre
clairement qu'il n'existe aucun différend au sein des
sociaux-démocrates lorsqu'il s'agit de recourir aux troupes
hollandaises pour des interventions militaires en faveur de la
défense des intérêts hollandais. Bos représente une section de
l'élite dirigeante aux Pays-Bas qui est de plus en plus préoccupée
par le déroulement de la campagne en Afghanistan, qui rechigne à
utiliser les troupes hollandaises pour défendre les intérêts
américains dans la région et qui redoute les conséquences
intérieures et politiques d'une participation hollandaise continue
dans la guerre.
L'opposition
populaire à la guerre est liée au mécontentement social face à
l'impact de la crise économique et des mesures d'austérité du
gouvernement. Balkenende avait annoncé des projets pour rehausser
l'âge du départ à la retraite et pour imposer des coupes
drastiques dans les programmes sociaux dans le but de récupérer les
sommes considérables que le gouvernement avait allouées au
sauvetage des banques hollandaises au plus fort de la crise
économique.
Tout
comme dans le cas de la politique militaire, les sociaux-démocrates
n'ont pas de différends fondamentaux avec une telle politique.
Depuis les années 1990, le Parti du Travail est considéré comme le
parti de la redistribution des richesses -
de la classe ouvrière vers ceux du haut de la société.
C'est
à cette époque que le PvdA, sous le premier ministre d'alors, Wim
Kok, avait appliqué un programme de coupes draconiennes dans les
dépenses sociales, ouvrant de ce fait la voie à l'entrée au
gouvernement des conservateurs menés par Balkenende. L'actuel
dirigeant travailliste, Bos, est un ancien directeur de la compagnie
Shell Oil qui jouit d'étroites relations avec le monde des
affaires hollandais.
A
présent, Bos et la direction du Parti du Travail en sont venus à la
conclusion que les mesures indispensables pour restaurer la
crédibilité des Pays-Bas ne peuvent, aux yeux de la finance
internationale, être appliquées par une coalition discréditée et
menée par Balkende. Au lieu de cela, le Parti du Travail
s'efforcera, grâce à ses liens étroits avec les syndicats, de
forger une nouvelle coalition qui s'engagera à appliquer les
coupes exigées par les banques et les intérêts patronaux
hollandais.