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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Un tournant en Europe

Par Chris Marsden
1er mars 2010

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La grève générale de mercredi en Grèce impliquant 2 millions de travailleurs de la fonction publique et du privé marque un tournant dans la situation politique en l'Europe. Elle représente la manifestation la plus significative d'un mouvement de résistance grandissant à l'encontre de la tentative des gouvernements d'Europe et des grands groupes de faire payer aux travailleurs la crise économique et les plans de sauvetage des banques s'élevant à plusieurs millions d'euros.

Dès le départ de ce nouveau mouvement de la classe ouvrière, deux caractéristiques fondamentales émergent : le mouvement revêt un caractère transfrontalier et international et les travailleurs se voient immédiatement confrontés à la faillite de leur vieux syndicat et aux organisations politiques qui toutes sont attachées à un programme nationaliste.

En effet, les mesures d'austérité sont imposées par les gouvernements de la « gauche » officielle tout comme ceux du « centre » et de la « droite ».

Cette semaine l'on a assisté à une suite de grèves et de manifestations à travers l'Europe.

Lundi, les 4.500 pilotes de Lufthansa en Allemagne ont débrayé. En France, les contrôleurs aériens ont fait grève en même temps que les travailleurs de six raffineries de pétrole. Les membres des équipages de cabine de British Airways ont voté à plus de 80 pour cent pour la grève.

Mardi, des rassemblements de protestations ont eu lieu à Madrid, Barcelone et Valence contre les mesures d'austérité du gouvernement du Parti socialiste ouvrier (PSOE) espagnol de Jose Zapatero. Les syndicats de la République tchèque ont annoncé que les transports publics seraient paralysés la semaine prochaine.

Une grève d'une journée dans la fonction publique est prévue le 4 mars au Portugal en raison de l'extension du gel des salaires dans le cadre des mesures destinées à faire passer le déficit de 9,3 pour cent à 3 pour cent du produit intérieur brut d'ici 2013. Les pilotes français ont également annoncé des projets de grève pour la fin de la semaine.

Ces grèves et ces manifestations ne sont que les premières réactions des travailleurs européens à l'offensive qui est lancée contre eux. Les plus importantes manifestations ont eu lieu dans les pays où les coupes les plus rigoureuses ont été annoncées.

Le Portugal, l'Italie, la Grèce et l'Espagne, les soi-disant « PIGS », ont été pris en ligne de mire par les banques et les spéculateurs financiers et ont été sommés par l'Union européenne de réduire sévèrement leurs déficits budgétaires. Ceci créera un précédent pour des coupes identiques de par l'Europe. Mais le fait que les luttes sociales se sont étendu, à l'Allemagne, la France et au Royaume-Uni révèle toutefois le développement éventuel d'un véritable mouvement paneuropéen.

Ces mêmes tendances qui sous-tendent la réémergence de la lutte de classes en Europe existent aussi en Amérique du Nord et du Sud, en Asie et en Afrique.

De nombreuses protestations et manifestations étaient relativement petites, un fait mis en avant par la presse économique pour exiger que les gouvernements respectifs restent fermes sur l'application des mesures d'austérité. Néanmoins, des commentateurs plus perspicaces étaient conscients des implications plus vastes de ces actions. Dans un article du journal Independent, Sean O'Grady a déclaré que les grèves signalaient le début de « l'hiver du mécontentement européen ». Elles « ne sont que les prémisses de la plus grande manifestation de mécontentement public vu sur le continent depuis la ferveur révolutionnaire de 1968 », a-t-il poursuivi.

Commentant l'impact politique des mesures d'austérité qui plongeront des millions de personnes dans le chômage et démoliront les services sociaux en Grèce, au Portugal, en Espagne et en Italie, il a remarqué, « Les tensions démocratiques dans les pays qui avaient été menés par des dirigeants fascistes ou les militaires - et dont ces pays ont gardé un vif souvenir - sont en train de croître. »

La base d'un mouvement social et politique embrassant le continent dans sa totalité a ses racines dans les problèmes communs auxquels les travailleurs sont confrontés dans une économie mondiale dominée par les grands groupes et les banques internationales. Ces organisations et les oligarques financiers qu'elles représentent exigent des réductions sans précédent dans les programmes sociaux, les salaires et les retraites afin de payer pour les milliers de milliards de dollars qu'ont octroyés les gouvernements européens aux banques. Elles spéculent même contre toute économie considérée être fortement endettée et qui refuse d'appliquer les attaques indispensables contre la classe ouvrière et augmentant de ce fait la pression financière sur les gouvernements visés.

Jusque-là, le caractère objectivement international du mouvement qui se développe en Europe ne trouve aucune expression politique ou organisationnelle. Au contraire, il se heurte partout à l'opposition déterminée des syndicats allant même jusqu'au sabotage délibéré.

Cette semaine encore, de nombreuses premières tentatives de résistance de la classe ouvrière ont été trahies. Le syndicat allemand des pilotes, le Vereinigung Cockpit, a annulé la grève chez Lufthansa dès le premier jour, et la Confédération générale du travail (CGT) a annulé la grève contre le géant pétrolier Total en France. Dans les deux cas, les syndicats ont capitulé sans avoir satisfait aucune des revendications des travailleurs. Quant au syndicat Union en Grande-Bretagne, il a annoncé hier qu'il « garderait à l'esprit » le mandat de grève de ses membres contre British Airways tant que durent les négociations.

Du point de vue des syndicats, les manifestations et les grèves qui ont eu lieu, devaient servir à faire tomber la pression plutôt qu'à mobiliser un mouvement politique contre les gouvernements imposant des mesures d'austérité. Les syndicats dépeignent leur gouvernement respectif comme étant de simples otages soit de l'Union européenne soit des spéculateurs au lieu de représentants politiques de la classe capitaliste.

Les réductions draconiennes sont imposées par des gouvernements sociaux-démocrates venus au pouvoir en raison de l'hostilité populaire à l'encontre des gouvernements droitiers, PASOK en Grèce, PSOE en Espagne et le Parti socialiste au Portugal. A chaque fois, ils ont été élus avec le soutien des bureaucraties syndicales et qui leur sont restées fidèles alors même que des budgets d'austérité avaient cédé le pas aux réformes promises.

L'objectif des syndicats est de canaliser les tensions sociales et de garantir qu'elles ne soient pas une menace au patronat et à l'Etat. Un porte-parole de la Confédération générale des travailleurs grecs (GSEE) l'a souligné en disant que l'imposition des mesures d'austérité projetées par PASOK serait « tragique parce qu'elle provoquera de l'agitation sociale et des affrontements. »

L'Irlande est citée par les financiers mondiaux comme un exemple à imiter pour imposer les réductions de 10 à 15 pour cent des salaires et des services sociaux. Le gouvernement du Fianna Fail n'est en mesure de le faire qu'en raison de l'aide active des syndicats irlandais qui ont annulé des grèves contre le budget impliquant des centaines de milliers de travailleurs.

Le Congrès irlandais des syndicats limite les actions contre le gouvernement à une grève du zèle dans le secteur public. Son dirigeant, Jack O'Connor, a déclaré, « Il y a ceux qui nous présentent comme des gens qui cherchent à faire renverser le budget et à saper un gouvernement démocratiquement élu. Je déclare expressément qu'un accord peut être établi. »

Quelles que soient les intentions de la bureaucratie syndicale, la colère suscitée par les coupes dictées par les banques et les grands groupes continuera de croître. Ses efforts en vue de contrôler cette opposition, de l'étouffer et de la trahir ne mènera qu'au développement d'un mouvement de masse et qui devra obligatoirement prendre la forme d'une rébellion politique contre les syndicats et les gouvernements qu'ils défendent.

Il n'existe pas de solution nationale à la crise à laquelle sont confrontés les travailleurs en Grèce, en Espagne, au Portugal ou ailleurs. Ils sont poussés dans une lutte commune contre le capital organisé mondialement. La question fondamentale qui se pose à la classe ouvrière européenne tout entière est l'adoption d'un programme socialiste et internationaliste comme base d'une nouvelle direction politique et de nouvelles organisations de masse pour engager la lutte de classe contre les organisations nationalistes et pro-capitalistes du mouvement ouvrier officiel.

(Article original paru le 26 février 2010)


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