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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Grèce : la crise de l’euro et les tâches auxquelles est confrontée la classe ouvrière européenne

Par Ulrich Rippert
5 mai 2010

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De hauts responsables allemands et du Fonds monétaire international (FMI) ont discuté hier d'un plan d'aide de 135 milliards d'euros pour la Grèce au moment où les craintes augmentent d'un risque de défaillance de plusieurs pays européens sur leurs dettes, dont la Grèce, le Portugal et l'Espagne. L'agence de notation Standard & Poor's a rétrogradé la note de crédit de l'Espagne de AA+ à AA en ajoutant qu'elle s'attendait à une croissance lente et à davantage de dégradations pour la période à venir.

Le montant proposé pour la Grèce est près de trois fois celui du plan d'aide mentionné antérieurement et qui était une aide conjointe des Européens et du FMI d'un montant de 45 milliards d'euros. Le président du FMI, Dominique Strauss-Kahn, a refusé de confirmer les chiffres cités pour un éventuel plan d'aide après les réunions de Berlin tout en disant que ceux-ci seraient confirmés au cours des négociations en cours entre le FMI et les responsables grecs à Athènes.

Lors des discussions à Athènes qui sont censées durer jusqu'à la semaine prochaine, le FMI exigera un nouveau cycle de réductions des salaires et des dépenses sociales en échange de prêts à la Grèce à des taux d'intérêt d'environ 5 pour cent. Le gouvernement grec a déjà réduit les dépenses sociales de 10 pour cent, augmenté de deux ans l'âge de départ à la retraite et annoncé des projets pour éliminer deux mois de salaire dans le secteur public. Des rapports laissent supposer que le FMI exige d'importantes coupes dans les dépenses de santé et des suppressions d'emplois dans le secteur public, en partie en supprimant ou en restructurant 75 agences d'Etat.

Strauss-Kahn a remarqué que si la Grèce était prête à accepter la nouvelle proposition d'aide, elle n'aurait pas besoin d'emprunter sur les marchés financiers pendant trois ans. La discussion est survenue au moment où le rendement sur deux ans de la dette grecque a fait un bond, dépassant les 16 pour cent et celui de la dette grecque sur dix ans a battu un record absolu à plus de 10 pour cent. On s'attend à une faillite de la Grèce si elle est obligée d'emprunter à de tels taux d'intérêt.

Le montant substantiel de l'aide proposée semble avoir pour but d'enrayer toute panique supplémentaire après de gros mouvements de ventes d'actions sur les marchés boursiers. Mardi, la note de la Grèce avait été reléguée dans la catégorie spéculative (junk status).

Les marchés boursiers d'Europe et d'Asie ont de nouveau chuté hier. Les plus durement touchés étaient les pays d'Europe du Sud menacés par les attaques des spéculateurs.

L'indice IBEX de la bourse espagnole a chuté de 3 pour cent, l'indice MIB italien est tombé de 2,4 pour cent et le cours portugais PSI20 de 1,9 pour cent. D'autres indices européens ont également chuté. L'indice FTSE100 de Londres a cédé 0,3 pour cent, le DAX allemand a perdu 1,22 pour cent et le CAC40 français, 1,5 pour cent. Soutenue par l'annonce de la proposition d'aide, la bourse d'Athènes a gagné 1,8 pour cent après six jours de pertes.

On ne sait pas si le nouveau plan d'aide calmera les marchés financiers et surtout quel degré de soutien il jouira en réalité au sein de la bourgeoisie européenne. Plusieurs précédents accords sont déjà restés sans effet parce que les banques redoutaient que Berlin refuse finalement le financement de l'aide.

Des précisions concernant les discussions entre le FMI et l'Allemagne à Berlin ont été révélées par Jürgen Trittin, le dirigeant du groupe parlementaire des Verts et Thomas Oppermann, le président du groupe parlementaire du Parti social-démocrate allemand (SPD). La contribution allemande se situerait entre 16 et 24 milliards d'euros contre les 8,4 milliards d'euros initialement projetés. Merkel a été confrontée à des critiques venant des partis composant sa propre coalition gouvernementale, remettant en cause la légalité de l'aide à la Grèce.

Quant à elle, Merkel a dit : « Le traitement de l'affaire grecque montre que tout le monde sait que nous ne pouvons pas permettre que les pays connaissent une situation identique à celle de Lehman Brothers [.] Si la stabilité de la zone euro dans son ensemble est en danger chaque Etat membre, y compris l'Allemagne, se sent responsable du maintien de la stabilité. »

Tout comme Strauss-Kahn, toutefois, elle a décliné de préciser les détails du plan. « Nous parlerons chiffres une fois le plan négocié, » a-t-elle dit.

On ne connaît pas non plus clairement le montant des dettes grecques qui sera finalement remboursé. Les responsables européens ont insisté pour dire qu'il ne sera pas permis à la Grèce de réduire le volume de ses obligations.

Le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, a dit au journal Handelsblatt que le plan d'aide proposé ne « concernait pas une restructuration, qu'il n'en était pas question, et qu'aucune personne occupant un poste gouvernemental n'en parlait. » Le président du Conseil européen, Herman van Rompuy, a également dit qu'il « n'était pas question » que la Grèce soit autorisée à restructurer sa dette.

Cependant, le Financial Times a écrit que « le marché est moins optimiste et se prépare à ce qui pourrait être une restructuration onéreuse et problématique de près de 300 milliards d'euros d'obligations grecques. » Il cite des évaluations selon lesquelles seul entre 30 et 50 pour cent des emprunts seraient remboursés, en ajoutant que les investisseurs devaient se préparer « à mener une lutte de longue haleine pour récupérer leur argent ».

Ceci fait risque de provoquer une lutte acharnée au sein de l'Europe : les pays de la zone euro détiennent 164 milliards d'euros de la dette gouvernementale grecque, des dizaines de milliards étant détenus par l'Allemagne, la France, l'Italie, la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg.

La crise financière se propage dans l'ensemble de l'Europe. Le journal Atlanta Journal-Constitution a cité Nicholas Skourias, le chef du fonds d'investissement Pegasus Securities à Athènes : « Il existe un risque très sérieux de contagion. C'est comparable à la période post-Lehman Brothers. Tout le monde est en train de paniquer et de fortes craintes sont ressenties sur le marché. »

Le New York Times a écrit hier que « la communauté internationale sera peut-être obligée de verser une contribution bien plus grande non seulement pour soutenir la Grèce mais aussi le Portugal et l'Espagne. » Il a cité Piero Ghezzi, économiste de Barclays Capital : « La somme serait énorme. Quatre-vingt-dix milliards d'euros pour la Grèce, 40 milliards pour le Portugal et 350 milliards pour l'Espagne - maintenant nous parlons vraiment argent. »

En d'autres termes, des sommes énormes de fonds publics vont être octroyées aux banquiers qui contrôlent les dettes grecques en échange de quoi l'on s'attend à ce qu'Athènes, Lisbonne, Madrid et d'autres gouvernements européens extorquent à la classe ouvrière des acquis sociaux massifs. Comme l'écrivait le New York Times il y a un mois, de telles annonces de plan de sauvetage encouragent les « investisseurs à tester la détermination de l'Europe - notamment de l'Allemagne - à venir en aide à d'autres économies européennes menacées, à commencer par le Portugal. »

La dégradation de la note de crédit de l'Espagne par S&P a été une autre initiative importante et qui, tout en reflétant les faibles perspectives des économies espagnole et mondiale, facilitera aux banques le pillage de l'Europe. A l'annonce de cette nouvelle, le rendement des bons du Trésor espagnols est immédiatement passé à 4,127 pour cent. La veille, S&P avait abaissé la cote de crédit du Portugal de A+ à A-, au motif que le gouvernement portugais pourrait bien de ne pas être assez fort pour imposer une politique de rigueur à la population.

L'analyste de S&P, Marko Mrsnik, a déclaré : « Nous pensons à présent que la fin de la croissance à crédit de l'économie espagnole résultera probablement dans une période plus longue de lente activité que nous nous ne l'avions supposé jusque-là. Nous tablons dorénavant sur une croissance annuelle du PIB (produit intérieur brut) de 0,7 pour cent entre 2010-2016, contre 1 pour cent annuellement initialement prévu pour cette période. »

Bien que la dette gouvernementale de l'Espagne corresponde à un pourcentage relativement faible de 56 pour cent du PIB, sa dette du secteur public s'élève à 178 pour cent du PIB et elle dépend de prêts étrangers pour le financement de ses dettes.

L'une des principales préoccupations des banques est la crainte que l'opposition de la classe ouvrière au programme d'austérité sociale puisse échapper au contrôle des syndicats et des gouvernements sociaux-démocrates qui organisent ces réductions.

Plusieurs grèves ont éclaté hier en Grèce, y compris celles des enseignants et des techniciens de radio, et des postulants à des emplois au sein du service public ont manifesté devant le ministère des Finances. La veille, les travailleurs des transports publics avaient débrayé tout comme les marins du port de Pirée. Au Portugal, les salariés des transports publics ont fait grève contre le gel des salaires prévu par le gouvernement social-démocrate du premier ministre José Sócrates.

Une autre grève des marins grecs est prévue pour le 1er mai.

La Confédération générale des Travailleurs grec (GSEE) du secteur privé et l'Union des fonctionnaires (ADEBY) dont les directions font partie du PASOK social-démocrate qui organise les réductions en Grèce et qui collaborent politiquement avec lui, sont en train de préparer une autre grève générale de 24 heures prévue pour le 5 mai. Ces organisations regroupent 2,5 millions de travailleurs, soit près de la moitié des salariés grecs.

Les tensions sociales et politiques risquent de plus en plus de faire chuter la monnaie commune, qui est tiraillée entre les pays tels la Grèce ou l'Espagne qui veulent une monnaie plus faible et une politique plus inflationniste et les pays tels l'Allemagne qui réclament une faible inflation.

Le quotidien espagnol, El Pais, a publié une rubrique intitulée « L'irresponsabilité d'une chancelière » dans laquelle il attaque « le nationalisme allemand et l'euroscepticisme » du fait que l'Allemagne se fait prier pour financer une aide. L'article conclut sur la question de savoir si les politiciens et les économistes des pays de l'UE, en dehors de l'Allemagne, « ne commencent pas à se demander si une union monétaire avec l'Allemagne est vraiment une bonne chose. »

Par ailleurs, répondant aux critiques selon lesquelles elle avait aggravé la situation de par son opposition exprimée en février et en mars au plan d'aide, Merkel a réagi en disant hier que la Grèce n'aurait peut-être pas dû adhérer à l'euro. Elle a dit « la décision n'avait probablement pas été assez réfléchie ».

(Article original paru le 29 avril 2010)


Voir aussi :

La crise grecque et la lutte pour les États socialistes unis d'Europe [28 avril 2010]

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