La vie politique en Grande-Bretagne a d'ores et déjà subi un
changement profond quel que soit le résultat de l'élection
législative qui aura lieu dans ce pays le 6 mai.
Le trait le plus extraordinaire de cette campagne électorale est la
déliquescence du Parti travailliste. Les prédictions varient quant
à la forme que prendra la coalition gouvernementale qui sera le
plus probable résultat de ces élections. Mais la probabilité d'un
gouvernement de coalition provient avant tout de l'effondrement du
soutien vis-à-vis du Parti travailliste.
Le Parti travailliste n'a obtenu que 33 pour cent des voix en
2005, mais les dernières estimations disent qu'il pourrait bien
passer en troisième position, derrière les conservateurs et les
Libéraux démocrates ; les prédictions les moins favorables
donnent aux travaillistes dix-huit pour cent des voix seulement. Ce
serait la première fois que les travaillistes arriveraient derrière
les libéraux depuis 1922.
Jusque-là, les travaillistes avaient calculé qu'ils pourraient
encore réussir à se maintenir au gouvernement en tant que parti
majoritaire, grâce au système électoral britannique qui donne le
siège parlementaire au parti ayant le plus de voix dans la
circonscription électorale, et qu'ils pourraient être capables
de constituer une coalition avec les libéraux démocrates, dont le
soutien a grandi principalement à cause de la défection des
électeurs travaillistes. Mais on parle à présent d'une
coalition des conservateurs avec les libéraux.
Il est difficile d'en dire plus sur le résultat probable de cette
élection. Le degré d'instabilité politique est tel que personne
ne sait combien de gens vont voter selon leur préférence déclarée.
Une estimation dit qu'un tiers des électeurs travaillistes disent
qu'ils pourraient finalement soutenir un autre parti.
Il n'est pas possible non plus d'estimer l'ampleur de ce qui
pourrait être une abstention massive de la part de ceux qui sont
dégoûtés par l'état actuel tout entier de la politique.
Ce qui est certain, c'est que les travaillistes ne se relèveront
pas d'une telle humiliation politique - ce qui ne devrait pas
être d'ailleurs. Le Socialist Equality Party en Grande-Bretagne
et ses candidats se sont opposés à tous les appels à voter pour
les travaillistes en tant que parti qui représenterait d'une
façon quelconque un « moindre mal » -- ce qui est la
position commune de tous les divers groupes de la pseudo-gauche.
Nous avons caractérisé le Parti travailliste de parti droitier du
grand patronat ne valant pas mieux que les tories (conservateurs
ndt) - un parti de l'austérité, du militarisme et de la
guerre, comme il l'a démontré par les treize années qu'il a
passées au gouvernement.
Il s'agit non seulement là d'une estimation politique correcte,
celle-ci est encore partagée par un nombre croissant de
travailleurs et de jeunes qui ont tiré des conclusions similaires
et n'ont que mépris pour le parti de Tony Blair et de Gordon
Brown.
L'effondrement des travaillistes est l'expression de la
transformation du rapport entre les organisations qui ont jadis
constitué le mouvement ouvrier et la grande masse de la classe
ouvrière.
Pendant plus d'une décennie, le Parti travailliste a agi comme le
pur représentant d'une oligarchie financière globale, certaine
de ne pas avoir à faire face à un défi important de la part de la
classe ouvrière. La participation du gouvernement travailliste à
la guerre en Irak a provoqué l'amertume et la colère mais cela
ne put s'exprimer parce que le monopole politique du Parti
travailliste était soigneusement préservé par les syndicats et
leur apologètes de la pseudo-gauche.
Tout cela a changé à présent. Le commencement de la crise
économique mondiale en 2008 a produit une forte intensification
d'antagonismes de classe qui ne peuvent plus longtemps être
contenus dans le cadre de la politique officielle. Des dizaines de
millions de gens qui, durant la dernière décennie, furent capable
de survivre en faisant des dettes massives sous forme d'hypothèques
et de crédit individuel, se voient à présent confrontés à un
terrible déclin de leur niveau de vie.
Un chômage risquant de dépasser les trois millions, la menace des
pertes d'emplois, les baisses de salaires et les reprises de
possession par les banques, hantent une majorité de la population.
Pendant plus d'un siècle, le Parti travailliste et les syndicats
qui lui étaient affiliés ont été le principal moyen ayant permis
de confiner les luttes de la classe ouvrière à une perspective
consistant à obtenir des réformes limitées qui ne menaçaient pas
la survie du capitalisme.
Le calcul qui était au centre du projet du néo-travailliste -
que le Parti travailliste pourrait rester une force politique
significative même après avoir abandonné ses promesses de
réformes, grâce au soutien de l'oligarchie financière - est à
présent caduc. Le résultat de cette stratégie a été de liquider
le Parti travailliste une fois pour toutes.
Ceci représente une crise politique majeure pour la bourgeoisie
britannique.
La semaine dernière il y eut des mises en garde de la part des
milieux dirigeants disant que les trois principaux partis devaient
être honnêtes vis-à-vis de l'électorat quant à l'ampleur et
à la brutalité des coupes qui allaient venir. Ces mises en gardes
trouvèrent leur point culminant dans un rapport de l'IFS
(Institute of Fiscal Studies - Institut des études fiscales)
disant que les coupures prévues par le Parti travailliste et les
Libéraux démocrates étaient comparables à celles imposées par
les travaillistes dans les années 1970.
Ces coupes avaient conduit à « l'hiver du
mécontentement » de 1978-1979 qui fit chuter le gouvernement
Callaghan. L'IFS dit des propositions de coupes faites par les
conservateurs qu'elles sont les plus sévères depuis la Deuxième
Guerre mondiale. Entre 70 et 80 pour cent de ces coupes n'ont pas
encore été nommées et, en réalité, plus encore sont prévues.
De telles mises en garde sont motivées par l'inquiétude que,
sans un accord sur ce qu'il est nécessaire de faire, aucun parti
ou coalition de partis n'aura le mandat requis pour imposer des
mesures d'austérité. Le problème est qu'obtenir un tel accord
populaire est impossible. Personne ne sera d'accord pour être
privé d'un salaire suffisant pour vivre, d'un emploi, d'une
retraite ou même d'un toit sur la tête.
Avant tout, le Parti travailliste n'est plus en mesure d'exploiter
la loyauté politique de larges parties de la classe ouvrière afin
de faire passer de telles attaques en alliance avec les syndicats.
L'effondrement des travaillistes présage d'énormes luttes de
classes à venir, des luttes qui doivent inévitablement conduire à
un réalignement politique fondamental en Grande-Bretagne.
Son impact initial a été de déstabiliser l'ensemble de la
politique bourgeoise, discréditant la croyance qu'avaient des
millions de travailleurs qu'ils pouvaient défendre leurs intérêts
au moyen du parlement. Il constitue pour cette raison un premier pas
nécessaire vers un nouveau mouvement véritablement socialiste de
la classe ouvrière. Ceci souligne l'importance de la campagne
électorale du Socialist Equality Party et l'urgence de sa
construction nécessaire pour rendre conscient ce mouvement naissant
et pour fournir la perspective, le programme et la direction dont la
classe ouvrière a besoin.