Depuis le 2 avril, le gouvernement du président Nicolas Sarkozy a
déchaîné une chasse aux sorcières islamophobe contre Lies Hebbadj, un
naturalisé français d'origine algérienne. Le but est de créer le climat
propice au vote d'une législation qui permettra à l'Etat de retirer,
quasiment à volonté, la nationalité française aux immigrés. C'est la
continuation d'une campagne réactionnaire commencée il y a un an, visant à
interdire le voile intégral, burqa ou niqab, et ayant pour dessein de
susciter des sentiments anti-musulmans dans l'opinion publique.
Le 9 juin, Hebbadj a été déféré au Parquet de Nantes dans un fourgon
cellulaireescorté de deux motards après avoir passé 48 heures en
garde à vue. Il a été mis en examen pour polygamie, fraude aux aides
sociales et travail dissimulé dans sa boucherie et son taxi-phone.
Sa compagne, Sandrine Mouleres, mère de quatre enfants avait aussi été
placée en garde à vue le 7 juin pour être interrogée sur la fraude aux aides
sociales, puis remise en liberté le lendemain à une heure du matin, après
18h de garde à vue. Le Procureur de la République a déclaré qu'une
perquisition du domicile s'était révélée « fructueuse, »mais qu'aucune
charge n'avait été retenue contre elle puisque ses explications concernant
«les infractions d'escroquerie et des prestations aux aides sociales
susceptibles de lui être reprochées » étaient « suffisantes. »
Il s'agit ici d'un acte de représailles policières face à l'opposition de
Mouleres à la campagne anti-burqa et anti-niqab du gouvernement. Le 2 avril,
au plus fort de l'agitation politico-médiatique autour de la loi interdisant
le port de la burqa, la police avait infligé à Mouleres une amende de 22
euros pour avoir pris le volant alors qu'elle portait le voile intégral.
Selon la police ce vêtement entravait sa vision. C'est la première fois que
cela se produit en France. Elle avait refusé de payer l'amende, disant qu'il
s'agissait d'un acte discriminatoire à son égard de la part de la police.
Hebbadj était monté au créneau pour prendre sa défense.
Le site de France Info rapporte: « Quatre de ses compagnes, dont
son épouse légitime, vont être convoquées ultérieurement par la justice et
mises en examen pour fraudes aux aides sociales ainsi que, pour certaines
d’entre elles, pour escroquerie. »
Le ministre de l'Intérieur Brice Hortefeux a immédiatement rendu
publiques les charges pour lesquelles Hebbadj est à présent mis en
accusation et a soulevé la possibilité de le déchoir de la nationalité
française. Dans une lettre officielle il a affirmé que Hebbadj «vivrait en
situation de polygamie avec quatre femmes dont il aurait eu douze enfants»
et qu'il était soupçonné de « fraudes aux aides sociales. »
L'expert juridique du quotidien conservateur Le Figaro fait
remarquer qu'actuellement un citoyen naturalisé ne peut perdre sa
nationalité que par décret du Conseil d'Etat, et s'il fait l'objet d'une
condamnation pour actes préjudiciables aux intérêts de la nation ou pour
acte de terrorisme ou actes «incompatibles avec la qualité de Français. »
Ce qui est plus délicat pour Hortefeux et Besson est la stipulation
qu'une déchéance de la nationalité ne peut intervenir que « si elle n’a pas
pour résultat de rendre apatride la personne concernée. » Il se pourrait
bien que cet aspect-là du code soit dans le collimateur du gouvernement.
Hebbadj a reconnu avoir des « maîtresses » mais il n'est officiellement
marié qu'à une seule femme. Il a contracté des mariages religieux avec trois
autres femmes qui, n'étant pas reconnues par le mariage civil, ne comptent
pas comme des épouses sous la loi française.
Le quotidien Libération du 26 avril cite la réponse de Hebbadj à
Hortefeux: « A ce que je sache, les maîtresses ne sont pas interdites en
France, ni par l'islam. Peut-être par le christianisme, mais pas en
France.....Si on est déchu de sa nationalité pour avoir des maîtresses, il y
a beaucoup de Français qui seraient déchus de la nationalité. »
La campagne anti-immigrés et islamophobe, dont un élément essentiel est
la loi interdisant la burqa, avait été lancée par le président Nicolas
Sarkozy après qu'il eut déclaré le 22 juin 2009 que « la burqa n'est pas la
bienvenue en France. » La mission sur la burqa, conduite par le député du
Parti communiste français André Gerin, avait été mise en place avec le
soutien de tous les partis parlementaires, dont le Parti socialiste, le
Parti communiste, le Parti de Gauche de Jean-Luc Mélenchon et les Verts.
La participation de la gauche bourgeoise à l'agitation contre la burqa a
ouvert la voie aux attaques du gouvernement.
Ceci a culminé le 11 mai lorsque le Parti socialiste a voté avec l'UMP à
l'Assemblée nationale pour une résolution appelant à l'interdiction totale
du voile intégral en public. Cette résolution a été votée unanimement tandis
que les députés du Parti communiste, des Verts et du Front de Gauche
s'absentaient de la Chambre des députés pendant le vote.
Ce vote s'est fait au mépris tout à fait conscient du fait que le 30 mars
dernier le Conseil constitutionnel, la plus haute cour administrative du
pays, s'était déclarée opposée à une législation interdisant la burqa. Elle
avait déclaré qu'« une interdiction absolue et générale du port du voile
intégral en tant que telle serait exposée à de fortes
incertitudes, » à la fois « constitutionnelles et conventionnelles. »
[par rapport à la Convention européenne des droits de l'Homme.]
Ces attaques contre les immigrés et les minorités sont une grossière
diversion visant à occulter les programmes draconiens d'austérité
actuellement imposés en France et dans toute l'Europe et un pas important en
direction de la destruction des droits démocratiques et du développement
d'un Etat policier. Ils servent aussi à justifier les interventions
militaires impérialistes de la France et de l'Union européenne en
Afghanistan et au Moyen-Orient.
Les représentants du gouvernement intensifient leur campagne contre les
droits à la citoyenneté. Le 9 juin, jour où Hebbadj avait été déféré au
Parquet pour y entendre les charges qui pesaient sur lui, Hortefeux
annonçait son intention de « faire évoluer le droit » afin de lutter contre
«la polygamie de fait » de façon à ce qu'un citoyen naturalisé qui devenait
polygame puisse être déchu de la nationalité.
Plus tard, Hortefeux a répété que ce n'est pas «normal » qu'un étranger
ayant obtenu la nationalité par mariage puisse la conserver si par la suite
il «vit dans une situation de polygamie de fait en abusant du système
d'aides sociales. » Et il a ajouté que le droit à la nationalité « n'est pas
une question taboue » mais «un contrat [qui] comme tout contrat, peut être
rompu. »
Le secrétaire général du parti au pouvoir, l'UMP (Union pour un mouvement
populaire) Xavier Bertrand a dit: «La polygamie, c'est contraire aux règles,
aux principes de la République. Donc s'il y a polygamie avérée, dans ces
conditions-là on ne peut pas rester Français. »
En fait, jusqu'en 1993 la polygamie était légale pour les travailleurs
africains vivant en France.
Un article du Figaro rapporte que le ministre de l'Immigration,
Eric Besson a suggéré que le projet de loi sur l'immigration qui devait être
présenté au parlement le 25 septembre pourrait être amendé si le président
et le premier ministre le souhaitent afin de légiférer en faveur du retrait
de la nationalité aux citoyens naturalisés en cas de fraude aux aides
sociales, de polygamie ou d'actes de violence graves.
Le journal commente: « Cependant, la polygamie reste difficile à prouver.
Car rares sont ceux qui contractent deux mariages civils. »
Néanmoins le gouvernement appelle à ce que des mesures soient prises
contre la polygamie. Le Nouvel Observateur cite Hortefeux: « La
définition que le code pénal fait de la polygamie n'est pas adaptée à la
réalité, » car dans son état actuel « personne ou presque n'est
juridiquement polygame en France. » Le droit « ne tient pas compte des
mariages religieux ni des situations de communauté de vie et d'intérêts qui
constituent, en réalité, une polygamie de fait, organisée pour qu'un homme
vive des prestations sociales perçues par des femmes. »
L'hypocrisie de la pose d'Hortefeux qui prétend s'inquiéter pour la
sécurité sociale est soulignée par le soutien de son gouvernement aux
actuels plans d'austérité et renflouements des banques qui pillent les
finances de l'Etat dans toute l'Europe pour satisfaire les banques. Si l'on
retire les prétentions cyniques d'inquiétude concernant les finances de l'Etat,
la position d'Hortefeux revient à dire: puisque la loi ne l'aide pas à
cibler les immigrés, elle doit être changée de façon à ce que la campagne
réactionnaire anti-musulmans puisse continuer.