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Pour une opposition socialiste révolutionnaire à l'austérité de
Sarkozy
Par Alex Lantier et Kumaran Ira
24 juin 2010
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Les travailleurs qui défilent contre les réductions des retraites ce 24
juin sont à la croisée des chemins. De nombreux travailleurs se rendent
compte que les vieilles formes d'opposition - «les journées d'action» à
l'appel des syndicats – n'empêcheront pas les mesures d'austérité de la
classe dirigeante.
Au contraire, après avoir reçu des centaines de milliards d'argent public
pour être renflouées, les banques sont simplement en train de se servir de
la panique sur les marchés de la dette d'Etat pour faire passer de plus en
plus de mesures contre la classe ouvrière. Alors que la dernière vague de
coupes budgétaires se répand de la Grèce au Portugal, en passant par
l'Espagne, la Grande-Bretagne et la France, cela devient évident : les
banques sont prêtes à s'en prendre aux travailleurs de n'importe quel pays,
organisant une course au niveau de vie le plus bas.
Le pillage de la Grèce constitue un avertissement sur ce que
l'aristocratie financière prépare à l'échelon international. Le Premier
ministre George Papandreou réduit les salaires et les dépenses sociales de
20, 30, 50 pour cent. Les travailleurs vont être renvoyés des générations en
arrière tout en participant à une vague de grèves sans effet parce que
dirigées par des syndicats contrôlés par le propre parti de Papandreou, le
PASOK.
La société est confrontée à la faillite historique du capitalisme. Les
différends du mois dernier entre le président français Nicolas Sarkozy et la
chancelière allemande Angela Merkel sur la manière de rembourser les
dépenses des renflouements sont allés si loin que Sarkozy aurait menacé de
sortir de l'Euro. En réaction, le directeur de la banque centrale
Jean-Claude Trichet a déclaré que la situation était « la plus difficile »
depuis 1939-45, voire peut-être 1914-18.
Cette référence notable de Trichet aux deux guerres mondiales constitue
un signe clair de l'intensité de cette crise. Les travailleurs doivent faire
face à une situation sans précédent en France depuis la Grande dépression,
et la grève générale de mai-juin 1936 qui avait éclaté après l'élection du
gouvernement du Front populaire.
Le sentiment de la nécessité d'une grève générale monte, les travailleurs
concluant correctement que les grèves d'une journée des syndicats ne leur
apportent rien. Un sondage récent a établi que 58 pour cent de la population
française ne croient pas que des protestations d'une journée peuvent bloquer
les réductions des retraites. Interrogés sur le meilleur moyen de défendre
les droits sociaux, 67 pour cent ont choisi la grève générale.
Le déclenchement de grèves massives sera applaudi par tout travailleur
conscient de sa position de classe : seule une action déterminée pourra
briser l'assaut de l'aristocratie financière. Cependant, une lutte unie de
toute la classe ouvrière ne résoudra pas les problèmes auxquels est
confrontée la classe ouvrière, elle ne fera que révéler ceux-ci – en
particulier, la faillite et la fourberie des partis politiques établis.
Une grève générale pose immanquablement la question du pouvoir étatique :
qui décide de ce qui va se passer une fois que les travailleurs reprendront
le travail ?
Écrivant dans les années 1920 contre les opposants socio-démocrates à la
Révolution russe, Léon Trotsky notait que la grève générale « ne peut par
elle-même résoudre la question, car elle épuise les forces du prolétariat
plus vite que celles de son adversaire, ce qui contraint tôt ou tard les
ouvriers à reprendre le travail. La grève générale ne peut avoir d'influence
décisive que si elle est le prélude d'un conflit entre le prolétariat et la
force armée de l'ennemi, c'est-à-dire d'une insurrection. »
Ces commentaires de Trotsky ont été entièrement confirmés par les
événements. Surpris en 1936 par la grève générale, le dirigeant du Parti
communiste français, Maurice Thorez avait déclaré dans une phrase restée
célèbre : « Il faut savoir terminer une grève dès que satisfaction a été
obtenue. » Dans le cadre de son pacte destiné à préserver le capitalisme
français comme allié du Kremlin contre l'Allemagne, le PCF avait dit aux
travailleurs de ne pas faire grève sauf à l'appel des syndicats, et avait
tranquillement coordonné ses actions avec celles du gouvernement. Le
gouvernement du Front populaire lui-même avait rapidement mobilisé des
troupes contre les lieux de travail occupés par les grévistes.
Quatre ans plus tard, le PCF et le reste du Comintern s'alliaient avec
Hitler par le Pacte Germano-soviétique, et les sentiments pronazis de la
classe dominante accéléraient la capitulation française devant l'Allemagne
nazie.
Ce sont ces questions historiques, considérées du point de vue de la
classe dirigeante, qui préoccupent les dirigeants syndicaux et la "gauche"
bourgeoise aujourd'hui. Racontant son entrevue avec le président de la
Commission européenne José Manuel Barroso, le chef de la Confédération des
syndicats européens, John Monks, a prévenu que « Nous sommes en 1931 » et
que l'Europe « s'est retrouvée sous des dictatures militaires, » dans les
années 1930.
Monks a expliqué : « J'ai eu une discussion avec Barroso vendredi dernier
sur ce qui pourrait se faire pour la Grèce, l'Espagne, le Portugal et le
reste, et son message a été direct : "écoutez, s'ils ne procèdent pas à ces
mesures d'austérité, ces pays risquent probablement de ne plus exister tels
qu'on les connaît, en tant que démocraties." […] Il nous a choqués avec une
vision apocalyptique de démocraties européennes s'effondrant du fait de leur
taux d'endettement. »
Il a conclu, «Il faut évidemment que la Grèce change. Il faut qu'elle se
discipline. […] Ils n'ont pas le choix, en Grèce. Ils doivent se contenter
de ce qu'on leur a donné. » Bref, l'opposition sociale doit être manipulée
et étouffée, pour que la classe dirigeante puisse prendre pacifiquement des
mesures qui nécessiteraient sinon une dictature pour pouvoir être
appliquées. C'est la lâche perspective des exécutants totalement loyaux
envers l'aristocratie financière.
Ce genre de perspectives domine l'establishment de gauche et des
syndicats. Le dirigeant de la CGT Bernard Thibaut est tout à coup en train
de reconsidérer son soutien officiel aux coupes budgétaires de Sarkozy.
Après avoir passé les quatre derniers mois à régler avec Sarkozy les détails
des coupes dans les retraites , Thibault a assuré sur RTL : « Un
gouvernement ne tombe pas forcément parce qu'un de ses projets n'arrive pas
au bout. » Ce qui implique que même si ces coupes sont interrompues pour un
temps, Sarkozy pourra rester au pouvoir – pour les appliquer une fois le
climat politique radouci.
Le Parti socialiste, parti de gouvernement de gauche de la bourgeoisie
française, a également opéré un retournement stratégique, affirmant qu'il
ramènerait l'âge de la retraite à 60 ans s'il obtenait la présidence en
2012. C'est un mensonge grotesque de la part d'un parti favorable à
l'austérité. Le gouvernement de Gauche plurielle de 1997-2002 (PS-PCF-Verts)
avait ignoré les appels lancés par certaines sections du PS, durant la
campagne électorale, qui demandaient de revenir sur les réductions de
retraites faites par le Premier ministre Édouard Balladur en 1993… En
janvier dernier, la Première secrétaire du PS Martine Aubry a appelé à des
réductions des retraites et au recul de deux ans de l'âge du départ.
La "gauche" bourgeoise et les syndicats jouent en fait un rôle de premier
plan dans la préparation de ces réductions. Le Conseil d'orientation des
retraites (COR), comprend dans ses rangs le député Pascal Terrasse et le
Sénateur René Teulade (tous deux PS), Maxime Gremetz (PCF) et des membres
des tous les grands syndicats, y compris Jean-Christophe Le Duigou de la CGT
et Jean Louis Malys de la CFDT. Le COR a contribué à préparer les réductions
des retraites en 2003 et 2007 ; Son rapport rendu en avril demandait
davantage de réductions pour combler les déficits publics.
La proposition la plus absurde est venue du Nouveau parti anticapitaliste
petit-bourgeois. Quand un journaliste lui a demandé s'il était favorable à
une grève générale, le porte-parole du NPA, Olivier Besancenot, a déclaré :
« C'est la seule solution face à une oligarchie qui impose un rapport de
force inouï. La Guadeloupe est un exemple à suivre, celui d'un mouvement à
la fois radical et uni. »
De telles déclarations démontrent le manque de sérieux politique du NPA.
Cherchant à obtenir de maigres subsides de l'Etat, les petits entrepreneurs
et les représentants locaux qui dirigeaient la grève en Guadeloupe avaient
signé un accord pourri avec Sarkozy pour étouffer et terminer la grève.
C'est un tel étranglement politique de l'opposition ouvrière qui a entraîné
la crise actuelle – et pourtant Besancenot la brandit comme un exemple
"radical" à suivre !
Les tâches révolutionnaires du mouvement de la classe ouvrière européenne
qui s'annonce rendent ce genre d'accord impossible. Subordonner les marchés
financiers aux besoins de la classe ouvrière implique de nationaliser les
banques et les principales industries, sous le contrôle démocratique de la
classe ouvrière – c'est-à-dire, l'établissement du socialisme. Une
confrontation avec la classe dirigeante est inévitable.
Le déclenchement de manifestations de masses et de grèves est à l'ordre
du jour. Cela ne peut se développer que par l'établissement de comités de
travailleurs, indépendamment des syndicats. Cependant, l'expérience des
assemblées générales de 1995 – crées pour coordonner les grèves et les
manifestations durant les grèves des cheminots – est d'une importance
critique pour comprendre les défis que cela posera aux travailleurs.
Politiquement dominées par les syndicats et les partis de la classe
moyenne, n'ayant pas une perspective d'opposition au gouvernement, ces
assemblées se sont dissoutes et les travailleurs ont été poussés à reprendre
le travail, vaincus. Par contre, lorsque les travailleurs sont armés d'une
perspective politique, des organisations de ce genre peuvent devenir des
centres du pouvoir politique pour défier puis remplacer les banques et l'Etat
capitaliste – comme l'ont fait les soviets de la Révolution russe en 1917.
Le Comité international de la Quatrième Internationale – le mouvement
trotskyste orthodoxe – appelle les travailleurs à se joindre à la lutte pour
le socialisme. Il a établi le World Socialist Web Site en tant
qu'organe international pour informer sur les luttes de la classe ouvrière
et leur fournir une perspective. Il invite les travailleurs et intellectuels
aux aspirations socialistes à le lire et à prendre contact avec le WSWS, et
à lutter pour construire le CIQI en tant que parti révolutionnaire du
prolétariat international.