Des dizaines de milliers de travailleurs ont protesté
jeudi au cours de la sixième grève générale organisée cette
année en Grèce. La Confédération générale des travailleurs de
Grèce (GSEE) et l'Union des fonctionnaires (ADEDY) ont appelé à
la grève pour protester contre les mesures d'austérité du
gouvernement PASOK (Mouvement socialiste panhellénique) du premier
ministre George Papandreou.
Le gouvernement lance ces attaques pour s'assurer un
prêt de 110 milliards d'euros étalé sur trois ans de la part de
l'Union européenne (UE) et du Fonds monétaire international
(FMI).
Le PASOK s'est engagé à faire baisser le déficit
budgétaire de 13,6 pour cent du produit intérieur brut à moins de
3 pour cent du PIB d'ici 2014. Les mesures d'austérité
signifient la destruction de centaines de milliers d'emplois, la
démolition des services sociaux ainsi que la réduction de 20 pour
cent ou plus des retraites et des salaires.
Les manifestations avaient eu lieu pour coïncider avec
le vote prévu au parlement plus tard dans la journée. La loi
impose de nouvelles mesures d'austérité, y compris des attaques
draconiennes contre les retraites. Elle autorise le recul de l'âge
effectif de départ à la retraite à 63,5 ans d'ici 2015, sachant
qu'il est actuellement de 61,4 ans et pénalise les travailleurs
qui prennent leur retraite plus tôt en portant l'âge de la
retraite anticipée à 60 ans. Dans certains cas, des femmes qui
pourraient prendre leur retraite à 50 ans devront à présent
travailler jusqu'à 65 ans. Les fonds de pension seront regroupés
et le nombre de professions « pénibles » donnant droit
à une retraite anticipée sera limité.
La loi facilitera aussi le licenciement des
travailleurs et la réduction des salaires de base.
Selon le gouvernement, les retraites seront réduites
d'environ sept pour cent. Une étude de la GSEE a réfuté cette
affirmation en montrant que les pensions baisseraient de 12 pour
cent.
Mercredi, le parlement a adopté par une majorité de
159 contre 137 le projet de loi sur la réforme des retraites. La
loi a été votée jeudi soir à l'unanimité des 157 députés du
PASOK sur les 300 sièges que compte le parlement. Des articles
publiés avant le vote avaient suggéré qu'il pourrait être
retardé en raison d'une grève du personnel administratif du
parlement grec dont les retraites seront également réduites.
Le gouvernement a été en mesure d'imposer de telles
attaques en raison du rôle que joue la bureaucratie syndicale. Les
syndicats ont lancé six appels à la grève générale de 24 heures
en l'espace de sept mois. Ces protestations ont été utilisées
comme une forme de contrôle social - pour lâcher de la vapeur
pendant que PASOK mène ses attaques.
Dans un commentaire fait avant la grève, Stathis
Anesti, le dirigeant de la GSEE a dit, « Les travailleurs ne
veulent pas faire grève toutes les semaines mais ils ne peuvent pas
non plus regarder sans rien faire tandis que leurs droits
fondamentaux sont anéantis chaque semaine. »
Mais, c'est précisément ce qu'ont fait les
syndicats tandis que le gouvernement a pu voter une loi après
l'autre en détruisant le niveau de vie des travailleurs et les
acquis sociaux conquis au cours de décennies de lutte. A chaque
stade, les syndicats ont collaboré étroitement avec le
gouvernement dont ils avaient soutenu l'élection pour garantir
que le plan d'austérité soit appliqué.
S'exprimant avant le vote de jeudi, Anestis avait
essayé de conférer une façade démocratique aux mesures
d'austérité. « C'est également plus démocratique
d'avoir l'ensemble de la loi débattue au parlement plutôt que
de la promulguer par un décret présidentiel, » a-t-il dit.
Le commentaire paru dans le
quotidien Eleftheros
Typos
a donné une indication de l'ampleur des attaques prévues par la
loi : « C'est un jeudi noir. A partir de demain rien ne
sera plus comme avant. La Grèce est en train de changer et de
plonger dans une période moyenâgeuse pour le monde du travail, »
a-t-il déclaré.
Les deux syndicats avaient organisé des défilés
distincts, l'un dans la capitale Athènes et un autre à
Thessalonique, dans le Nord du pays, organisé par la fédération
des syndicats PAME, affiliée au Parti communiste grec stalinien
(KKE). Selon les organisateurs quelque 20.000 personnes ont
participé aux manifestations à Athènes. Approximativement 5.000
personnes auraient participé à la manifestation de Thessalonique.
A Athènes, les manifestants avaient brandi des
pancartes disant, « Touchez pas à la sécurité sociale et
aux retraites » et « Cela suffit : ensemble nous
pouvons vaincre le plan d'austérité ».
Sur d'autres on pouvait lire, « Rendez l'argent
que vous avez volé » et « Nous ne pleurons pas, nous
n'avons pas peur, nous stopperons vos mesures. »
Tout comme lors des protestations précédentes, la
police antiémeutes était cantonnée aux points clé du centre
ville, avec des cars de police barrant les routes aux alentours du
bâtiment du parlement.
L'agence Reuters a cité les propos d'une ouvrière
de 54 ans qui a dit qu'elle allait tenter de prendre sa retraite
maintenant pour empêcher que les nouvelles mesures ne réduisent sa
retraite. « C'est terrible, nous avons payé toutes nos
cotisations, nous avons payé nos impôts et nous allons finir par
ne rien avoir, » a-t-elle dit. « Ils sont en train de
tout détruire. »
La GSEE a déclaré dans un communiqué que la
participation des travailleurs au mouvement de grève était
supérieure à 80 pour cent dans de nombreuses entreprises. Les
réseaux de transport avaient été touchés partout en Grèce.
Un débrayage de quatre heures, de 10 heures à 14
heures, des contrôleurs aériens avait entraîné l'annulation ou
le retard de dizaines de vols à l'aéroport international
d'Athènes. Plus de 50 vols internationaux ont été annulés. A
Athènes, les trains, les bus et les trolleybus ainsi que le métro
du Pirée à Kifisia étaient également tous à l'arrêt. Les
cheminots de l'organisation ferroviaire hellénique avaient cessé
le travail et le service de ferry à destination des nombreuses îles
grecques était perturbé en raison de l'action prise par les
membres de la fédération panhellénique des marins.
Les services publics étaient touchés à l'échelle
du pays avec les services gouvernementaux centraux et locaux fermés
et d'autres entreprises du secteur public obligées de fonctionner
avec un effectif minimum. Les grèves ont affecté les hôpitaux, et
seuls les cas d'urgence étaient traités. Les avocats, le
personnel du tribunal et certains commerçants ont soutenu la grève.
Les membres du syndicat des journalistes d'Athènes
qui sont employés par l'agence grecque ANA-MPA avaient également
débrayé pendant 24 heures.
Le syndicat européen avait cette semaine appuyé les
mesures d'austérité en déclarant qu'elles étaient
« généralement parlant sur la bonne voie ». Cependant,
l'UE avait averti mercredi de ce que le chômage était censé
s'aggraver après avoir enregistré en février son plus fort taux
de 12,1 pour cent en dix ans.
Un instrument docile de la finance internationale et de
la bourgeoisie grecque, le PASOK a imposé toutes les attaques que
l'UE, le FMI et les banques européennes avaient exigées. Sur
cette base, le ministre des Finances, George Papaconstantinou, a été
en mesure d'annoncer cette semaine que le déficit grec avait
baissé de 42 pour cent cette année.
Selon les données de la Banque centrale grecque, le
déficit des dépenses publiques était de 11,5 milliards d'euros
durant les six premiers mois de l'année, une baisse de 19
milliards d'euros par rapport à l'année précédente. Le
déficit pour les six premiers mois de 2010 s'était élevé à
4,9 pour cent du PIB, se situant à l'intérieur du seuil de 5,8
pour cent fixé par le FMI.
Malgré le rôle traître joué par
la bureaucratie syndicale et sa tentative de démobiliser la classe
ouvrière, la résistance au plan d'austérité demeure largement
répandue. Un sondage publié à Athènes par le quotidien To
Vima au cours du week-end a révélé
que le soutien du PASOK était tombé à tout juste 23,4 pour cent
contre 43,9 pour cent du vote populaire lors des élections
générales d'octobre dernier. Le soutien pour le parti
conservateur de l'opposition Nouvelle Démocratie a également
chuté dramatiquement pour atteindre 15,6 pour cent, contre 33,4
pour cent lors des élections. Le même sondage rapporte que 29,6
pour cent des personnes interrogées ont dit que la récente loi
devrait être retirée et 19 pour cent ont décrit les mesures
qu'elle renfermait comme « catastrophiques ».