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Economie mondialeL’économie européenne ralentie par la
dette souveraine et la crise bancaire
Par Stefan Steinberg
19 juillet 2010
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Parlant à des journalistes à la fin de la semaine dernière, le président
de la BCE (Banque centrale européenne), Jean-claude Trichet, chercha à
minimiser les spéculations quant à la possibilité d’une nouvelle entrée en
recession de la zone euro.
« Nous sommes dans une situation » dit il, « où un certain nombre de
faits, de chiffres et d’informations ne confirment pas, dirais-je, que nous
ayons affaire à une stagnation ou à une [récession] à ‘double creux’. Je
verrais peut-être une tendance […] à un pessimisme excessif de l’extérieur
[…] et je pense que les chiffres dont nous disposons ne justifient pas ce
pessimisme ».
Trichet s’exprimait après qu‘une réunion du Conseil des gouverneurs de la
BCE ait décidé de maintenir ses taux d’intérêts de base au niveau inférieur
record de un pour cent pour le 15e mois consécutif. Cette tentative de
rassurer les marchés suivait la parution d’un certain nombre de rapports
internationaux faisant précisément, pour les économies de l’Union européenne
et de la zone euro, le genre de prédiction pessimiste en question.
Dans un rapport rendu public jeudi dernier, le FMI (Fonds monétaire
international) avait prédit que la croissance de la zone euro serait la plus
basse au monde en 2010 et 2011. Selon les nouvelles estimations du FMI,
l’économie mondiale grandirait de 4,6 pour cent en 2010 et de 4,3 pour cent
en 2011. Celle de l’eurozone par contre ne grandirait que de 1 pour cent en
2010 et de 1,3 pour cent l’année suivante.
La prévision du FMI d’une stagnation pour l’économie européenne fut
étayée par des chiffres rendus publics mercredi dernier par Eurostat,
l’Office de statistique de l’Union européenne, qui fixait la croissance
européenne pour le premier trimestre de 2010 à tout juste 0,2 pour cent.
Les chiffres d’Eurostat s’appliquent au Produit Intérieur Brut tant des
27 pays membres de l’Union européenne que des 15 pays de la zone euro. Si
l’estimation de 0,2 pour cent se répétait pour les trois trimestres suivants
de cette année, le taux annuel de 0,8 pour cent resterait même en-deçà du
chiffre de un pour cent prédit par le FMI.
Les chiffres d’Eurostat montrent des variations considérables entre pays.
Après avoir mis en oeuvre un des programmes d’austérité les plus draconniens
de toute l’Europe, l’économie irlandaise enregistra la plus forte croissance
(2,7 pour cent); elle est suivie par celle de la Suède (1,4 pour cent) et
celle du Portugal (1 pour cent).
Au bas de l’échelle, l’économie lituanienne a chuté de 3,9 pour cent par
rapport au dernier trimestre de 2009. D’autres économies dont l‘activité a
baissé sont l’Autriche, la Finlande, l’Estonie, la Roumanie, la Slovénie et
la Grèce.
En Grande-Bretagne, l’ONS (Office national de statistique) a dans son
dernier rapport revu son estimation du dommage économique subi depuis
l’automne de 2008 (qui marque le début la crise financière). L’ONS estime à
présent que l’économie britannique a subi une contraction de 6,4 pour cent
entre son plus haut point au premier trimestre de 2008 et le creux du
dernier trimestre de 2009. L’estimation initiale avait été de 6,2 pour cent.
Le responsable de la rubrique économique du quotidien britannique
Guardian, Larry Elliott, conclut ainsi son abrégé du rapport : « Les
exportations ont des difficultés, le secteur de la consommation est déprimé
et le pilier du secteur public est sur le point d’être éliminé. La deuxième
moitié de 2010 sera dominée par un discours sur une ‘récession à double
creux’».
Les économies de l’ensemble du continent se trouvant dans le marasme ou
bien se contractant, le FMI nota qu’il existait un danger élevé pour
l’économie mondiale provenant de l’existence continue d’un niveau élevé
d’actifs toxiques dans les bilans des banques. Le rapport du FMI déclare que
le système bancaire européen reste troublé par le « legs d’un assainissement
non achevé » qui a laissé des « poches de vulnérabilité, de surcapacité et
de faible rentabilité ».
Malgré le fait que la BCE ait maintenu ses taux d’intérêt a un niveau
remarquablement bas afin d’encourager les banques à prêter, le rapport du
FMI note que celles-ci se sont retirées du crédit inter banques, obligeant
de nombreuses banques européennes à s’appuyer sur des prêts à court terme de
la BCE afin de se maintenir à flot.
Les économies européennes les plus faibles – la Grèce, le Portugal,
l’Espagne, entre autres – ont vu les intérêts qu’elles ont à payer à ceux
qui investissent dans leurs obligations d’Etat monter continuellement.
Selon un article du Wall Street Journal, un total de 1,7 billions de
dollars en obligations d’Etat de l’eurozone doivent être honorées en
2010-2011. Ce qui est bien plus haut que le niveau de refinancement pour les
Etats-Unis, le Royaume-Uni ou d'autres pays.
En réponse à la pression constante des marchés financiers, pratiquement
tous les pays d’Europe ont annoncé des mesures d’austérité qui menacent les
économies d’une dépression supplémentaire, elles qui souffrent déjà de la
hausse du chômage et de la chute de la demande venant des consommateurs.
Jose Vinals, le directeur du département des marchés monétaires et des
capitaux du FMI, dit la semaine dernière que la dette européenne et les
problèmes affectant les banques « pouvaient s’étendre à d’autres régions et
bloquer la reprise économique dans le monde ».
Le FMI appela les gouvernements de l’eurozone à rendre « entièrement
opérationnel » le fonds de secours de 500 milliards d’euros pour les pays
européens et appela la BCE à se préparer à réaliser de nouveaux achats
d’obligations gouvernementales. Il appela également l’Union européenne à
expliquer comment elle avait l’intention d’étayer les banques qui ne
réussiraient pas leur « stress test ».
Les « stress test » des banques européennes dont les résultats doivent
être rendus publics le 23 juillet, sont modelés sur les tests menés l’année
dernière sur les banques américaines et, comme eux, ils ne valent rien. Bien
que présentés la semaine dernière par Trichet comme un moyen de forcer les
banques à « ouvrir leurs livres de comptes » les « stress test » européens
sont tout à fait anodins.
Dans un article intitulé «Résultats banals » l’édition allemande du
Financial Times résumait l’opinion du monde de la Finance dans ce
commentaire mordant : « La question est de savoir combien de temps encore
les investisseurs vont se laisser prendre pour des imbéciles… l’enquête ne
va guère révéler de choses qui ne soient pas déjà connues […] La raison de
cette farce est évidente : les gouvernements européens devaient se résoudre
à publier des résultats afin de calmer les marchés […] Mais pour le cas où
quelque chose de vraiment inquiétant apparaîtrait dans la situation des
banques, ils n’ont pas de plan. Les tests sont en tout cas faits de manière
à ce qu’à la fin, aucune banque n'échoue ».
Anton Hemerijck, professeur de politique institutionnelle à l’université
VU d’Amsterdam avertissait récemment de ce que « Lors d’un mouvement de
panique, l’Europe du nord pourrait adopter une politique d’austérité
rigoureuse qui étoufferait toute perspective de croissance. Les pays
d’Europe méridionale dépendent de leurs voisins du nord pour leur donner
l’impulsion d’une reprise économique. Si cela ne se produit pas, nous
pourrions bien nous trouver dans la période du calme qui précède la tempête
».
(Article original publié le 13 juillet 2010)
Voir aussi :
Le G20 ordonne un virage à 180 degrés : de la relance économique à
l'austérité (14 juin 2010)
Chute des marchés financiers mondiaux devant la crise grandissante de la
zone euro (3 juin 2010)