Depuis le 17 février, les travailleurs des six raffineries Total de
France sont en grève illimitée dans toute la France pour soutenir leurs
collègues de la raffinerie de Flandres près de Dunkerque dans le nord de la
France. Ce site est menacé de fermeture ce qui met en péril 800 emplois. La
grève risque de provoquer une pénurie de carburant dans le pays dans les
jours qui viennent avec l'arrêt des opérations de raffinage.
La grève a commencé à la raffinerie de Flandres le 12 janvier et des
travailleurs ont occupé les bureaux de la raffinerie dès le 16 février. Les
travailleurs appellent à la reprise de la production à la raffinerie qui a
cessé de produire des carburants depuis septembre dernier. La raffinerie de
Flandres, qui représente 13 pour cent des capacités de raffinage de Total
emploie directement 370 employés et 450 sous-traitants, produit 137 000
barils par jour. Trente pour cent de sa production est exportée vers
l'Europe, les Etats-Unis et l'Afrique.
Initialement, quatre syndicats (CGT, SUD-Chimie, FO et la CFDT) avaient
appelé à une grève de deux jours, les 17 et 18 février, dans les six
raffineries Total de France.
Mais le 18 février, les travailleurs ont voté pour une grève illimitée à
échelle nationale. De plus, des travailleurs de sept dépôts de carburant sur
31 que compte la compagnie ont aussi débrayé.
La grève à échelle nationale se tient après que les travailleurs de la
raffinerie de Flandres ont lancé un appel à leurs collègues des autres
raffineries pour qu'ils soutiennent leur grève. Benjamin Tange, travailleur
à la raffinerie de Flandres, a dit au quotidien Le Parisien, « On
voulait envoyer un message symbolique fort sur notre détermination à la
direction et aux salariés des autres raffineries du groupe. On a besoin de
leur soutien maintenant. »
Un des travailleurs de la raffinerie de Dunkerque a dit à la presse, « On
est déçus, en colère, on a encore une fois été trompés. On nous a
menti pendant cinq mois et là, on recommence. On ne peut plus se permettre
d'attendre six mois à nous laisser pourrir sur le site comme des
malpropres. »
Selon les représentants syndicaux plus de 95 pour cent des travailleurs
des raffineries, des dépôts de carburants et des sites d'approvisionnement
sont en grève, ce qui bloque le transport des carburants.
Les syndicats insistent pour que la grève soit décidée sur chaque lieu de
travail, avec vote des travailleurs lors d'assemblées générales. Entre temps
les syndicats oeuvrent pour négocier encore avec la compagnie.
Le délégué CFDT François Pelegrina a dit, « Globalement, la pression des
salariés a déjà permis d'établir un calendrier de négociations plus précis,
ce qui était l'une des revendications, avec le comité européen du 18 mars
suivi pour la partie française du CCE du 29. »
La grève serait en train de se propager à d'autres raffineries. Selon la
CGT, les deux raffineries françaises Exxon Mobil de Port-Jérôme en Seine
maritime et de Fos-sur-mer dans les Bouches-du-Rhône seront en grève le 22
février.
La grève à échelle nationale des travailleurs des raffineries se déroule
dans un contexte de projets gouvernementaux de réduction draconienne des
retraites, de suppressions d'emplois dans le secteur public et de coupes des
dépenses sociales afin de réduire le déficit budgétaire qui grimpe en
flèche, et ce de manière à rassurer les marchés financiers internationaux et
les banques.
Cette grève intervient aussi après la grève des travailleurs des magasins
d'ameublement suédois IKEA, revendiquant des hausses de salaire.
Le gouvernement français est d'accord sur le principe de la fermeture de
la raffinerie de Flandres et appelle la compagnie à proposer des plans pour
l'embauche des travailleurs dans d'autres emplois. Le ministre de
l'Industrie a dit, « Nous avons dit à Total : le jour où vous apporterez
votre projet de substitution pour les employés de Total et les
sous-traitants du site, alors le gouvernement admettra que vous mettiez fin
à l'activité de raffinage. »
Le 1er février, Total avait remis au mois de juin sa décision de fermer
ou non la raffinerie de Flandres. La compagnie avait dit que si la
raffinerie de Flandres fermait, elle mettrait en place un centre
d'assistance technique et une école de formation afin de réembaucher deux
tiers des 370 employés du site.
Total envisage des réductions d'emplois et de production du fait d'une
chute de la demande de pétrole en pleine crise économique mondiale, et
malgré les profits énormes réalisés par la compagnie. Pour justifier cette
fermeture Total a fait une déclaration faisant état d'une «baisse
structurelle et durable de la consommation de produits pétroliers. Les
évolutions attendues du marché ne permettent pas d'envisager aujourd'hui une
amélioration de la situation. »
La compagnie supprime des emplois alors même qu'elle reste extrêmement
profitable. En mars dernier, Total a annoncé qu'elle licencierait 555
travailleurs des raffineries d'ici 2013. Début février, la compagnie a
annoncé qu'elle avait réalisé 8 milliards d'euros de bénéfices en 2009,
après les 14 milliards de 2008.
Total cherche à affaiblir la solidarité entre les différents sites et à
isoler la raffinerie de Dunkerque en prétendant que les autres sites
français ne sont pas menacés. Ainsi le quotidien Le Monde rapportait
vendredi que la direction de Total avait déclaré vendredi 19 février que
« La direction de Total a indiqué vendredi 19 février dans un communiqué
qu''aucune autre raffinerie du groupe en France' que celle de Dunkerque
'n'est concernée par un projet de fermeture'. »
On ne peut accorder aucune crédibilité à de telles déclarations. Total a
des projets de fermetures d'autres sites et une défaite des travailleurs de
Dunkerque ne serait que le prélude à d'autres fermetures ailleurs.
Selon l'agence Reuters, Total a pour projet de réduire la capacité de
raffinage de 500 000 barils par jour entre 2007 et 2011. Reuters ajoute,
« Si Total décide de fermer sa raffinerie de Dunkerque, le groupe devra
encore supprimer 150 000 à170 000 barils par jour de sa capacité de
production pour atteindre son objectif. » Autrement dit, Total veut de
fermer d'autres raffineries mis à part celle de Dunkerque.
Le 5 février, le quotidien Libération citait le président de
l'Union française de l'industrie pétrolière (UFIP) Jean-Louis Schilansky:
« la situation dans le raffinage de critique. Il faudrait fermer 10 à 15 %
des 114 raffineries en Europe pour rétablir l’équilibre avec la demande. »
Jean-Jacques Mosconi, directeur stratégie et plan chez Total a dit le
mois dernier que la demande pour les produits raffinés avait atteint son
point le plus fort en Europe et aux Etats-Unis en 2007.
Cette grève à échelle nationale pourrait provoquer une pénurie de
carburant dans les jours qui viennent. Selon des représentants CGT, « au
bout de cinq jours d'arrêt, il peut y avoir un début de pénurie d'essence
dans les stations-service. »
Les représentants du gouvernement cherchent à minimiser le risque de
pénurie. La ministre de l'Economie Christine Lagarde a dit à France Info,
« Il n'y a pas de risque de pénurie. Ce n'est vraiment pas un argument qu'il
faut utiliser. »
Mais vendredi l'UFIP déclarait, «Il
y a entre dix et vingt jours de consommation de produits finis dans les
dépôts. »