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  WSWS : Nouvelles et analyses : Asie

La lutte des classes en Thaïlande

Par Peter Symonds
20 avril 2010

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Des semaines de manifestations anti-gouvernementales à Bangkok ont tourné samedi dernier en batailles de rue lorsque des troupes en tenue anti émeute et lourdement armées ont tenté dans la capitale thaïe de démanteler un des deux sites où campaient des protestataires. Le bilan des morts qui s’ensuivit s’élève entre-temps à une vingtaine de civils et 5 soldats. Des centaines de personnes furent blessées dans chacun des deux camps quand des milliers de manifestants défendirent leurs positions pour forcer finalement les troupes au retrait.

Ce qui s’est produit en Thaïlande est le premier stade élémentaire de la lutte de classe et qui a une grande signification pour les travailleurs de la région et internationalement. Les luttes intestines qui se sont déroulées au sein des élites dirigeantes thaïes au cours de ces quatre dernières années ont permis à des sections de la population rurale et citadine pauvre de s’impliquer dans la vie politique. En plus de revendications pour des élections immédiates, des questions sociales profondes concernant la pauvreté et le chômage ont commencé à être soulevées.

La fracture sociale est tellement évidente que l’establishment médiatique de Thaïlande et sur le plan international s’est senti obligé d’en rendre compte. Les protestations des « Chemises rouges » soutenues par le premier ministre évincé du pouvoir, Thaksin Shinawatra, un homme d’affaires milliardaire, sont loin d’être homogènes, mais la grande masse des manifestants vient des régions rurales pauvres du pays. Au fur et à mesure que les manifestations s’étaient prolongées, elles furent rejointes par des travailleurs et des ruraux pauvres. Ce qui est particulièrement inquiétant pour les chefs de l’armée c’est l’existence de signes évidents de sympathie à l’égard des manifestants au sein des troupes ordinaires originaires de ces mêmes couches sociales.

La fracture sociale est particulièrement évidente dans le fastueux quartier commercial de Ratchaprasong où des villageois avec leurs chemises rouges campent au milieu des avenues somptueuses, des boutiques de luxe et des hôtels cinq étoiles de la capitale. S’adressant au journal australien Sydney Morning Herald, Supawadee Khamhaeng, une vendeuse de fruits originaire de la région rurale du Nord qui gagne 100 baht ou 3 dollars américains par jour, a dit qu’elle avait toléré la pauvreté dans le passé. « Cela ne peut plus continuer ainsi, » a-t-elle ajouté. « Ils [sont] toujours riches, nous sommes toujours pauvres. Ce n’est pas la démocratie. »

Cette remarque contient un ressentiment et une colère qu’éprouve une vaste couche de la population laborieuse au sujet du gouffre grandissant entre riches et pauvres. La richesse exorbitante d’une infime élite s’est continuellement multipliée même au moment où la crise économique mondiale avait occasionné une pauvreté encore plus grande pour la majorité de la population. De plus, la « démocratie » pour les villageois appauvris va bien au-delà de la revendication démocratique formelle de Thaksin et des dirigeants en faveur de nouvelles élections pour inclure le droit social fondamental à un niveau de vie décent.

La Thaïlande est l’un des pays socialement le plus inégal d’Asie. Selon un rapport de la Bank of Thailand, les 20 pour cent de la population au haut de l’échelle contrôlent 69 pour cent de la richesse nationale contre tout juste 1 pour cent pour les 20 pour cent au bas de l’échelle. Le revenu moyen des 20 pour cent au bas de l’échelle est d’à peine 1.443 baht ou 45 dollars américains par mois – le seuil officiel de pauvreté. Lorsque, l’année dernière, l’économie s’était contractée de 3,5 pour cent et qu’une pénurie de crédit s’était produite, ce furent les petits paysans, les petits commerçants et marchands ainsi que la classe ouvrière qui furent le plus durement touchés. La reprise de la croissance économique et le rebond des valeurs boursières cette année n’ont pas soulagé le dénuement auquel est confrontée la population laborieuse.

Les tensions sociales qui ont éclaté à Bangkok sont un signe avant-coureur de luttes de classe dans toute la région et mondialement. La surabondance extrême dont jouit une petite minorité qui s’est enrichie grâce à la spéculation et à l’exploitation d’une main-d’œuvre bon marché n’est pas seulement visible à Bangkok mais dans toutes les principales villes d’Asie. La fracture sociale en Chine et en Inde, où une poignée de personnes sont devenues fabuleusement riches aux dépens de centaines de millions de travailleurs aura inévitablement des conséquences explosives.

Dans le même temps, les protestations en Thaïlande signalent des problèmes politiques existant de longue date. Le mouvement anti-gouvernemental amorphe est dominé par le Front uni pour la Démocratie contre la Dictature (UDD) soutenu par Thaksin et qui exploite les manifestations afin de promouvoir les intérêts économiques et politiques d’une section de l’élite thaïe. Alors qu’il était au pouvoir, entre 2001 et 2006, Thaksin avait été tout autant enclin à fouler aux pieds les droits démocratiques que ses adversaires. Ses bienfaits distribués aux pauvres visaient avant tout à stimuler l’économie et à ranimer le commerce thaï après la crise économique asiatique de 1997-98. Toutefois, son programme économique a contrarié des systèmes de patronage établis de longue date et aliéné les élites traditionnelles du pays – l’armée, la bureaucratie d’Etat et la monarchie.

Les manifestants anti-gouvernementaux ont lutté avec détermination et courage, guidés par un sentiment élémentaire d’injustice sociale. Mais la réalité crue est que si ces ruraux et citadins pauvres restent sous la direction de l’UDD, ils seront trahis. Il suffit seulement de se rappeler les conséquences des affrontements féroces survenus en avril dernier entre les manifestants anti-gouvernementaux et les soldats à Bangkok. Dès que les manifestations avaient semblé échapper à leur contrôle, Thaksin et l’UDD mirent fin à la campagne.

L’épisode avait été une confirmation de plus des principes de base de la Théorie de la Révolution permanente de Léon Trotsky – que toutes les sections de la bourgeoisie des pays au développement capitaliste arriéré tels la Thaïlande sont organiquement incapables de satisfaire les aspiration démocratiques et les besoins de la population laborieuse. Seul le prolétariat est capable de défendre les droits démocratiques authentiques et de réaliser la réforme agraire qui rassemblera les masses rurales dans une lutte pour un gouvernement ouvrier et paysan basé sur une politique socialiste.

En Thaïlande, la classe ouvrière s’est considérablement accrue en poids et en complexité au cours de ces trois dernières décennies. La Thaïlande se situe à présent au dixième rang mondial des exportateurs de voitures et quelques 500.000 travailleurs sont employés rien que dans cette industrie. Toutefois, la classe ouvrière doit encore faire sentir sa présence dans l’agitation politique actuelle. Les travailleurs n’ont été impliqués que dans la mesure où ils ont individuellement rejoint les manifestations et les rassemblements de l’UDD.

Tout comme ses homologues de par le monde, la classe ouvrière en Thaïlande ne dispose d’aucun parti politique de masse à elle, représentant ses intérêts de classe sur la base d’un programme socialiste et internationaliste. Les quelques syndicats qui existent opèrent invariablement comme des instruments du gouvernement et de l’élite patronale. Le Parti communiste de Thaïlande stalinien, qui est basé sur la perspective maoïste en faillite de la guérilla rurale, s’est dissout il y a deux décennies. Les anciens étudiants radicaux issus des batailles politiques des années 1970, ont rejoint les camps pro et anti-Thaskin de l’élite dirigeante.

A moins qu’elle ne fasse entendre sa propre voix politique, indépendamment de toutes les factions de la classe capitaliste, la classe ouvrière sera confrontée à de graves dangers. Après les affrontements de dimanche dernier, il s’est déjà ouvert un débat au sein des cercles dirigeants sur la nécessité d’un coup militaire et de recourir aux chars et aux troupes pour restaurer l’ordre dans la rue. Ceci est motivé par la chute du marché boursier et un désastre potentiel pour l’industrie touristique au milieu d’une atmosphère d’instabilité et de crise de l’économie mondiale.

La voie en avant consiste dans la construction d’un parti politique représentant les intérêts historiques de la classe ouvrière. C’est dans la longue lutte menée par le mouvement trotskyste international – le Comité International de la Quatrième Internationale – contre le stalinisme et toutes les formes d’opportunisme que se trouveront le programme et la perspective socialistes et internationalistes indispensables. C’est vers cela que devraient se tourner les travailleurs et les jeunes pour jeter les bases de la construction d’une section du CIQI en Thaïlande.

(Article original paru le 15 avril 2010)

Voir aussi :

Les enseignements à tirer des émeutes en Thaïlande

(18 avril 2009)

 


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