wsws.org/francais

Visitez le site anglais du WSWS

SUR LE SITE :

Contribuez au WSWS

Nouvelles et Analyses
Luttes Ouvrières
Histoire et Culture
Correspondance
L'héritage que nous défendons

A propos du CIQI
A propos du WSWS

AUTRES LANGUES

Allemand

Français
Anglais
Espagnol
Italien

Indonésien
Russe
Turque
Tamoul

Singalais
Serbo-Croate

 

WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

France : Sarkozy propose l'interdiction générale du port de la burqa

Par Antoine Lerougetel
28 avril 2010

Imprimez cet article | Ecrivez à l'auteur

Lors du conseil des ministres du 21 avril, le président Nicolas Sarkozy a annoncé qu'un projet de loi interdisant le port de la burqa ou du niqab en public serait soumis au conseil des ministres en mai. Ce projet de loi est une attaque flagrante contre les droits démocratiques et une démarche conduisant la France vers un régime sortant de la légalité.

Le premier ministre François Fillon a déclaré que le gouvernement entamerait une procédure d'urgence pour faire passer cette législation même si une telle loi pouvait s'avérer inconstitutionnelle et contrevenir à la Convention européenne des droits de l'Homme. « On est prêt à prendre des risques juridiques parce que nous pensons que l'enjeu en vaut la chandelle, »a-t-il dit avant d'ajouter « On ne peut pas s'embarrasser de prudence par rapport à une législation qui n'est pas adaptée à la société d'aujourd'hui... S'il faut faire évoluer la jurisprudence du Conseil constitutionnel, celle de la Cour européenne des droits de l'homme pour faire face à une nouvelle question qui ne se posait pas il y a 20 ans, nous, nous pensons que c'est notre responsabilité politique de le faire. »

Le 30 mars, le Conseil constitutionnel, la plus haute cour administrative du pays, s'est prononcé contre une législation interdisant la burqa. Le magazine Le Point a écrit que cette cour dont les décisions ont valeur de conseil pour le gouvernement « a estimé dans son rapport qu'une loi contre le port du voile intégral "ne pourrait trouver aucun fondement juridique incontestable" et a précisé : "Une interdiction générale du port du voile intégral en tant que telle, ou de tout mode de dissimulation du visage dans l'ensemble de l'espace public, serait exposée à de sérieux risques", à la fois "au regard de la Constitution" et "de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales". »

Le Conseil constitutionnel affiche ici son adhésion aux dispositions de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme dans l'article 9 intitulé « Liberté de pensée, de conscience et de religion. »Il dit, «Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites. »

Les déclarations de Fillon signifient que le gouvernement français ne se considère plus être tenu par la législation existante. Au contraire, ce gouvernement attise une atmosphère politique droitière où les musulmans peuvent être politiquement pris pour cibles et où toute personne, dont les opinions sont considérées comme indésirables par l'establishment politique, peut être effectivement mise hors la loi.

Ainsi, le ministre de l'Intérieur Brice Hortefeux a accusé un musulman nommé Liès Hebbadj de supposées polygamie et appartenance à un groupe islamique radical, après que sa femme avait fait une conférence de presse pour protester contre une amende de 22 euros qui lui avait été infligée pour avoir pris le volant vêtue du niqab. Mais le procureur de Nantes a confirmé au quotidien Le Monde que bien que la polygamie soit un délit en France, l'unique charge pesant sur la famille d'Hebbadj est l'amende pour infraction au code de la route.

Que les déclarations d'Hortefeux soient vraies ou fausses, il s'agit clairement d'une campagne menée par le gouvernement pour cibler politiquement et intimider les musulmans en France.

Les déclarations selon lesquelles le gouvernement impose cette législation du fait du danger posé par les femmes portant le niqab sont à la fois réactionnaires et ridicules. Comme on l'a fait largement remarquer, sur une population de plus de cinq millions de musulmans que compte la France, moins de 2 000 femmes portent le voile intégral.

La presse bourgeoise a posé la question de savoir ce qu'il en serait des épouses des riches Saoudiens faisant leur shopping sur les Champs-Elysées à Paris. Le rapporteur de la commission sur la burqa a répondu qu'aucune exception ne serait tolérée.

Le fait d'insister pour dire que la loi anti-burqa est une mesure de sécurité est en droite ligne avec l'idéologie de la « guerre contre le terrorisme », couverture pour la destruction des droits démocratiques de par le monde. Elle a aussi pour but de fournir une crédibilité à l'occupation fortement impopulaire par l'OTAN de l'Afghanistan où la France a plus de 3 000 soldats.

Le virage à droite accusé de Sarkozy vient à un moment où, après la défaite du parti au pouvoir, l'UMP (Union pour un mouvement populaire) aux élections régionales du mois dernier, la cote de popularité du président est tombée à un niveau record de 35 pour cent, avec 70 pour cent des sondés désapprouvant son bilan et 60 pour cent s'opposant à sa politique.

Le projet de Sarkozy pour une loi anti-burqa défie tout particulièrement l'impopularité massive du débat droitier sur « l'identité nationale » que Sarkozy avait initié durant la campagne pour les élections régionales. Dans ces conditions, il tente de s'assurer ce qui lui reste de soutien politique en faisant appel au racisme néofasciste, à savoir l'islamophobie et une répression féroce des jeunes des cités défavorisées.

Sarkozy et Fillon représentent le fer de lance d'une campagne raciste et islamophobe de l'élite politique européenne. Juste avant son effondrement, le parlement belge se préparait à voter sur une loi semblable qui existe déjà dans plusieurs municipalités belges et jouit du soutien de tous les partis. En Italie, plusieurs villes du nord interdisent déjà le voile intégral. Des municipalités allemandes prennent des mesures contre le port du voile islamique dans les établissements scolaires. En Suisse un référendum bien suivi a été organisé l'an dernier contre la construction de minarets.

La stigmatisation des femmes portant le voile intégral est aussi le signe du soutien de la France aux gouvernements répressifs de ses anciennes colonies du Maghreb (le Maroc, l'Algérie et la Tunisie) qui représentent des régions importantes d'investissement du capitalisme français. Ces gouvernements sont sous la menace de mouvements islamistes qui, en l'absence d'une direction de la classe ouvrière qui soit indépendante, pourraient venir au pouvoir dans un contexte d'agitation de masse contre l'oppression et la pauvreté.

La loi de Sarkozy n'est rendue possible que par le soutien des forces qui se réclament faussement de « gauche. » C'est ce manque d'opposition parmi les cercles politiques qui a encouragé Sarkozy et Fillon à prendre cette mesure brutale contre les droits démocratiques et qui représente un pas en avant significatif vers un régime d'Etat policier. André Gerin, député PCF (Parti communiste français) qui a présidé la commission parlementaire pour la suppression de la burqa, établie l'an dernier par Sarkozy, a dit à Radio RTL, « Je me réjouis que le gouvernement ait pris cette décision de projet de loi dans la continuité de la mission parlementaire. Il a affirmé que « ce qui est très important derrière cette interdiction » est « qu'elle va sanctionner de manière impitoyable les gourous intégristes qui sont derrière et qui pourrissent la vie des quartiers ».

Le principal parti bourgeois d'opposition, le Parti socialiste (PS) soutient le principe d'une attaque contre les droits civiques des femmes portant la burqa. Axel Urgin, porte-parole du PS sur ces questions, a dit que le PS était contre « un dispositif juridique contestable »  mais était pour l'exploration d'un arsenal juridique visant à restreindre la possibilité du port de la burqa.

Dans la mesure où le PS a exprimé quelques réserves sur la politique de Sarkozy, il est à craindre que l'interdiction, surtout si elle est générale, pourrait provoquer une dangereuse agitation sociale. Sur France Inter, un dirigeant du PS Pierre Moscovici a dit qu'une interdiction générale de la burqa « risque de raviver une série de querelles religieuses, communautaires ».

Le PS, le PCF, Lutte ouvrière et la Ligue communiste internationale (prédécesseur du Nouveau parti anticapitaliste, NPA) avaient apporté leur soutien à la loi de 2004 interdisant aux jeunes musulmanes le port du voile islamique à l'école. LO soutient l'interdiction de la burqa. Le NPA a attendu des mois avant de publier une brève déclaration contre la proposition de loi mais il n'a pas fait campagne contre.

(article original paru le 27 avril 2010)

Untitled Document

Haut

Le WSWS accueille vos commentaires


Copyright 1998 - 2012
World Socialist Web Site
Tous droits réservés