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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

La déclaration du gouvernement allemand sur la mission de la Bundeswehr en Afghanistan

Les mensonges de la chancelière

Par Ulrich Rippert
27 avril 2010

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Sept soldats allemands ont été tués au combat au cours de ces deux dernières semaines en Afghanistan. L'opposition à la guerre s'étant considérablement amplifiée au sein de la population, la chancelière Angela Merkel (Union chrétienne démocrate, CDU) a présenté une déclaration gouvernementale devant le parlement dans laquelle elle justifie une fois de plus le déploiement de la Bundeswehr (l'armée allemande) en disant qu'il n'y a « pas d'alternative ».

Son discours, devant les membres du parlement, était une compilation de formules de propagande, de falsifications et de mensonges avérés. Il a servi à préparer politiquement une offensive militaire contre dans le nord de l'Afghanistan et qui avait été annoncée la veille lors d'une visite à Berlin par le commandant des forces alliées, le général américain, Stanley McChrystal.

Merkel a commencé son discours en citant l'ancien chancelier Helmut Schmidt (Parti social-démocrate; SPD). Lors de la cérémonie où de jeunes recrues prêtaient serment, Schmidt avait dit que ces derniers avaient beaucoup de chance parce qu'ils servaient un pays qui n'avait que des objectifs pacifiques. Les paroles qu'il avait prononcées, « cet Etat n'abusera jamais de votre confiance » ont conservé toute leur validité, a dit Merkel.

La référence à Helmut Schmidt est révélatrice à bien des égards. Afin de contrer le sentiment anti-guerre grandissant, dès le début de son discours, Merkel a clairement laissé entendre qu'elle s'appuie sur une alliance avec les sociaux-démocrates. Contre l'opposition populaire à la guerre, elle place en contre-poids la grande coalition des deux partis de guerre.

C'est pour cela que Merkel, ou les rédacteurs de ses discours, invoquent Schmidt; parce que sa promesse selon laquelle on n'abusera pas de la confiance des soldats est actuellement trahie de façon aussi flagrante. Durant huit ans, les soldats de la Bundeswehr ont été, et sont encore, envoyés en Afghanistan sur la base d'objectifs guerriers totalement faux et trompeurs. On a menti et on ment encore systématiquement aux soldats et à la population.

Des années durant, on a affirmé que la « reconstruction de l'Afghanistan » était le but de la mission. L'on a affirmé que le recours à la Bundeswehr en Afghanistan ne visait qu'à intensifier le développement économique ainsi qu'à sécuriser militairement le développement des structures démocratiques et constitutionnelles du pays militairement. Il n'a jamais été question de « guerre ». On ne trouve le mot « guerre » dans aucune des décisions prises par le Bundestag (le parlement) d'étendre tous les ans le mandat en Afghanistan. Bien que le nombre de soldats étrangers ait été augmenté pour atteindre 130.000, et que des milliers de civils afghans aient été tués, on a toujours fait référence à l'opération comme étant une « mission de sécurité et de reconstruction. »

Dans son discours, Merkel a aussi tenté de maintenir le mythe de la mission de reconstruction. Toutefois, ceci devient de plus en plus difficile compte tenu de l'intensification de la guerre et du nombre grandissant de soldats tués. C'est pourquoi Merkel a dit qu'elle comprenait tout à fait « quand les soldats sur place parlaient de guerre civile ou simplement de guerre ».

Quel argument couard ! Comme si ce n'était pas le gouvernement qui disait comment l'intervention militaire devait être évaluée, et quels devaient être les objectifs poursuivis par celle-ci et par quels moyens. Le gouvernement déploie l'armée en utilisant des euphémismes et en avançant de fausses informations. Si les soldats répliquent alors en disant, « Mais attendez, nous menons des opérations de combat ici, on nous prend pour une armée d'occupation, l'ennemi bénéficie de plus en plus de soutien de la part de la population indigène, les attaques contre nous s'intensifient, nous devons tuer plus souvent et nos propres pertes s'accroissent, alors nous sommes en guerre ici, » alors le gouvernement répond : « Nous comprenons votre point de vue. Mais nous ne pouvons pas parler ouvertement d'occupation et de guerre coloniale, parce que la population ne l'accepterait pas. »

Le deuxième mensonge de la chancelière est : « Nos soldats tombés pendant la guerre ont donné leur vie pour la liberté, l'Etat de droit et la démocratie. »

Selon l'ONU, quelque 50 000 personnes ont perdu la vie en Afghanistan depuis le début de la guerre. Une occupation lourdement armée, équipée d'armes modernes se déchaîne contre la population d'un pays sous-développé. Qu'est-ce que cela a à voir avec la liberté ?

Merkel a qualifié l'Etat de droit de « bien le plus précieux des gens » et a fait référence à l'expérience négative qu'elle avait faite dans l'ancienne Allemagne de l'Est. Mais, en Afghanistan, la Bundeswehr soutient un régime fantoche totalement corrompu. Les élections qui ont eu lieu l'été dernier ont été manifestement manipulées. Le frère du président Karzaï est à la solde de l'agence américaine de renseignement CIA et est aussi un personnage clé dans le trafic de drogue. La production de drogue a atteint un nouveau record l'année dernière avec 9.000 tonnes d'opium brut. Voilà ce que l'on appelle l'Etat de droit.

Pour ce qui est de la question de la démocratie, Merkel s'est contredite. Elle a dit que ce n'était pas réaliste d'aspirer à une « démocratie de style occidental » en Afghanistan. Au contraire, même des organes tels Loya Jirga (grande assemblée tribale) devraient être reconnus comme des institutions sociales légitimes. En d'autres termes, les formes archaïques de la société tribale devraient être sauvegardées.

Dans ce contexte, Merkel a souligné à plusieurs reprises qu'elle soutenait la nouvelle stratégie pour l'Afghanistan, adoptée en janvier lors d'une conférence à Londres. Cette stratégie prévoit une coopération plus étroite avec les hommes de pouvoir locaux, y compris les « talibans modérés » que Merkel a décrits comme « transférant la responsabilité ». En vérité, la nouvelle stratégie signifie le renforcement des chefs de clan régionaux et des seigneurs de guerre. Cette stratégie plongera le pays dans une guerre tribale et civile permanente encore plus paralysante qu'avant. La constante manipulation des conflits régionaux met de façon permanente le pays à la merci des intérêts impériaux. Ce que la chancelière a qualifié de « structure de sécurité durable » est en fait la plus vieille tactique de la politique coloniale: diviser pour mieux régner.

Mais ce n'est pas seulement la stratégie pour l'Afghanistan qui est une parodie de démocratie. Même chez nous, le gouvernement a clairement fait comprendre ce qu'il pense de la démocratie. Il persiste à poursuivre avec une force brutale une guerre à laquelle plus de 70 pour cent de la population est opposée.

Le troisième mensonge de la chancelière a été de dire que la guerre en Afghanistan sert à promouvoir la sécurité de l'Allemagne. Une fois de plus, elle s'est appuyée sur les sociaux-démocrates pour en fournir la preuve. Elle a cité l'ancien ministre allemand de la Défense; Peter Struck, qui a affirmé que la sécurité de l'Allemagne était défendue au Hindu Kush. « Jusqu'à ce jour, personne n'a exprimé plus clairement et aussi justement ce qui est en jeu en Afghanistan », s'est félicitée Merkel.

Un coup d'oeil sur la carte suffit à montrer que la position géographique du pays qui a une frontière commune avec le Pakistan et l'Iran a une grande importance pour la politique sécuritaire internationale, a poursuivi la chancelière. Elle a dit qu'en Afghanistan, de dangereux terroristes étaient entraînés et que, dans les pays voisins, il y avait le risque que des terroristes puissent entrer en possession d'armes nucléaires ou de matériel nucléaire pour confectionner des « bombes sales ».

Ce qu'elle n'a pas dit, c'est que l'intensification et l'expansion de la guerre pendant plus de huit ans n'ont pas amélioré la situation en matière de sécurité dans la région, mais l'ont détériorée de façon significative.

Dans ce contexte, les déclarations faites dans les dernières éditions du magazine Der Spiegel par certains soldats sont très intéressantes. Le capitaine Jan S., âgé de 30 ans, et dont le bataillon de parachutistes a été pris dans une embuscade le vendredi saint, en faisant trois morts, a comparé l'actuel déploiement à celui d'il y a trois ans: « A l'époque nous pouvions encore nous déplacer hors des véhicules au milieu des gens. Aujourd'hui, tout est différent. Lors de notre séance d'instruction au début du mois d'avril, plusieurs parties de notre zone opérationnelle ont été signalées sur les cartes comme des zones trop dangereuses pour s'y aventurer. C'est frustrant pour mes hommes et moi-même. »

Sans le dire ouvertement, cette déclaration montre clairement que l'opération militaire a accompli le contraire de ce que prétendent la chancelière et son arrogant ministre de la Défense dans leur propagande de guerre hypocrite.

Dans une petite phrase de sa déclaration politique, Merkel a fait une importante remarque en disant qu'elle ne souhaitait, ni ne pouvait parler des événements survenus durant les années 1989 et 1990. A l'époque, les troupes soviétiques s'étaient retirées d'Afghanistan après un déploiement de dix ans au cours duquel elles avaient enduré de fortes pertes.

La raison pour laquelle Merkel ne veut pas parler de l'histoire du pays n'est pas difficile à comprendre. Elle serait alors obligée de parler de la mise en place par la CIA d'al-Qaïda et des diverses milices islamistes dans les années 1980 ainsi que de leur armement par les Etats-Unis pour combattre les troupes soviétiques. Elle serait obligée de parler du conseiller à la sécurité du président de l'époque (1977-1981) et actuel conseiller d'Obama, Zbigniew Brzezinski qui, dans son livre, attribue un rôle clé au contrôle de la « masse continentale euro-asiatique » - en se référant une fois de plus à l'Afghanistan - dans la défense de la domination américaine du monde. Ou alors elle serait obligée de déclarer que la guerre contre ceux au pouvoir à Kaboul avait été projetée bien longtemps avant les attaques du 11 septembre 2001 ; et qu'en aucun cas Berlin n'acceptera un contrôle exclusif des Etats-Unis dans la région ; et que durant des décennies l'Allemagne a entretenu d'étroites relations économiques et politiques avec divers gouvernements en Afghanistan.

Bref, si Merkel devait parler de cette histoire, il s'avèrerait rapidement que l'actuelle opération militaire est une guerre de conquête coloniale. Mais ceci ne devrait en aucun cas être dit ouvertement.

Lors du débat qui a suivi cette déclaration gouvernementale, le dirigeant du SPD ; Sigmar Gabriel s'est rangé sans réserve derrière la chancelière. Il a simplement mis en garde contre le fait de parler ouvertement de la guerre. Si on laissait tomber la propagande actuelle, il deviendrait encore plus difficile de justifier la guerre auprès de la population, a-t-il dit.

Même Jürgen Trittin du Parti des Verts a soutenu la chancelière mais en adoptant une position contraire. Il a instamment invité le gouvernement à abandonner tous les euphémismes pour appeler la guerre ouvertement par son nom.

En tant que porte-parole du Parti La Gauche (Die Linke), Gregor Gysi, a critiqué la guerre en citant quelques statistiques de l'ONU montrant que le discours sur la reconstruction économique et sociale était tout à fait faux. Mais Gysi a lui aussi passé sous total silence la véritable nature de cette guerre coloniale. Compte tenu de la résistance grandissante au sein de la population, La Gauche joue le rôle de soupape de sécurité politique au Bundestag. Ses critiques servent à maintenir l'opposition sous contrôle et à la maintenir politiquement sur la touche. Ainsi, La Gauche constitue le flanc de gauche critique de la coalition de guerre.


(Article original paru le 23 avril 2010)

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