Van Jones, le « Monsieur emplois verts » du gouvernement Obama, a
présenté samedi sa lettre de démission après avoir subi les attaques de
l’extrême droite contre des positions défendues dans le passé, parmi
lesquelles on compte l'apposition de sa signature à une déclaration
contestant les explications officielles des attentats du 11 septembre.
Alors que le limogeage de Jones a été présenté sous forme de lettre de
démission, il est évident que le gouvernement Obama avait décidé de le
lâcher. La démarche a été annoncée samedi vers minuit, la veille d’un long
weekend, dans l’espoir de voir la nouvelle rapidement enterrée.
Interrogé samedi sur cette démission, le secrétaire à la presse de la
Maison Blanche, Robert Gibbs, a indiqué que le gouvernement avait soutenu le
limogeage du conseiller en disant que Jones avait démissionné parce que
« l’agenda du président est plus important que n’importe quel individu. »
Jones avait occupé une position relativement secondaire dans le
gouvernement en tant que conseiller spécial pour les emplois verts,
l’Entreprise et l’Innovation au sein du Conseil de la Maison Blanche sur la
Qualité de l’Environnement. Toutefois, ses positions et associations
antérieures étaient devenues la cible d’une campagne menée durant des
semaines par le présentateur de Fox News, Glenn Beck, et d’autres
personnalités semi-fascistes des médias et de l’internet qui réclamaient la
tête de Jones.
Quel est le crime de Jones ? Avant de s’adapter à l’establishment
politique, il avait autrefois manifesté un certain degré d’engagement
social. Au début des années 1990, alors étudiant en droit à l’université de
Yale, il avait été impliqué dans les manifestations contre le passage à
tabac par la police de Rodney King. Plus tard, il avait brièvement été
associé à une organisation maoïste connue sous le nom de STORM et qui
organisait des campagnes contre la guerre et la brutalité policière.
Tout comme nombre d’autres de cette couche sociale, Jones a rapidement
changé ses positions avec la progression de sa carrière. Il s’est impliqué
dans diverses organisations libérales de politique identitaire avant de
devenir un partisan du « capitalisme vert » en avançant l’idée que les
centres urbains pouvaient être ranimés si on proposait une formation
continue dans « une économie fondée sur les nouvelles énergies.» En
2008, il a écrit un best-seller, « The Green Collar Economy » (L’économie du
col vert).
L’un des péchés majeurs de Jones a été aux yeux des critiques d’avoir
signé en 2004 une déclaration « 9.11 Truth Statement » (Déclaration pour la
vérité sur le 11 septembre). La déclaration mettait le doigt sur de
nombreuses questions restées sans réponses sur les attentats du 11 septembre
en appelant à l’ouverture d’une enquête, à des auditions du Congrès, à
l’attention des médias et à la constitution d’une commission d’enquête
indépendante.
Il n’y a rien d’extraordinaire à la déclaration signée par Jones qui
commence en citant le résultat d’un sondage réalisé par l’institut Zogby
international disant que la moitié des habitants de New York City et 41 pour
cent des habitants de l’Etat de New York croient que des sections du
gouvernement américain avaient eu connaissance à l’avance des attentats et
« n’avaient consciemment pas réagi. » Soixante six pour cent avaient soutenu
l’ouverture d’une nouvelle enquête sur ces questions. D’autres sondages
avaient trouvé que plus d’un tiers de la population et plus de 40 pour cent
des personnes se qualifiant elles-mêmes de démocrates dans le pays rejettent
l’explication officielle du 11 septembre.
Mais la remise en cause du fondement de la « guerre contre le
terrorisme » est tout à fait proscrite au sein de l’establishment
politique et des mass médias. En effet, le scepticisme largement répandu sur
le 11 septembre, l’événement qui est devenu la justification centrale des
guerres américaines en Afghanistan et en Irak ainsi que des attaques
massives contre les droits démocratiques aux Etats-Unis, est étonnant compte
tenu du silence total qui pèse sur de telles questions au sein des cercles
« officiels. »
L’association de Jones avec de telles conceptions est particulièrement
problématique pour le gouvernement Obama au moment précis où il intensifie
de façon massive la guerre en Afghanistan et au Pakistan sous le prétexte
qu’il est impératif de rechercher les auteurs des attentats du 11 septembre.
Jones lui-même a rapidement rejeté toute association avec la déclaration
du 11 septembre après que sa signature ait été révélée. « Je ne suis pas
d’accord avec cette déclaration et elle ne reflète nullement mes opinions
d’aujourd’hui ni de jamais auparavant, » a-t-il affirmé.
Ceci mis à part, Jones avait fait l’objet d’un enregistrement vidéo en
2008 où il avait qualifié certains Républicains de « connards »
(« assholes. ») Il avait suggéré que certains Démocrates devraient adopter
une attitude identique en conséquence.
Glenn Beck, dont l’émission a été la cible d’un boycott publicitaire de
la part d’une organisation dirigée autrefois par Jones, avait cité le passé
du conseiller de la Maison Blanche dans le cadre d’une campagne devenue de
plus en plus hystérique, insistant pour dire qu’Obama était secrètement en
train de manigancer l’introduction du communisme aux Etats-Unis.
Vendredi dernier, les dénonciations de Beck ont été reprises par le
sénateur républicain Kit Bond qui a exigé des auditions du Sénat afin de
déterminer si Jones était apte à occuper son poste (en tant qu’employé
subalterne de la Maison Blanche il n’avait pas besoin d’une confirmation du
Sénat). Le représentant républicain Mike Pence a exigé sa démission parce
que « ses opinions extrémistes et sa rhétorique grossière n’ont pas de place
dans ce gouvernement ou dans le débat public. »
Pour éviter toute discussion sur Jones, le gouvernement Obama a
rapidement cédé, en accordant en essence un droit de véto à l’extrême
droite, qui en fait n’a que très peu de soutien au sein de la population,
sur la question de qui est ou non capable d’occuper des fonctions
gouvernementales.
Il y a une signification plus large à cet événement. Obama était entré en
fonction sur une vague de colère et d’opposition qui avait déferlé contre de
la politique du gouvernement Bush. Cette opposition n'a toutefois pas trouvé
son expression dans le gouvernement Obama qui, en ce qui concerne toutes ces
questions, la guerre, les droits démocratiques, le renflouement des banques
et la politique intérieure, poursuit et étend la politique de son
prédécesseur.
Dans le même temps, Obama est soumis à une pression constante de
l’extrême droite. La réponse du gouvernement est invariablement de faire
tout ce qu’il peut pour apaiser cette couche en virant de plus en plus à
droite. Et donc, dès qu'il a été attaqué, il s'est débarrassé rapidement de
Jones.
L’affaire Jones et le gouvernement Obama en général ont des relents de
lâcheté et d'attitude réactionnaire. Quant à l’affirmation de Jones selon
laquelle il aurait démissionné (alors qu’en fait il a été limogé) pour ne
pas entraver l'« agenda » d’Obama, on peut dire que son limogeage est en
adéquation absolue avec cet agenda.