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France: que signifie la brouille entre le NPA et les syndicats?

Par Anthony Torres
8 septembre 2009

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Les médias français ont fait grand cas du refus des syndicats français d'assister à l'université d'été du Nouveau parti anticapitaliste (NPA) d'Olivier Besancenot, qui s'est déroulé du 23 août au 26 août à Port-Leucate. Cet évènement soulève devant les travailleurs la question suivante: quel est le poids politique des différends entre le NPA et les syndicats?

Le NPA, fondé par la LCR qui s’est dissoute le 10 février 2009, a continué la tradition de son prédécesseur en invitant amicalement les syndicats à son université d'été. Or, cette année la CGT, la CFDT et FO ont décliné l'invitation. Alain Guinot, secrétaire confédéral de la CGT a envoyé une lettre au NPA le 10 juillet pour justifier ce refus. Ce dernier explique que la CGT ne peut participer à un débat intitulé "Quelles stratégies pour les luttes ?", qui conforte la CGT "dans l'idée qu'il y a entre nos organisations une divergence de conception sur nos prérogatives respectives".

Conscients de la colère qui monte chez les travailleurs face aux trahisons en série des luttes ouvrières par les syndicats, ces derniers ont averti le NPA qu’ils ne tolèreraient aucune critique politique de leur conduite. La CGT refuse qu'un parti "se substitue aux syndicats dans leurs responsabilités d'assumer la défense des intérêts des salariés et la conduite des luttes".

Face à cette injonction de se taire sur la politique réactionnaire des syndicats, le NPA a tenté de pactiser avec la CGT. La réponse du NPA, parue dans Le Monde par l'intermédiaire de sa dirigeante Sandra Demarcq, a été la suivante : "Nous voulons discuter avec elle [la CGT] des perspectives pour la rentrée, de l'unité large qu'il faut construire entre les syndicats et les organisations politiques."

La brouille entre la CGT et le NPA s'est envenimée lors de l’invitation à Port-Leucate par le NPA d’un délégué syndical CGT de Continental, Xavier Mathieu, qui a dénoncé l'isolement de la lutte des travailleurs de l'usine Continental à Clairoix par la direction nationale de la CGT.

Après avoir participé à une grève commune avec des travailleurs allemands de Continental à Hanovre, les travailleurs de Clairoix avaient aussi occupé l'usine Continental à Sarreguemines. Après une décision de la justice déboutant leur demande de suspension du plan de fermeture du site, plusieurs travailleurs de Continental dont Mathieu avaient saccagé la préfecture de l'Oise, à Compiègne. Limités par le manque de soutien de la CGT à leur lutte, les travailleurs n'ont réussi qu'à obtenir une prime de licenciement lors de la fermeture de leur site.

A France Info, Xavier Mathieu a expliqué que « Les Thibault et compagnie, c'est juste bon qu'à frayer avec le gouvernement, à calmer les bases. Ils servent juste qu'à ça, toute cette racaille. »

Concernant le jugement au tribunal de grande instance de Compiègne suite au saccage de la sous-préfecture dans l’Oise, il a ajouté : «Bernard Thibault a refusé de demander notre relaxe. C’est honteux ! La seule réponse qu’on a eue est que la CGT ne soutient pas les voyous et que la radicalisation ne fait pas partie de ses méthodes».

L'invitation offerte à Mathieu par le NPA ne correspondait aucunement à une lutte pour démasquer la politique des syndicats qui a trahi les luttes ouvrières. Lors d'une interview dans le magazine Marianne, Olivier Besancenot a expliqué : « Ce n’est pas nous qui rentrons en guerre contre la CGT. C’est eux qui ne viennent pas à notre université quand on les invite. On ne va pas nous faire ce procès-là en plus...Avec la CGT, il faut qu’on se voit, qu’on relance le débat ».

Ces échanges soulignent le caractère épisodique des disputes entre les syndicats et le NPA, pour qui l'orientation vers les syndicats reste un dispositif central de sa politique. Loin de représenter l'expression de la colère des salariés contre les syndicats, les initiatives de Besancenot ne font que permettre au NPA de souligner son profond attachement politique au syndicalisme.

C'est une longue tradition de la LCR que de couvrir les trahisons des luttes ouvrières organisées par les syndicats. Pour rappel, en 1995 le gouvernement d'Alain Juppé avait lancé une offensive contre les acquis de l’après-guerre : retraite, sécurité sociale et emploi. Les travailleurs avaient répondu en déclenchant une grève qui avait échappé au contrôle des syndicats, menaçant de devenir une grève générale aboutissant à la chute du gouvernement. Les syndicats, soutenus par « l’extrême gauche », avaient obtenu qu’une partie du plan de Juppé soit retirée. Ceci avait donné au président Jacques Chirac le temps de préparer la transition réglée du gouvernement totalement discrédité du premier ministre gaulliste Juppé au gouvernement socialiste de Lionel Jospin.

En 2003, la réforme des retraites prévoyant une baisse de 30 pour cent du niveau des retraites et la réforme de la décentralisation de l’Education nationale avait entraîné des millions de salariés du secteur public et du secteur privé dans la rue. Craignant une répétition de 1995, les syndicats avaient ressenti une pression politique très forte. La CFDT avait saboté les protestations en concluant un accord avec le gouvernement, tandis que FO, la CGT et la FSU, syndicat majoritaire de l'Education, suivaient une tactique de grèves dispersées.

Les syndicats ont repris ce même rôle dans la lutte contre le Contrat première embauche (CPE) en 2006 et l'étouffement des grèves des cheminots contre la réforme des retraites par Sarkozy en 2007-2008.

Aujourd'hui, la crise économique mondiale aiguise toutes les tensions politiques que l'action des syndicats et du NPA-LCR essayait d'effacer.

Alors que le gouvernement donne des milliards d'euros du contribuable aux banques, il impose des mesures contre les travailleurs – réforme des retraites, fermetures d'usine, etc. – démontrant sa vraie nature de classe. Depuis le début de la crise, le chômage est passé de 7,6 pour cent de la population active au 4ème trimestre 2008 à 9,1 pour cent sur le 2éme trimestre 2009, soit environ 2,5 millions de chômeurs. De plus, le chômage doit encore augmenter, avec l'arrivée de 300 000 étudiants sur le marché de l’emploi.

Le gouvernement compte sur la traîtrise des syndicats pour éviter une contre-attaque politique des travailleurs contre la crise économique. Les syndicats ont systématiquement isolé les luttes ouvrières à Continental, New Fabris, Caterpillar, et ailleurs, forçant les travailleurs à accepter des indemnités de licenciement ou la flexibilité du temps de travail pour sauvegarder la rentabilité des entreprises.

En même temps, les syndicats ont aidé la politique réactionnaire du PS. Entre les mois de janvier et de mai, ils ont organisé des manifestations pour soutenir la modification proposée au plan de relance de Sarkozy par Martine Aubry du PS. Le NPA a également collaboré avec le PS, signant les appels de ce dernier et appelant les travailleurs à participer aux mobilisations organisées par les syndicats dans le cadre des initiatives politiques d'Aubry.

Lors de son congrès fondateur au mois de février, le NPA a dénoncé le trotskysme comme axe politique fondamental. L'abandon du trotskysme est un signe lancé à la bourgeoisie que le NPA est prêt à devenir une institution politique de la bourgeoisie. Le NPA tente déjà d'établir les conditions sous lesquelles se déroulera son alliance avec des partis bourgeois comme le Parti de gauche (PG) de Jean-Luc Mélenchon et le Parti communiste (PCF) pour les élections régionales de 2010.

Les retombées de la dispute entre le NPA et la CGT soulignent également le caractère réactionnaire et opportuniste des conceptions politiques de la direction du NPA.

Pour le NPA, une lutte politique est inséparable d'une orientation vers le PS et d'autres partis de la bourgeoisie française. Ainsi Philippe Pignarre, membre du bureau politique du NPA, écrit dans son livre Être anticapitaliste aujourd'hui : « la condition pour qu’un mouvement social quitte le terrain seulement revendicatif et commence à poser de sérieux problèmes au pouvoir politique, est qu’il oblige les partis traditionnels de gauche à prendre position. Dans ce cas, il peut y avoir une étape suivante : demander au gouvernement de partir ».

Lors d'une interview avec Olivier Besancenot, l'hebdomadaire Marianne lui a posé la question: « Vous êtes partisan de la grève générale. Ce à quoi les syndicats répondent que la grève générale ne se décrète pas ? » Olivier Besancenot a répondu : « Nous, quand on parle de grève générale, on n’a pas en tête le Grand Soir. On cherche juste l’efficacité ».

Dans ce refus du « Grand Soir » - c'est-à-dire d'une révolution politique qui transformerait la société - s'expriment tout le pessimisme et l'hostilité accumulés du NPA envers le prolétariat en tant que classe révolutionnaire. Vidé par Besancenot de son contenu d'affrontement révolutionnaire entre l'ensemble du prolétariat et la bourgeoisie, le terme "grève générale" n'est qu'un slogan creux.

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