Le Washington Post a publié la semaine passée un article
soulignant l’énorme consolidation du système bancaire américain qui a eu
lieu suite à la politique menée par les gouvernements Bush et Obama en
réaction à la crise financière.
L’article, intitulé « Les banques ‘trop grandes pour faire faillite’
deviennent encore plus grandes », rapporte comment les plus grosses banques
ont consolidé le contrôle d’une part plus grande des marchés financiers en
utilisant leur position monopoliste pour accroître leurs profits et
augmenter les frais et les intérêts encourus pour tout service rendu aux
clients et aux petites entreprises.
« La situation d’oligopole s’est resserrée, » a dit Mark Zandi, chef
économiste chez Moody’s Economy.com, qui est cité par le Post. « Il y
a eu une consolidation significative chez les grandes banques et c’est ce
qui en train d'évider le système bancaire, » a-t-il dit.
Le journal rapporte que JPMorgan Chase, Wells Fargo et Bank of America
détiennent à présent chacune plus de 10 pour cent de l’ensemble des dépôts
bancaires du pays. Ces banques, en plus de Citigroup, émettent la moitié des
prêts hypothécaires et les deux tiers des paiements par carte de crédit.
Pour la seule année dernière, les dix plus grandes banques ont augmenté leur
part des dépôts bancaires de 40,6 pour cent en 2007 à 48,2 pour cent
aujourd’hui.
Les grandes banques profitent de leur plus grand contrôle du marché pour
rehausser les frais de services bancaires. Le Post a noté qu’au cours
du dernier trimestre, ces banques ont augmenté leurs frais de dépôt en
moyenne de 8 pour cent tandis que les banques plus petites les ont baissés
de 12 pour cent.
En promouvant et en subventionnant le rachat des banques défaillantes par
les plus grosses banques et les sociétés d’investissement, le Post
remarque que le gouvernement a violé les lois antitrust fédérales qui
interdisent à toute banque individuelle de contrôler plus de 10 pour cent
des dépôts financiers du pays. Elles ont aussi violé les recommandations
antitrust du Département américain de la Justice sur le degré de contrôle
des marchés financiers régionaux par les banques individuelles.
Les principales étapes-clés dans la consolidation du système bancaire au
cours de ces derniers 18 mois comprennent :
• le 14 mars 2008: rachat de Bear Stearns par JPMorgan Chase. La Réserve
fédérale (Fed) avait fourni 29 milliards de dollars de liquidités à JPMorgan
pour financer l’opération.
• le 5 juin 2008: la Fed approuve le rachat par la Bank of America de
Countrywide Financial, le plus grand émetteur de crédits hypothécaires du
pays.
• le 15 septembre 2008 : Bank of America achète Merrill Lynch sur la base
d’une promesse de la Fed et du Trésor américain d’octroyer 30 milliards de
dollars à la Bank of America pour garantir les actifs de Merrill Lynch.
• le 15 septembre 2008: la Fed et le Trésor américain acceptent la mise
en faillite de la banque d’affaires Lehman Brothers.
• le 21 septembre 2008: la Fed et le gouvernement Bush autorisent les
deux banques d’affaires Goldman Sachs et Morgan Stanley à devenir des
banques commerciales pour pouvoir recevoir des prêts bon marché et d’autres
aides financières.
• le 25 septembre 2008: JPMorgan Chase rachète Washington Mutual, la plus
importante caisse d’épargne fournisseur de prêts bancaires des Etats-Unis.
L’opération a été subventionnée par l’agence fédérale d’assurance des dépôts
bancaires américaine (FDCI).
• le 12 octobre 2008: Wells Fargo achète Wachovia, une autre opération
subventionnée par le FDCI.
En plus de ces importantes acquisitions, plus de 80 banques de plus
petite taille ont été saisies par le FDIC cette année et nombre d’autres ont
été absorbées par des banques plus grandes avec l’aide financière du
gouvernement.
Suite à ce processus, trois des principaux concurrents des plus
importantes firmes de Wall Street, Bear Stearns, Lehman Brothers et Merrill
Lynch, ont disparu et d’importantes banques commerciales telles Wachovia et
Washington Mutual se sont volatilisées en laissant des géants tels JPMorgan
Chase et Goldman Sachs en position de dicter les conditions du marché.
La croissance des grandes banques restantes a été stupéfiante. Selon un
article du Washington Post, Bank of America a connu un accroissement
de 138 pour cent après le rachat de Merrill Lynch et de Countrywide
Financial. JPMorgan Chase a progressé de 50 pour cent après s’être approprié
Bear Stearns et Washington Mutual et Wells Fargo a affiché une expansion de
43 pour cent après s’être emparée de Wachovia.
Avant la crise, Wells Fargo, JPMorgan Chase et Bank of America
contrôlaient respectivement 4,4, 7,0 et 9,6 pour cent des dépôts bancaires.
A présent, ils contrôlent 11 pour cent, 10 pour cent et 12,9 pour cent.
Cette consolidation, à laquelle s’ajoute la promesse du gouvernement
Obama de dépenser tout ce qu’il faudra en moyens financiers pour éviter la
défaillance des grosses banques restantes, leur a permis d’emprunter des
fonds à des taux significativement plus bas que leurs petites rivales en
créant les conditions d’une plus grande concentration du pouvoir financier
entre les mains de quelques super-banques. Les banques détenant 100
milliards de dollars d’actifs ou plus empruntent de l’argent à un taux
d’intérêt inférieur en moyenne de 0,34 pour cent de points que leurs rivales
plus petites, selon le Washington Post. Cet avantage n’était en 2007
que de 0,08 pour cent.
Le processus de consolidation par l’entremise du gouvernement se
poursuit. Le Wall Street Journal a rapporté lundi que le FDIC a
subventionné le rachat de banques en difficulté par des institutions plus
grandes en garantissant littéralement l’ensemble des pertes des banques plus
grandes.
L’article dit que le FDIC a assumé à 95 pour cent le risque sur 80
milliards de dollars d’actifs des banques défaillantes rachetées par
d’autres banques. Le montant total des pertes potentielles du FDCI est de
l’ordre de 80 milliards de dollars comparé au 10,4 milliards de dollars
qu’il détient actuellement pour garantir les dépôts de millions de clients.
Le fonds d’assurance du FDCI utilisé pour garantir les dépôts a chuté de
plus de 50 milliards de dollars par rapport à l’année dernière et il se
creuse davantage dû à de nouvelles faillites. Les responsables disent qu’ils
s’attendent à plus de 300 nouvelles faillites bancaires dans les mois à
venir. L’agence s’attend à devoir couvrir 14 milliards de dollars de pertes
sur les rachats subventionnés qu’elle a déjà accordés. On s’attend à ce que
le FDCI utilisera des milliards de dollars du Trésor public pour consolider
son système d’assurance dépôts.
Comme le note le Wall Street Journal, la politique du FDCI
d’organiser les rachats des banques avec des fonds publics « correspond à
subventionner des dizaines de banques triées sur le volet. »
L’énorme concentration de pouvoir financier est le résultat d’une
politique délibérée à la fois des gouvernements Bush et Obama. C’est l’un
des éléments d’un programme pour se servir de la crise financière provoquée
par les opérations spéculatives et la course au profit des grandes banques
pour accomplir une restructuration massive de l’économie américaine dans
l’intérêt des sections les plus puissantes de l’élite financière.
Ceci va main dans la main avec une attaque sans précédent contre les
emplois et les salaires de la classe ouvrière, les propositions d’Obama de
réduire radicalement le système de santé de millions de travailleurs et les
préparatifs faits pour un assaut historique lancé contre une série de
programmes sociaux de base tels Medicare, Medicaid et la Sécurité sociale.
L’objectif est de rejeter tout le fardeau de la crise capitaliste sur la
classe ouvrière en diminuant de façon permanente le niveau de vie de la
classe ouvrière.
La faillite forcée de General Motors et de Chrysler par Obama a été une
étape-clé dans ce processus. Tout comme dans le cas de ses propositions de
soins de santé, elle avait été dictée par les vétérans de Wall Street qui
siègent dans le gouvernement Obama et les représentants des groupes de
pression de l’industrie. Le démantèlement de la couverture de santé de
centaines de milliers de travailleurs retraités de l’automobile et de leurs
familles est une avant-première des projets de réduction des soins de santé
qui sont présentement débattus au Congrès.
Dans ces conditions, le remaniement régulateur des banques organisé par
le gouvernement Obama n’est rien d’autre qu’une parodie. Le gouvernement
Obama est un instrument des intérêts les plus puissants de Wall Street et
qui ne veut ni ne peut imposer des limites réelles aux pratiques
spéculatives et à la course au profit des banques ou des plans de sauvetage
énormes que les banquiers s’attribuent eux-mêmes.